« Nous sommes déterminés à organiser la résistance contre les mesures du Choc des savoirs ». C’est par ces mots que Benoit Teste, secrétaire général de la FSU, a lancé la conférence de presse qui avait lieu hier, mardi 14 mai. Et si les syndicats ont tenu à réunir les journalistes, c’est parce que l’heure est grave selon eux. « L’école est à un point de bascule » a affirmé Benoit Teste pour qui les mesures du Choc des savoirs portées par le gouvernement Attal sont « populistes ». Ces mesures peuvent mettre «  le feu socialement » assure Sophie Vénétitay, du Snes-FSU. « Elles barrent la route aux élèves de milieux les plus défavorisés ». Ce qui se joue aujourd’hui chez les professeurs qui se mobilisent, c’est « un combat pour la dignité professionnelle » selon elle. Et les syndicats préviennent, « les revendications ne s’arrêteront pas le 25 mai ». « On va discuter de la façon dont on organise la mobilisation à la fin de l’année et à la rentrée. On n’a aucun tabou sur les actions à mener si elles emportent l’adhésion des collègues ».

Une image contenant habits, Visage humain, personne, intérieur

Description générée automatiquement

« Nous sommes déterminés à organiser la résistance contre les mesures du Choc des savoirs », a déclaré benoit Teste, secrétaire général de la FSU. « Nous appelons à de grandes manifestations sur l’ensemble du territoire samedi 25 mai dans le prolongement des mobilisations déjà existantes ». Pour le secrétaire général de la première fédération de la Fonction publique, l’heure est grave. « L’école est à un véritable point de bascule, elle est traversée par une crise profonde ». Un point de bascule « dangereux pour la société dans son ensemble ». « On bascule vers une école rabougrie. Sous couvert de mesures de bon sens, que l’on qualifie nous de populistes, c’est le renoncement de l’objectif premier de l’école, la réussite de tous et toutes. C’est le renoncement à la démocratisation scolaire, c’est un enjeu de société, c’est un enjeu démocratique. Nous souhaitons solidariser toute la société autour des enjeux de l’École ».

Le tri social à l’œuvre dès le premier degré

« Dans le premier degré, on retrouve aussi cet esprit de tri des élèves », déclare Guislaine David, porte-parole et co-secrétaire générale de la FSU-SNUipp. Elle donne l’exemple des projets de programme qui sont « à l’inverse de ce qui s’est fait précédemment, notamment en 2015 ». « Ces programmes sont très prescriptifs et vont déposséder les professeurs des écoles de la maîtrise de leur enseignement. Ils s’adressent à des élèves qui n’existent pas. Ils sont simplistes, mécaniques et dangereux pour les apprentissages des élèves, notamment les plus fragiles ». Selon la responsable syndicale, ces programmes sont conçus à partir des items des évaluations standardisées, une forme de « teach to test ». Évaluations, « inutiles pour les enseignants et inefficaces pour les élèves », qui auront lieu à tous les niveaux dès la prochaine rentrée. « Tout un pan des évaluations ne tient pas compte de certaines compétences des élèves, que les enseignants et enseignantes savent évaluer. Les évaluations, qui auront lieu en début d’année, vont normer, cadrer et trier les élèves. À partir de ces résultats, les élèves seront orientés en dehors de la classe dans des activités pédagogiques complémentaires ou lors de stages de remises à niveau ». Guislaine David rappelle d’ailleurs la pétition initiée par l’intersyndicale contre ces évaluations.

« La labélisation des manuels est aussi symptomatique de ce gouvernement », poursuit-elle. « On y lit une volonté de mettre au pas les professeurs des écoles, de les déposséder de leur capacité à faire la classe ». Quant aux groupes de niveau, si le premier degré n’est pas directement concerné, certains inspecteurs de l’éducation nationale ou chefs d’établissement demandent d’ores et déjà aux enseignants et enseignantes de classes de CM2 de transmettre des listes différenciées selon le niveau, affirme la porte-parole. « Nous appelons les collègues à ne pas trier les élèves. Nous nous y opposons. Nous ne participerons pas à cette mascarade ».

Un combat aussi pour la « dignité professionnelle »

« Cela fait cinq mois que nous sommes mobilisés », raconte Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU. « Il n’y a pas un jour sans qu’il ne se passe quelque chose dans un collège, une école… Il y a des réunions publiques, partout sur le territoire, même dans les petits villages. Les parents nous ont rejoints. On a gagné la bataille des idées avec les collègues, on a gagné la bataille de l’opinion avec les parents ».

Selon la responsable syndicale, en ce moment des formations sont organisées par les IA-IPR de mathématiques et de français pour « former » les professeurs aux groupes de niveau. « On est face à un déploiement de « formations », plutôt du formatage, par des IA-IPR qui portent la bonne parole pour mettre en place des groupes de niveau ». Des formations qui sont loin d’être sereines, toujours selon elle. « Les micros et le tchat sont fermés. Les collègues ne peuvent réagir. On sent une grande fébrilité et une volonté évidente de neutraliser la contestation ».

« On le dit, on le répète, nous refusons de trier nos élèves. Et nous utiliserons toutes les actions possibles pour nous y opposer ». Et cela passe par investir les conseils d’administration, affirme-t-elle. « On veut faire appliquer les textes. Le code de l’éducation pose le principe de l’autonomie des établissements. Il indique que le CA fixe les principes de mise en œuvre d’autonomie pédagogique, une autonomie qui porte sur l’organisation de la classe et les modalités de répartition des élèves. Et dans la hiérarchie des normes, le code de l’éducation l’emporte sur des arrêtés ou circulaires… ». Concrètement, le Snes-FSU demande aux professeurs de proposer des répartitions de groupes d’élèves hétérogènes, à l’image de ce qui se fait aujourd’hui. « Nous avons la possibilité de le faire. C’est le cas en ce moment, à Reims, en Normandie… ». Elle évoque le cas d’un établissement où le chef d’établissement a refusé de mettre la question à l’ordre du jour, le syndicat indique avoir saisi la rectrice. « Nous nous basons sur les textes, sur la loi. Nous sommes face à un ministère hors la loi ».

« Nous avons la main pour ne pas appliquer le choc des savoirs, pour ne pas trier nos élèves. Nous avons la main sur notre métier, sur ce que l’on pense être le mieux pour nos élèves. Et on n’est pas hors la loi, bien au contraire » soutient la secrétaire générale. Le Snes-FSU a interpellé la ministre, indique-t-elle, « elle a deux mois pour nous répondre. On est très intéressés par la réponse juridique qu’elle va nous apporter ».

Mais le choc des savoirs, c’est aussi, la Prépa seconde dénonce Sophie Vénétitay. « Une classe pour accueillir les élèves qui n’auraient pas le DNB. Des élèves qui auront six heures de cours de moins qu’en 3e. Ces prépas seconde, c’est barrer la voie à une partie de nos élèves vers une poursuite d’étude. C’est encore une forme de tri des élèves ». La fin des correctifs académiques, cumulée à cette prépa, « est une bombe sociale ». « Il y a une question d’acceptation sociale de ces mesures », poursuit-elle. « Socialement, cela peut mettre le feu. C’est barrer la route aux élèves de milieux les plus défavorisés ».

« À ce moment de bascule, on montre qu’on se mobilise dans la durée et on garde la main. Il se joue une fierté de notre métier, un combat pour la dignité professionnelle », conclut-elle.

Le tri aussi en lycée professionnel

Au lycée professionnel, le tri s’organise de façon pernicieuse, explique Séverine Louis Brelot, co-secrétaire générale du Snuep-FSU. Selon elle, la réforme de la voie professionnelle est pilotée par Emmanuel Macron « qui veut mettre la voie professionnelle sous la tutelle du ministère du Travail ». Elle rappelle qu’une réforme de la carte des formations est à l’œuvre, avec la fin de certaines d’entre elles en 2026. « Les formations dites d’avenir sont celles abandonnées par les adultes, car mal payées et mal reconnues. On nous demande d’envoyer nos élèves vers ces métiers dont personne ne veut ». Selon le Président, lorsqu’une formation n’est pas insérant localement, il faut la fermer. Le syndicat des enseignants de lycée professionnel tempère. « Elle ne l’est pas sur le territoire du lycée, mais elle peut l’être à quelques kilomètres. Et puis nos élèves sont jeunes, ils peuvent, comme tous les autres jeunes, faire le choix de la mobilité ». « Envoyer nos jeunes vers des filières non choisies ne les aide pas à obtenir leur diplôme. Bien au contraire », ajoute Séverine Louis Brelot qui rappelle que si en voie générale, le passage des épreuves du bac en mars a été abandonné, il a , dans le même temps, été décidé pour la voie professionnelle. « Nos élèves devront passer leurs épreuves, puis partir en stage six semaines – payé 600 euros, je rappelle que nos élèves sont majoritairement de milieu populaire – ou prendre des cours pour la poursuite d’études dans le supérieur. Ils devront revenir ensuite passer les dernières épreuves. On a peur d’en perdre quelques-uns en route, et qu’ils ne passent même pas leur bac. C’est mal connaître nos élèves que de faire ce choix ». Sauf à vouloir qu’ils échouent…

Les groupes de niveau impactent toutes les disciplines

Coralie Benech, secrétaire générale du Snep-FSU, montre que les injonctions aux fondamentaux impactent toutes les disciplines, dont l’EPS. « Pour mettre en place les groupes de niveaux, on va puiser sur les marges qui servaient jusqu’à présent à certains dispositifs ». Elle donne l’exemple du savoir nager ou les activités physiques de pleine nature qui ne pourront disposer de moyens supplémentaires. « C’est dommage quand même l’année des jeux olympiques et paralympiques où l’on nous promet monts et merveilles ». Deuxième impact, soutient la responsable syndicale : l’alignement des emplois du temps. « Nous avons des contraintes d’infrastructures qui ne seront plus prises en compte. J’ai l’exemple en tête d’un chef d’établissement qui a rétorqué au collègue qu’il fera EPS dans la cour… ». « C’est une forme de tri des élèves, parce que les moyens sont mobilisés sur ces groupes de niveau au détriment d’un accès diversifié à toutes les disciplines. Et on sait quels élèves en pâtiront le plus… »

La prochaine grande journée de mobilisation est prévue samedi 25. La colère ressentie par les enseignants et enseignantes se manifestera-t-elle dans la rue?

Lilia Ben Hamouda