La France mérite mieux qu’un Président de la République

Texte collectif

Photo Loïc Venance/AFP

Photo Loïc Venance/AFP
 
Tous les cinq ans, une frénésie accapare la plupart des médias et des instituts de sondage. Par un étrange renversement, l’insignifiant est monté en épingle, les bas instincts sont magnifiés, les ambitions les plus égoïstes se transforment en don de sa personne.
Le ridicule ne tuant pas, la France elle-même est convoquée pour recevoir un tel legs si généreux. Petites phrases disséquées ad nauseam. Candidats à la candidature. Jeux d’égos et conspirations glorifiés. Nombrilisme valorisé. Portrait de Narcisse y pensant tous les matins en se rasant et sans se couper…
Curieuse conception de la défense de l’intérêt général que celle de trahir son ami de trente ans et de nouer alliance contre-nature, de pactiser avec l’ennemi d’hier, de (se) compromettre. Curieuse représentation de la Nation que celle d’exhiber son tableau de chasse politique : conquérir le pouvoir suprême équivaut à devenir de véritables tueuses et tueurs. Ce marigot est publiquement appelé – toute honte bue – qui, le “rassemblement” ou la “vertu”, qui, la “Vérité” ou “ni droite ni gauche”. La République, et surtout les citoyennes et les citoyens que nous aspirons à devenir, n’en demandent pas tant.
Face à une désaffection électorale et à une désaffiliation partisane, le système des primaires, organisé par la droite puis actuellement par le Parti socialiste, tente de renouer avec un entrain populaire. Or l’efficace de cette sélection aboutit à une surenchère électoraliste, à la posture du bonnet blanc surjouant la différence avec le blanc bonnet. Puis, après la victoire, à rétropédaler, à nuancer ses propos, voire à revenir dessus et passer à autre chose. Le langage qui dit quelque chose s’efface devant la communication politique qui bruisse en permanence pour ne rien dire. L’opinion publique n’existe pas, expliquait Pierre Bourdieu.
Pourquoi un tel tintamarre ? Car l’élection présidentielle n’est pas démocratique. Elle ne consiste qu’en un choix bien souvent par défaut – issu du vote dit (in)utile – d’une personne censée incarner un programme et des idées. Une telle personnalisation de l’élection renforce la personnalisation du pouvoir, favorise les grands partis capables de mobiliser financements et réseaux, court-circuite la réflexion de fond et le temps du débat. La politique ne peut se cantonner à la bipolarisation de notre vie politique amoindrie et à une hyperprésidence bipolaire, qui rend la vie politique inconséquente. Il faut redonner la primauté aux élections législatives desquelles serait issu le Premier ministre, seul chef de l’État et responsable devant l’Assemblée nationale. Il faut définitivement en finir avec l’élection présidentielle. Il est temps de refermer la parenthèse du césarisme gaullien et d’un régime né d’un contexte historique bien particulier. Nous ne sommes plus en 1962. La République vaut mieux que ces institutions. La démocratie vaut mieux que la présidentielle.
Pour autant, la campagne électorale actuelle demeure l’occasion de vivifier le débat politique et de s’engager pour défendre une nouvelle citoyenneté. Faut-il alors soutenir un candidat à l’élection présidentielle pour en finir avec la Ve République ? Oui, pour éviter que cette campagne ne se résume à un débat stérile entre un candidat conservateur qui prône ouvertement la régression sociale et des représentants autoproclamés de l’“anti-système” qui ne défendent au fond qu’un repli nationaliste ou un modernisme creux bien loin de nos idéaux.
Oui, même si nous aurions préféré qu’un vaste mouvement social et citoyen réussisse à s’organiser pour désigner un candidat hors des partis, aujourd’hui largement décrédibilisés, et qui ne soit pas un professionnel de politique.
De manière pragmatique, il ne s’agit pas de choisir entre la peste et le choléra mais de s’engager aux côtés de la candidate ou du candidat qui porte l’ambition d’une nouvelle manière de faire de la politique ; qui promeut la modestie et l’intelligence collective ; qui pense la modernité en étant à la hauteur des enjeux écologiques et agricoles ; qui s’inscrit dans le progrès historique que constitue la réduction du temps de travail rendue possible par l’institution d’un Revenu universel. Seule cette voie permettra à la fois d’atteindre le plein emploi, source d’émancipation, et de libérer le temps et les énergies pour l’exercice d’une citoyenneté intégrale. La réalisation matérielle d’une telle citoyenneté impose de redonner la parole et la prise de décision au plus grand nombre par des procédés démocratiques novateurs. Telle est l’ambition de la République Sociale que nous voulons bâtir à l’orée de ce XXIe siècle qui répète en les accentuant les tragédies sociales du siècle dernier. Aujourd’hui, si un mince espoir de rassemblement autour d’un projet positif pour la France et l’Europe existe dans cette présidentielle, il passe par le succès à la primaire de “gauche”, que nous aurions souhaité bien plus large, d’un candidat susceptible de porter une telle alternative. Et non la simple élection d’un garde-chiourme.
C’est pour cette raison que notre jeune association a pris la décision, sans angélisme et avec vigilance, de soutenir Benoît Hamon à cette élection primaire. Il est le seul des sept candidats en phase avec notre temps. Celui d’une transition graduelle et méthodique vers la République Sociale dont l’avènement historique devra reposer sur un fort mouvement social. Celui des réformes économiques indispensables pour réaliser la Révolution Sociale et Écologique dont la société moderne a besoin. Nous regrettons toutefois que Benoît Hamon ne soit pas allé assez loin dans la réflexion institutionnelle. En effet, c’est parce qu’une Constitution est toujours l’expression d’un rapport de forces sociales, que nous pensons qu’il nous faudra mener une vraie réflexion sur la nécessité de réformer nos institutions au plus vite et  poser sans tabou ni détour la légitimité de  l’élection présidentielle au suffrage universel direct.
Mais pour suivre le sillage de Jaurès, nous faisons avec le réel pour aller à l’idéal.
Bruno ANTONINI, professeur de philosophie
Julien CAYLA, cadre de service public
Éric NEYER, doctorant en économie
Abdelaziz OUNIS, professeur de philosophie, géopolitologue
Laurent QUESSETTE, docteur en droit
Imad TALI, journaliste indépendant
Fati TOMBULOGLU, chercheur en sciences politiques
Les signataires sont membres fondateurs de l’association République Sociale :

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