À l’appel des associations Urgence ligne Polt et Objectif capitales, des centaines de personnes venant du Centre comme du Sud-Ouest ont convergé vers Paris pour demander au gouvernement d’investir dans le réseau ferroviaire.

Un ras-le-bol commun, une détermination partagée. Ce mardi 15 avril, près de 400 personnes ont quitté Cahors (Lot) et Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) aux aurores pour rallier Paris à bord de deux « trains de la colère ». À leur arrivée en gare d’Austerlitz, élus, usagers, associations et représentants d’entreprises ont dénoncé « le manque d’investissement de l’État » sur les lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont-Ferrand.
Essentielles pour plus de 10 millions d’habitants, ces lignes souffrent d’un abandon criant. « Elles ne bénéficient pas des mêmes attentions en matière d’aménagement du territoire et de niveau de service que le reste des régions françaises », déplore le président d’Urgence ligne Polt Jean-Claude Sandrier, ancien député communiste du Cher, et maire de Bourges de 1993 à 1995. Même ton chez Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand : « On est tous là aujourd’hui pour faire entendre notre voix et qu’on retrouve de la considération pour les habitants de nos territoires. »
Sans train, pas d’économie locale
Le manque d’entretien et le matériel « défectueux », source de retards et pannes, nourrissent la colère. « Les trains sont à bout de souffle », s’insurge Jean-Claude Sandrier. Les deux associations Urgence ligne Polt et Objectif capitales, à l’origine de l’événement, exigent de ce fait des engagements forts : livraison, maintes fois reportée, des rames dites Oxygène d’ici à 2026-2027, création d’un parc de locomotives, services de maintenance adaptés, respect des délais des travaux prévus sur les voies sans pénaliser les usagers. Et durant le chantier ? « Une réduction substantielle des tarifs pour tous sur une base de 50 % », répondent-ils en chœur.
Si le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a promis une légère baisse des tarifs sur l’ensemble des billets proposés, à hauteur de 10 %, et la mise en vente de 10 000 billets à prix cassés (19 euros contre près de 60 euros aujourd’hui), le coup de pouce annoncé ne suffit pas aux manifestants : « Ce n’est pas un effort, c’est une plaisanterie », critique Jean-Claude Sandrier. Une délégation a été reçue cet après-midi au ministère des Transports, mais sans le ministre, remplacé par des membres de son cabinet. « Une insulte supplémentaire », juge Jean-Claude Lebois, président de la Haute-Vienne. À cette occasion, un « livre blanc » appelant aussi à moderniser les lignes a été remis.
Pour les engagés présents, la question dépasse largement le simple confort ferroviaire. « À l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique, il est inconcevable que 10 millions de Français soient réduits à choisir la voiture », rappelle Jean-Claude Sandrier. D’autant que pour Yvan Escribe, cheminot et syndicaliste CGT, le sous-investissement chronique « a une influence sur le travail des cheminots en plus de celui des usagers ».
Sans oublier les effets sur le tissu économique, comme s’en inquiète David Claustre, représentant d’un collectif d’entreprises rurales. « C’est difficile d’être proactif si on n’a pas une ligne digne de ce nom », rapporte-t-il. « S’il n’y a plus de trains, l’économie locale n’existe plus. C’est une question de survie pour la ruralité », assure également Georgette, 82 ans. Sur le parvis, le mot d’ordre est clair : défendre la ruralité, dénoncer l’iniquité.
In DDM: « Quatrième génération de TGV, et on roule avec du matériel des années 1970 » : à bord du train de la colère, les élus défendent la ligne Polt
« Avant d’habiter à Nadaillac-de-Rouge, j’étais à Paris, mais je descendais tous les week-ends dans le Lot. Le nombre de fois où mon train a été supprimé le dimanche soir… J’ai fini par ne plus prendre de réunion le lundi, car c’était trop risqué », confie Agnès Redouloux, dans le train cadurcien en direction de Paris. Ce mardi matin, la ligne Polt était au cœur de toutes les discussions. Deux trains de la colère, l’un au départ de Cahors et l’autre de Clermont-Ferrand, montaient jusqu’à la capitale. Le but : faire entendre les revendications quant à la vétusté de la ligne Polt (et son équivalent auvergnat) et au besoin urgent de la rénover auprès du Ministère.
À Cahors, le rendez-vous était donné aux alentours de 6 h pour monter dans le train 40 minutes après. « Pour une fois, il est à l’heure ! », s’amuse un élu, sur le quai. 80 Lotois se sont donc donné rendez-vous à la gare, dont une quarantaine d’élus. « On veut faire entendre notre combat qui est juste : avoir un train qui arrive à l’heure, un train plus confortable et un train qui soit en capacité d’assurer des temps de trajet qui se rapprochent de ceux qu’on avait il y a quelques années. Dans les années 80, il y avait un train qui s’appelait Le Capitole, et on allait à Paris beaucoup plus vite qu’aujourd’hui », affirme Jean-Marc Vayssouze-Faure, sénateur du Lot. En effet, il faut actuellement 45 minutes de plus pour rejoindre la capitale qu’à l’époque.

Jean-Noël Boisseleau, vice-président de l’association Urgence Ligne Polt.
Suppressions de trains, pannes à répétition, des heures de retard, des temps de parcours qui se dégradent, du matériel vétuste… « Il y a un phénomène de ras-le-bol, et ça ne peut plus continuer comme ça. On est rendus à la quatrième génération de TGV, et nous, on roule avec du matériel des années 1970-80, y compris les locomotives qui sont à bout. Et les nouvelles rames qui devaient être mises en place en début d’année ne le seront qu’en 2027. On monte des dossiers, on a des rencontres au ministère, à la direction de la SNCF… Mais les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes des usagers et des territoires », affirme Jean-Noël Boisseleau, vice-président de l’association Urgence Ligne Polt, une fois installé à bord de la rame. Ce qui est demandé : un engagement fort de l’État et de la SNCF pour accélérer la régénération de la ligne (renouvellement des rails, des ballasts, des traverses, des poteaux caténaires, comme entre Cahors et Mercuès…) et la moderniser.
« On paie pour se faire déshabiller ! »
À bord du « Train de la colère », de nombreux élus ont réservé leur siège, dans trois voitures pratiquement privatisées. Une situation « insupportable » pour Françoise Faubert, première adjointe à la mairie de Cahors. Francesco Testa, lui, partage son inquiétude : « On ne sait pas ce qu’il va advenir de cette ligne. On a du mal à financer la réforme d’une ligne historique entre Cahors et Paris, car la politique de l’État, c’est le tout LGV ». À ce titre, les neuf conseillers départementaux du groupe socialiste et écologiste demandent au conseil départemental que soient suspendus les versements du Département destinés à financer le projet GPSO (Grand Projet Sud-Ouest), soit la ligne à grande vitesse entre Toulouse et Bordeaux. Un engagement que le Département a conditionné à la modernisation de la ligne Polt, et que le groupe dénonce aujourd’hui. « On paie pour se faire déshabiller ! », lance un des élus. Tous dénoncent une inégalité qui se creuse entre les territoires. Rémi Branco va plus loin : « La République recule pour nous, là où elle avance pour les autres. C’est hallucinant que le ministre ne l’assume pas ».

De nombreux élus étaient présents pour faire le trajet.
Parmi les usagers, certains regrettent de ne plus prendre la ligne aussi souvent qu’avant. « On parle de mobilités et d’attractivité du territoire. À Écaussystème ou encore Gindou Cinéma, qui attirent des personnes de toute la France, comment font-ils ? Ils n’osent pas prendre le train, et la ligne Polt à cause de sa réputation. On ne répond pas aux besoins de notre département », assène André Bargues, un usager de la ligne et ancien élu. Mireille Figeac, maire de Gindou, complète : « Et même pour les étudiants du Lot, c’est une galère pas possible ». Un constat avec lequel est bien d’accord Gilles Liébus, maire de Souillac, qui accueille de nombreux élèves grâce au lycée hôtelier.

Frédéric Gineste, comme les autres élus, ont claqué la porte de la réunion organisée au ministère.
Le Train de la colère était censé arriver à 12 h. « Enfin, maintenant, ils annoncent 12 h 30 ! », commente Jean-Noël Boisseleau, montre en main. Ils étaient environ 300 à Paris. Après un sit-in, une délégation était reçue au ministère des Transports par le directeur de la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), Rodolphe Gintz. « Nous ne sommes même pas reçus par le ministre lui-même, c’est un manque de considération », regrette Christophe Proença, député du Lot. Pour le département, c’est Frédéric Gineste, vice-président en charge des infrastructures routières au département, qui était présent. Et la réunion ne s’est pas déroulée aussi bien qu’espérée. Pendant l’entrevue, un communiqué du ministre a été envoyé pour affirmer que les choses resteraient telles quelles, et qu’il n’y aurait pas d’autres avancées. Les élus ont, donc, quitté la réunion avant la fin dénonçant une « instrumentalisation ». Frédéric Gineste conclut : « Face à cette mascarade, nous sommes partis. Nous étions pleins d’espoir, et on attendait du respect pour nos territoires ruraux. C’est une forme d’humiliation. On va continuer de se battre car la ligne Polt, pour le Lot, c’est notre poumon ».
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