Climat. Quand la viande réchauffe la planète

Les émissions de GES des cinq premières entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers sont supérieures à celles des géants des énergies fossiles. C.Helgren/Reuters

Les émissions de GES des cinq premières entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers sont supérieures à celles des géants des énergies fossiles. C.Helgren/Reuters

La consommation excessive de viande et de produits laitiers a un impact dangereux sur le réchauffement climatique. Et la situation risque de s’accentuer sous la pression des industriels, avertit une étude, qui encourage les gouvernements à agir.

On le sait : au niveau mondial, la consommation de viande et de produits laitiers pèse lourdement dans les émissions de gaz à effet de serre. Mais la tendance pourrait encore s’intensifier, alerte un nouveau rapport publié hier par l’Institut pour l’agriculture et la politique commerciale (IATP) et l’ONG Grain, qui soutient les luttes des paysans. Celui-ci évalue certes les émissions des gaz à effet de serre (GES) du secteur de la viande et des produits laitiers à l’horizon 2050 mais surtout il analyse la façon dont les entreprises de ces deux secteurs clés de l’agroalimentaire communiquent sur ce sujet. « C’est la première fois qu’on regarde en détail comment ces sociétés s’engagent sur le climat. Et en la matière, leur stratégie est claire : priorité est donnée à la croissance ! Ce qui est incompatible avec les objectifs climatiques », précise Devlon Kuyek, l’un des auteurs du rapport, chargé de suivre l’évolution de l’agrobusiness au sein de l’ONG Grain.

Côté chiffres, ce nouveau rapport met en effet en évidence la place croissante de ces produits dans les émissions mondiales. Ainsi, les émissions de GES des cinq premières entreprises du secteur de la viande et des produits laitiers – JBS (Brésil), Dairy Farmers of America, Tyson, Cargill (États-Unis) et Fonterra (Nouvelle-Zélande) – sont supérieures à celles des géants des énergies fossiles comme Exxon, BP ou Shell.

Les plus grosses firmes manquent de transparence

Et le top 20 des producteurs de viande et de produits laitiers dans le monde pèse davantage que les émissions totales de pays tels que l’Allemagne ou le Royaume-Uni ! Le plus inquiétant, c’est que si la croissance de ces deux secteurs se poursuit au même rythme, ceux-ci pourraient absorber, en 2050, plus de 80 % du « budget » annuel de gaz à effet de serre compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C. « Ces chiffres ne sont pas vraiment nouveaux. Il faut dire aussi qu’on a du mal à les obtenir. Ainsi, Cargill ne donne aucun chiffre, mais il évoque, dans son rapport annuel, une hausse de la production dans sa division bœuf. Qui dit plus de bœuf dit mécaniquement davantage d’émissions de GES », illustre Devlon Kuyek, tout en soulignant l’absence de transparence de ces géants de l’agro.

De fait, à l’exception de quatre entreprises qui fournissent des estimations complètes de leurs émissions de GES, une majorité ne les mentionnent même pas. Les 35 plus grosses firmes des secteurs observés excluent carrément leur chaîne d’approvisionnement de leurs études sur leur empreinte carbone, alors que celles-ci pèsent « entre 80 et 90 % des émissions réelles du secteur ». Le cas de Danone est parfaitement éclairant à ce sujet : « Ils ont un plan qui correspond avec l’accord de Paris. Mais quand on regarde de près, on s’aperçoit qu’il n’y a rien de concret. Ils disent “nous allons baisser les émissions de GES tout au long de notre chaîne d’approvisionnement”, mais ils ne disent pas comment. On comprend que l’exigence est reportée sur les fournisseurs. Comment y parviendront-ils ? Point d’interrogation… Les rapports annuels parlent durabilité, jouent sur l’image verte. Mais beaucoup ne font même pas mention du changement climatique. C’est un langage destiné aux seuls investisseurs », analyse le militant.

Les ONG pour une réduction significative de la production

Sans surprise, les ONG militent pour une « transformation majeure » et une réduction significative de la production de viande et de lait, notamment dans les pays où sont massivement implantées ces sociétés. « Alors que le monde est traversé par un certain nombre de crises (alimentaires, sanitaires, environnementales, agricoles), la question, aujourd’hui, est de savoir quel système alimentaire nous voulons », assène Devlon Kuyek, qui pointe la responsabilité des États : « Quelles sont les stratégies des gouvernements, qui défendent les intérêts de leurs entreprises, soutiennent les accords de libre-échange sans réfléchir aux conséquences de ces exportations sur le climat, l’environnement, la santé… ? Car ces accords augmenteront les exportations, et donc les émissions, sapant des solutions qui profiteraient aux fermiers, aux travailleurs et aux consommateurs. »

Alexandra Chaignon

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