Apparu dans la foulée des gilets jaunes, le mouvement entend lutter contre la dévalorisation matérielle et symbolique du métier d’enseignant.
La rémunération est au cœur des (nombreuses) revendications portées par l’intersyndicale qui a appelé les enseignants à faire grève aujourd’hui. Elle est également portée haut par le mouvement des « stylos rouges », créé dans la foulée des Gilets Jaunes. Également né sous la forme d’un groupe Facebook, il est rapidement devenu très visible (66 000 membres fin janvier). Dans le manifeste qu’ils ont publié, la « revalorisation du métier », via l’augmentation des salaires et la révision des statuts, est en première position. Mais elle ne peut être totalement détachée des autres demandes, que l’exigence « d’une vraie bienveillance de l’Etat pour ses élèves » (limitation du nombre d’élèves par classe, arrêt des suppressions de postes…) et la reconnaissance de « la qualité de notre fonction et de notre travail ».
Un diagnostic partagé
Comme les autres fonctionnaires, les enseignants subissent en effet le quasi-gel du point d’indice depuis dix ans, alors même que les comparaisons internationales soulignent qu’ils sont plutôt mal payés par rapport à leurs homologues européens, surtout en début de carrière. Les derniers chiffres disponibles du service des études du Ministère de l’Education Nationale montrent qu’en 2016 (année ou le point d’indice de la fonction publique avait augmenté de 0,6 %), les enseignants déjà présents en 2015 avaient vu leur rémunération augmenter de 3,1 % en moyenne… Mais que parmi ceux qui n’avaient changé ni d’indice ni de rythme de travail (57,1 % de l’ensemble des enseignants), seule la moitié avait connu une hausse supérieure à 0,3 %…
Contre toute attente, Jean-Michel Blanquer a reconnu n’avoir « aucun problème avec le diagnostic qui est fait par les stylos rouges ». « C’est celui que j’ai fait depuis que je suis arrivé », a-t-il même ajouté. Le ministre a toutefois rappelé les mesures qu’il a déjà engagées : augmentation de la prime pour les enseignants en éducation prioritaire à la rentrée 2018, hausse « à l’issue du quinquennat » de 1 000 euros pour les professeurs des écoles débutants… Mais ces mesures catégorielles ne devraient pas suffire à satisfaire une profession dont on sous-estime souvent la diversité de statuts. Entre les professeurs des écoles, les certifiés, les agrégés, les professeurs de lycée professionnel, mais aussi entre titulaires et contractuels, les carrières et les rémunérations restent contrastés.
La défiscalisation des heures supplémentaires devrait ainsi rapporter, selon le ministère, 400 euros en moyenne pour un professeur certifié en milieu de carrière assurant deux heures supplémentaires par semaine. Mêlant la carotte et le bâton, Jean-Michel Blanquer a d’ailleurs décidé que les enseignants ne pourraient plus refuser de faire une deuxième heure supplémentaire.
Mais cette mesure est fortement contesté, car ces heures supplémentaires sont très inégalement réparties selon les statuts (elles n’existent tout simplement pas dans le premier degré !), si bien que cela risque d’aggraver les inégalités entre professeurs. D’autre part, parce qu’au lieu d’un nouveau « travailler plus pour gagner plus », les enseignants attendent une meilleure reconnaissance du travail qu’ils réalisent déjà. Enseigner, ce n’est pas seulement se tenir 18 heures (ou 26 heure dans le primaire) devant les élèves, c’est aussi préparer les cours, corriger des copies, participer à des réunions, monter des projets, recevoir les parents…
Des tâches guère prises en compte dans les emplois du temps officiels, et souvent ignorées de l’opinion, en partie il est vrai parce que ses tâches sont réalisées hors les murs, le plus souvent à domicile. La sociologue Julie Jarty avait montré, il y a quelques années, que cette liberté de s’organiser faisait l’un des attraits du métiers pour les enseignants, mais que cela avait pour contrepartie l’enchevêtrement des temps professionnel, familial et personnel (en particulier pour les femmes), avec des séances de travail tard le soir ou le week-end. Loin, très loin sans doute, de l’image que beaucoup ont du travail enseignant – et de sa juste rémunération.
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