Remaniement: Un pouvoir macroniste rabougri

Sibeth Ndiaye, nouvelle porte-parole du gouvernement et Amélie de Montchalin, secrétariat d’État aux Affaires européennes. Ludovic Marin/Pool via Reuters

Sibeth Ndiaye, nouvelle porte-parole du gouvernement et Amélie de Montchalin, secrétariat d’État aux Affaires européennes. Ludovic Marin/Pool via Reuters

 

En nommant une députée LaREM issue de la droite et deux de ses conseillers à l’Élysée, le président confirme son isolement et le rétrécissement politique de sa majorité.

Le signal est terrible. Alors qu’Emmanuel Macron peine à faire atterrir le grand débat, le casting du remaniement laisse peu de doute sur l’isolement politique du chef de l’État, qui cherche à resserrer les rangs autour de lui. Ce sont ainsi deux conseillers de l’Élysée, Sibeth Ndiaye, 39 ans, actuelle conseillère presse et communication du chef de l’État, et son conseiller économique de 37 ans, Cédric O, qui ont pris hier leurs fonctions de secrétaires d’État, la première comme porte-parole du gouvernement, le second au Numérique. Tous deux font partie du club des orphelins de DSK, qui après la chute du patron du FMI, ont participé dès fin 2015 à la création du phénomène Macron, bien avant que celui-ci n’affiche publiquement ses ambitions présidentielles.

Fille d’un ex-député et d’une haute magistrate sénégalais, la communicante, passée par les rangs de l’Unef puis du PS, n’a pas bonne presse dans les médias. « Nous (les) appelons quotidiennement quand on a des divergences d’interprétation », confiait-elle en 2017 à l’Express, affirmant « a ssumer parfaitement de mentir pour protéger le président ». Elle s’était également illustrée lors de la disparition de Simone Veil, le 30 juin 2017. Le Canard enchaîné avait alors dévoilé le texto que la responsable presse aurait envoyé à un journaliste : « Yes, la meuf est dead. » C’est elle aussi qui avait cru bon de diffuser, en juin 2018, la courte vidéo où Emmanuel Macron, en pleine préparation du futur « plan pauvreté », déplorait que les aides sociales coûtent « un pognon de dingue ». Un coup de com ravageur pour le président des très très riches, qui avait pourtant été pensé par le service com de l’Élysée comme un excellent storytelling… «  C’est la technocratie et l’arrogance au pouvoir. Moi, je suis sidéré qu’on place dans un gouvernement autant de personnes qui n’ont rien vu de l’état de la France, qui n’ont pas vu la fracture territoriale, sociale, ces zones rurales et ces quartiers qui se sentent abandonnés  !  » a fustigé hier l’écologiste Yannick Jadot.

Autre choix qui fait grincer des dents, même au sein de la majorité : celui d’Amélie de Montchalin, diplômée d’HEC et d’Harvard, soutien d’Alain Juppé pendant la primaire de la droite en 2017, ultralibérale convaincue, qui sera donc chargée de l’épineux secrétariat d’État aux Affaires européennes, au moment où l’UE traverse la pire crise politique de son histoire, avec le risque imminent d’un Brexit sans accord. La députée de l’Essonne de 33 ans s’était fait remarquer au début du quinquennat en prenant en main le vote du premier budget, défendant avec zèle la suppression de l’ISF, avant de diriger d’une main de fer les députés de LaREM aux côtés de Gilles Le Gendre. Amélie de Montchalin n’avait pas non plus ménagé sa peine pour justifier la hausse de la CSG. Nommer «  celle dont le plus grand fait d’armes est la suppression de l’ISF » constitue «  un signal terrible envoyé à la mobilisation des gilets jaunes », a dénoncé hier la maire de Lille, Martine Aubry. «  J’ai cru que ces nominations étaient un poisson d’avril »,  a également réagi Fabien Roussel. Le secrétaire national du PCF juge comme une provocation la nomination d’une députée qui a défendu bec et ongles la suppression de l’ISF «  au moment même où les Français réclament son rétablissement » et regrette la nomination de conseillers technocratiques «  hors sol et coupés de la réalité ».  «  Ce remaniement est un remaniement technique qui met l’église au milieu du village », a tenté de justifier hier le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin. Reste le symbole d’un pouvoir hyperconcentré à l’Élysée, où le chef de l’État, fragilisé par le départ de ses fidèles, apparaît plus isolé que jamais.

Maud Vergnol

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