Entretien avec Sophia Hocini, écrivaine, féministe, militante, communiste et engagée au côté de Ian Brossat. Sophia raconte son engagement, ses luttes, son histoire, et son implication dans les élections du 26 mai.
Elle a 26 ans, est née en Algérie et est écrivaine. Son implication auprès de la jeunesse populaire, des sans-papier et des sans-abri, teinté d’un combat féministe fort lui a permis d’intégrer la liste menée par Ian Brossat et Marie-Hélène Bourlard, aux côtés de 78 personnes issues d’horizons très différents. Elle profite de sa formation de professeure de français pour participer à la création de la ZEP, Zone d’Expression Prioritaire, association promouvant l’accès à l’écriture à des jeunes de classe populaire.
De l’immigration à l’engagement communiste
En 2002, Sophia Hocini, alors adolescente, subit de plein fouet en tant que sans papier, la violence du résultat du premier tour des présidentielles. Elle se rappelle :
« Dans mon espèce d’inconscient d’enfant, j’avais peur parce qu’on avait pas de papier ni rien et j’avais peur qu’on me remette dans un bateau et qu’on me renvoie au bled. ».
C’est à cette période qu’elle tombe sur un exemplaire du Manifeste du Parti Communiste au CDI de son collège. C’est une révélation et la jeune femme cherche alors un lieu où rencontrer des gens qui partagent les mêmes valeurs, et c’est par hasard qu’elle tombe sur les communistes de Marseille, où elle vit avec sa famille. Elle raconte :
« j’avais l’habitude tous les 15 jours, d’aller chercher des vêtements à la paroisse pour ma famille, et donc j’allais avec mes frères et sœurs récupérer les cartons. Et il faut savoir que boulevard Ricard à Marseille, il y a cette paroisse du boulevard Ricard, et en face, il y a la section du dixième. ».
C’est grâce à cette section, ainsi qu’à une de ses enseignantes, très à gauche, que Sophia se crée une culture politique et idéologique, lisant Rosa Luxemburg, Albert Camus ou Emma Goldman. Elle évoque, en parlant de ces moments, la création d’un véritable héritage culturel dans sa tête d’adolescente.
Le féminisme comme continuité logique du communisme
« Si tu es communiste, tu es forcément féministe »
Pour Sophia Hocini, le féminisme est une forme de lutte des classes. Elle développe une envie forte de participer à cette lutte, alors qu’elle même explique avoir vécu le sexisme et le mépris. Si la société a progressé depuis le début de son militantisme, la volonté de lutte de Sophia se développe aujourd’hui sur d’autres plans, sur d’autres terrains.
Ainsi, elle est sensibilisée, via la fréquentation de femmes sans abri, à la précarité menstruelle. C’est un fléau qui touche les femmes les plus précaires, puisque avoir ses règles coûtent environ 10 000€ dans une vie (protections périodiques, anti-douleurs, rendez-vous médicaux etc). Sophia Hocini s’insurge :
« Le seul pays qui a commencé à réfléchir un peu à la question, c’est l’Écosse, et ils l’ont fait en août 2018. Août 2018 ! Et ils ont mis en place la gratuité pour les étudiants. Sauf que moi, mon combat c’est de dire que non, en fait, tous les pays, du moins le plus possible, doivent mettre en place la gratuité des protections hygiéniques, dans le milieu scolaire, dans les universités, dans les lieux publics et les entreprise »
Elle évoque cette question aussi sous l’angle de la santé, rappelant que les protections périodiques contiennent des produits chimiques comme du glyphosate ou du chlore, faisant peser un risque sur les concerné·e·s. Sophia, comme la plupart des féministes veut, en finir avec ce tabou des règles car c’est un danger pour les personnes les ayant.
Au cours de l’entretien, est vite évoquée la question de l’endométriose, cette maladie qui touche plus d’une personne sur 10, et qui est difficilement diagnostiquée. Le tabou mis autour des règles empêchent les femmes de consulter, notamment par honte ou intériorisant la douleur, subissant des remarques du type « c’est normal d’avoir mal ».
Sophia analyse la situation :
« elles acceptent plus facilement la douleur, et donc elles vont moins chez le médecin, elles mettent plus de temps à être soignées. »
Le féminisme est une lutte structurante et transversale, et Sophia est aussi engagée pour les droits LGBTI et notamment pour l’accès à la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules. La candidate est aussi active sur l’aspect de la violence patriarcale subie quotidiennement par les femmes, ayant des conséquences dramatiques. Elle développe :
« Je lisais un papier dans Libé , c’est même pas une mais quasiment deux femmes sur dix qui ont été victimes de viols. Et ça, ça doit être reconnu, j’espère un jour qu’on pourra faire une commémoration ou organiser un mouvement de résilience vis à vis de ce que ces femmes ont vécu. »
Elle s’engage aussi dans la lutte écologique, et elle ne manque pas d’insister sur le fait qu’être communiste, c’est aussi être écologiste. Elle rappelle :
« Karl Marx disait que le capitalisme, assoiffé, il détruit à la fois la force de la Terre et la force des humains. Si ça c’est pas une réflexion putain d’écolo quoi, je vois pas ce que c’est ! Donc ça c’est aussi inscrit dans notre ADN, et c’est faux quand on nous taxe de parti qui est à fond pour l’industrialisation, c’est faux en fait. »
Le combat de Sophia, c’est la lutte contre la précarité, contre l’injustice envers les femmes et les classes populaires. C’est pourquoi elle s’investit avec force pour le féminisme, l’écologie et le communisme, les portant avec conviction au sein de la liste “L’Europe des gens”.
Une volonté d’action au niveau européen, notamment en matière de droits des femmes
Son engagement au sein de la liste PCF est donc axé sur ces questions. Si le programme mentionne la précarité menstruelle, Sophia souligne également deux points pour aller plus loin en termes de droits des femmes et d’égalité : le SMIC européen et la clause de l’européenne la plus favorisée.
Le premier, sur un plan économique, est un premier pas vers la fin du plafond de verre et de l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes.
La seconde, conçue par l’avocate Gisèle Halimi, est plus précise sur cette volonté d’action féministe à l’échelle européenne. Il s’agit, après études, de déterminer les points forts de chaque pays sur ces questions de droits des femmes, afin d’opérer un nivellement par le haut de toute l’Union Européenne. Et cela pose la question d’un service public de qualité et accessible à toutes et tous.
Comme le souligne Sophia,
« si on arrive à un service public de telle sorte que ne se pose plus la question de « je vais me soigner ou pas », de « je vais chez le médecin ou pas », on aura des femmes qui pourront enfin prendre la place qu’elles méritent au sein de notre société », et de continuer « on se bat pour un service public européen qui soit à la hauteur de nos ambitions et de ce dont ont besoin les gens, et une égalité femmes-hommes concrète. ».
Sophia s’inscrit dans ce que la liste communiste a de plus riche : elle se démarque par son intransigeance sur son combat féministe et contre la précarité. Son engagement est dicté par son vécu et ses expériences. Elle note, à son arrivée en France, des méthodes d’invisibilisation des femmes, et évoque le fait qu’elles portent des couleurs sombres, des vêtements amples. C’est bien une oppression d’un genre qui se trouve dans l’obligation de se cacher. Rapidement, elle s’oppose à cela :
« Très tôt, j’ai décidé aussi que ma coquetterie allait être une forme de résistance. Je me suis dit que j’allais porter des couleurs, que j’allais porter des paillettes, que j’allais mettre du rouge à lèvres, des talons, et voilà. »
C’est avec cette conviction qu’elle crée le blog La Robe Rouge – la robe pour le féminisme, le rouge pour le communisme -, dont les contenus sont rapidement relayés par l’Humanité. Sophia se bat pour les femmes et prône aujourd’hui la solidarité entre elles. C’est d’ailleurs sur ses mots que cet article peut être conclu :
« On peut pas se passer de ça parce que c’est déjà très compliqué quand on parle féminisme, d’éduquer les hommes à comprendre le pourquoi et le comment de ces luttes. Et donc c’est important de faire de l’éducation entre nous, de façon bienveillante, d’expliquer les choses simplement, de raconter, de transmettre les émotions vis à vis de ça, nos expériences personnelles. C’est important de centraliser ces questions là entre femmes, et c’est pour ça que c’est important d’avoir des cercles non mixtes pour pouvoir d’abord réparer entre nous avant de transmettre aux hommes parce que c’est déjà pas évident entre nous. ».
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