Après validation par le Conseil constitutionnel, la loi Blanquer a été promulguée le 28 juillet. De premiers décrets d’application, concernant l’aménagement de l’obligation d’assiduité en petite section de maternelle, les jardins d’enfants et le contrôle de l’instruction donnée dans les familles ont été publiés au Journal officiel. Tous vont dans le sens d’un contrôle vertical pour accélérer une « scolarisation » dès les premières années. Mais 25 articles de la loi Blanquer entrent en application à la rentrée. Et d’autres décrets vont suivre…
Saisi par des députés Les Républicains, le Conseil constitutionnel a validé les articles de la loi Blanquer sur l’indemnisation des communes devant prendre en charge le financement des maternelles privées. Le Conseil a annulé deux articles, le premier (article 33) sur l’information des familles sur l’« intérêt » et les « enjeux » des offres d’apprentissage des langues et cultures régionales et le second (article 53) sur le droit de prescription des médecins scolaires et sur les conditions dans lesquelles les infirmiers de l’éducation nationale peuvent administrer des médicaments aux élèves et étudiants. Le Conseil a estimé que ces articles, issus d’amendements, étaient sans lien avec le projet de loi initial.
L’essentiel de la loi est donc maintenu et 25 des 58 articles entrent en application dès la rentrée 2019. Cinq décrets d’application de la loi sont dores et déjà parus le 4 août.
Un décret sur l’assiduité en maternelle
Le plus important concerne l’aménagement de l’obligation d’assiduité en petite section de maternelle. Jusque là il n’y avait pas d’obligation d’instruction à 3 ans. Si la quasi totalité des enfants étaient déjà scolarisés en maternelle, les enseignants avaient la possibilité d’aménager les horaires des enfants de 3 ans à la demande des parents. L’obligation d’instruction change tout pour ces enfants si petits. C’est aussi un changement d’atmosphère en maternelle qui devient une école obligatoire, comme l’élémentaire.
Sur cet aspect on pourra lire l’analyse de Pascale Garnier.
Le décret, qui entre en application à la rentrée, précise que » l’obligation d’assiduité peut être aménagée en petite section d’école maternelle à la demande des personnes responsables de l’enfant. Ces aménagements ne peuvent porter que sur les heures de classe prévues l’après-midi ».
Il y avait eu débat au Parlement pour savoir qui déciderait de l’aménagement. Finalement le décret donne le dernier mot à l’inspecteur (IEN). « La demande d’aménagement, écrite et signée, est adressée par les personnes responsables de l’enfant au directeur de l’école qui la transmet, accompagnée de son avis, à l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription dans laquelle est implantée l’école, dans un délai maximum de deux jours ouvrés. L’avis du directeur de l’école est délivré au terme d’un dialogue avec les membres de l’équipe éducative. Lorsque cet avis est favorable, l’aménagement demandé est mis en œuvre, à titre provisoire, dans l’attente de la décision de l’inspecteur de l’éducation nationale. Le silence gardé par ce dernier pendant un délai de quinze jours à compter de la transmission de la demande d’aménagement par le directeur de l’école vaut décision d’acceptation ».
Le texte précise que « les modalités de l’aménagement décidé par l’inspecteur de l’éducation nationale sont communiquées par écrit par le directeur de l’école aux personnes responsables de l’enfant. Elles tiennent compte des horaires d’entrée et de sortie des classes, du fonctionnement général de l’école et de son règlement intérieur. Elles peuvent être modifiées à la demande des personnes responsables de l’enfant, en cours d’année scolaire, selon les mêmes modalités que celles applicables aux demandes initiales ».
Autrement dit on peut penser que les IEN, dument chapitrés par les Dasen, donneront des instructions aux directeurs d’école maternelle dès la pré rentrée. La marge d’autonomie des équipes d’école sera fortement limitée par ce contrôle. Or l’aménagement des après midis en petite section a un impact sur l’organisation de l’école en général.
Les jardins d’enfant soumis à l’assiduité scolaire
Un second décret étend ce contrôle administratif aux jardins d’enfants qui perdent eux aussi leur autonomie : » l’établissement d’accueil collectif dit « jardin d’enfants » est assimilé à un établissement d’enseignement et le responsable de l’établissement d’accueil collectif dit « jardin d’enfants » est assimilé au directeur d’école ou au chef d’établissement scolaire ». Si le jardin d’enfant renâcle à cette scolarisation forcée, le Dasen peut mettre en oeuvre une procédure. Les jardins d’enfants doivent transmettre une instruction conforme au socle.
Le décret sur le contrôle de l’instruction donnée dans les familles renforce les modalités de contrôle exercées dans les familles. » Le directeur académique des services de l’éducation nationale fixe la date et le lieu du contrôle qui est organisé, en principe, au domicile où l’enfant est instruit… En cas de refus de contrôle sans motif légitime, le directeur académique des services de l’éducation nationale rappelle aux personnes responsables de l’enfant l’obligation de se soumettre aux contrôles prévus à l’article L. 131-10 ainsi que la mise en demeure et les sanctions attachées à son inexécution dont elles sont susceptibles de faire l’objet en cas de second refus sans motif légitime ». Les établissements privés sous contrat sont tenus de signaler le manque d’assiduité des élèves et les enfants instruits en famille.
Les 25 articles de la loi qui entrent en vigueur à la rentrée
De nombreux articles de la loi Blanquer entrent en application à la rentrée 2019 et pourraient faire l’objet de décrets dans les jours qui viennent.
L’article 11 imposant l’instruction à 3 ans entre en application à la rentrée ainsi que le 14 qui prévoit la mutualisation des moyens d’accueil des petits enfants et par exemple leur inclusion dans des classes d’école élémentaire. Les articles 17 et 18 sur l’indemnisation par l’Etat des communes pour les dépenses afférentes aux maternelles du privé entrent aussi en application. On touche là au second impact de la loi (après l’élémentarisation de la maternelle) : le transfert d’une centaine de millions vers les écoles privées. Pour de nombreuses communes cette dépense supplémentaire devra être prise pour les deux prochaines années (avant versement Etat) sur les dépenses scolaires habituelles, c’est à dire aux dépens des écoles publiques.
On a vu que le contrôle de l’instruction en famille fait déjà l’objet d’un décret. L’article 19 entre en action à la rentrée. L’article 24 donne au maire la possibilité de saisir le procureur dans le cas d’enfants non instruits.
Les articles 25 à 28 concernant l’école inclusive entrent aussi en application. Ils instaurent un enseignant référent interlocuteur des familles ainsi que les PIAL, c’est à dire la mutualisation des accompagnants.
L’article 32 instituant des établissements publics locaux d’enseignement international (EPLEI), véritable filière parallèle de la maternelle au lycée, scolarisant des enfants très favorisés (recrutement par la maitrise de certaines langues étrangères) est applicable dès la rentrée 2019. On verra jusqu’où le ministère souhaite pousser cette rupture avec le principe, difficilement acquis, d’une seule école républicaine. S’agira t-il de quelques établissements en France, ou verra t-on des classes EPLEI crées dans les établissements de centre ville ?
La rentrée voit aussi la fin du Conseil national d’évaluation du système scolaire (CNESCO). L’évaluation de l’Ecole va dorénavant être faite par un Conseil d’évaluation de l’école (CEE). Le CEE est chargé d’évaluer les établissements scolaires. Ces évaluations seront rendues publiques. On aura ainsi une accélération de la mise en concurrence des établissements.
Les INSPE, remplaçant les Espe, entrent aussi en vigueur à la rentrée. Les Inspe passent sous contrôle du ministère, leur directeur étant nommé par les deux ministres de l’éducation. La formation d’assistants d’éducation pour les métiers de l’éducation , avec la possibilité de les utiliser pour remplacer des enseignants absents, entre aussi en application. Pour tous les professeurs l’article 50 rend la formation continue obligatoire. Un décret pris fin juin prévoit que cette obligation couvre 5 journées hors temps scolaire.
Enfin, entrent aussi en application à la rentrée deux articles qui concernent chaque salle de classe. Il s’agit de l’article 3 qui prévoit, non un drapeau en classe, mais une affiche représentant les drapeaux français et européens, la devise de la République et les paroles de l’hymne national, y compris dans le privé sous contrat (l’affiche a été jugée moins chère que les drapeaux). S’y ajoute l’obligation d’inclure l’outre mer sur toute carte de France affichée en classe. Ou l’article 7 qui impose l’usage des termes « père, mère , représentant légal » sur les formulaires administratifs.
François Jarraud
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