Le dessinateur argentin, exilé en Italie puis en Espagne après le coup d’Etat de 1976 en Argentine, s’est éteint à l’âge de 88 ans.
Il était devenu célèbre grâce à une petite fille qui détestait la soupe et n’avait pas la langue dans sa poche. A ses parents, une femme au foyer et un agent d’assurances effarés par sa maturité, la gamine effrontée à la tignasse noire et aux yeux en forme de points, demandait des explications sur la condition féminine, la dictature, la guerre atomique ou Fidel Castro. Pur produit des années 1960, Mafalda naît alors que Quino tente de gagner de l’argent dans la publicité. L’agence qui l’a recruté est à la recherche des dessins humoristiques pour une marque d’électroménager : Mansfield. Tous les noms des personnages doivent commencer par un M et Quino se souvient d’un film dont l’héroïne porte ce prénom. La campagne n’est pas retenue et les dessins finissent dans un tiroir. Grâce à la ténacité de la femme de Quino, Alicia Colombo, les aventures de Mafalda sont publiées pour la première fois dans l’hebdomadaire Primera Plana de Buenos Aires, le 29 septembre 1964. Le succès est immédiat, en Argentine et au-delà des frontières, mais à sa sortie dans l’Espagne franquiste, la bande dessinée est destinée aux adultes. Elle est également censurée en Bolivie, au Chili et au Brésil.
Né en 1932 à Mendoza, au pied des Andes, Joaquín Salvador Lavado Tejón est surnommé Quino à l’âge de trois ans pour le distinguer de son oncle, dessinateur, à qui il doit sa vocation. Ses parents, républicains nés en Andalousie, sont très politisés et sa grand-mère est une fervente militante communiste. « Comme j’étais passionné de cinéma américain et que j’écoutais Sinatra, quand il y avait un massacre, ma grand-mère me montrait la photo et me disait : ‘Regarde ce qu’ils ont fait, tes copains » racontait-il . A l’âge de treize ans, il s’inscrit aux Beaux-Arts mais abandonne assez vite, fatigué de « dessiner des amphores et des plâtres », et décide de se consacrer au dessin d’humour. A dix-huit ans, il part à Buenos Aires pour chercher un éditeur et ce n’est qu’au bout de trois ans que l’hebdomadaire Esto es, accepte de le publier. En 1963 paraît son premier livre, « Mundo Quino ». Longtemps, ses dessins ont été muets. Avec de simples points pour figurer les yeux, il exprimait la peur, la tristesse ou la colère : « je dessine mal parce que je m’exprime mal » répétait-il.
En 1973, au faîte de son succès, il décide d’arrêter Mafalda, pour ne pas se répéter, par respect pour ses lecteurs. « Parfois je sens que les gens me font des reproches comme à un criminel de guerre qui, il y a vingt-six ans, aurait tué neuf personnes : les neuf personnages de l’histoire » confiait-il. Les albums continuent de se vendre par milliers dans le monde entier et les aventures de Mafalda sont adaptées en dessin animé en 1993.
En 1976, à la suite du coup d’Etat en Argentine, Quino s’exile en Italie puis en Espagne. S’il avait cessé de dessiner en 2006, handicapé par des problèmes de vue, il avait gardé son humour subversif et son sens de l’absurde. Après l’attentat contre Charlie Hebdo, il était en apparu en fauteuil roulant en tenant une pancarte « Je suis Charlie » : « Mafalda aurait ressenti une peine terrible » avait dit ce proche de Wolinski. Daniel Divinsky, l’éditeur argentin de Quino, a annoncé sa mort sur son compte twitter : «Quino est mort. Toutes les bonnes personnes du pays et du monde entier le pleureront».
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