Le Sacré-Cœur de Montmartre était déclaré d’utilité publique depuis 1873 ; la commission régionale du patrimoine et de l’architecture d’Île-de-France vient de voter son inscription aux monuments historiques, avec le soutien de Madame Bachelot. À quelques mois du cent-cinquantième anniversaire de la Commune, cette décision apparaît comme une véritable provocation.
La basilique du « Vœu national « avait dès 1870 pour objectif avéré d’expier la « déchéance morale » provoquée par les révolutions égrenées depuis 1789. Après 1871, s’y ajoute, dans l’opinion dominante, l’expiation de la Commune de Paris déclenchée le 18 mars 1871 sur la butte Montmartre.
Le pain de sucre de la butte est donc tout à la fois le signe tangible de « l’ordre moral » voulue par l’Assemblée monarchiste élue en février 1871 et le symbole par excellence de « l’anti-Commune ». C’est cet objet que les autorités de la nation décident de valoriser volontairement.
On savait certes que la droite versaillaise n’avait jamais faibli dans sa détestation de la Commune. L’opprobre persistante lancée par la mémoire conservatrice s’est toujours voulue le prolongement des massacres de la Semaine sanglante. Qu’elle se manifeste à nouveau, avec cette morgue insoutenable, en dit long sur un certain air du temps. Nos dirigeants, manifestement, n’ont que faire des décisions de la représentation nationale. Le 29 novembre 2016, l’Assemblée nationale a voté une résolution réhabilitant les communardes et communards condamné-e-s et demandant que des efforts soient consentis pour faire connaître les réalisations et les valeurs de la Commune.
Fin 2020, la réponse est donnée : ce sont les massacreurs que l’on veut mettre en valeur ; c’est la mémoire de « l’expiation » qui devient le bien commun de la nation. Qu’un lieu de culte soit choisi pour ce déni démocratique n’est digne ni de la République, ni d’une part non négligeable du monde chrétien qui aujourd’hui se reconnait dans les valeurs humanistes de la Commune.
En 2021, le Sacré-Cœur sera monument historique, tandis que la « commune de Paris » ne devrait toujours pas avoir sa station de métro, à Belleville, comme le Conseil de Paris l’a demandé. On salue une nouvelle fois les bourreaux et l’on crache une nouvelle fois sur les victimes. Sans doute y a-t-il, dans ce choix, une logique politique : donner des gages à la part la plus conservatrice de la droite française.
La République, déjà bien malade, n’a pas besoin de cette forfaiture. Que tous les héritiers de la Commune, sans exception aucune, se retrouvent donc dans le refus le plus total.
Les Amies et Amis de la Commune de Paris – 1871
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