Disparition de Yann Le Pollotec. Le PCF perd son spécialiste de la révolution numérique

Yann Le Pollotec, l’initiateur des états généraux de la révolution numérique, organisés chaque année par le Parti communiste, a succombé ce mardi au Covid.

Le Parti communiste français a perdu, ce mardi, l’un de ses dirigeants à la pointe du combat pour la « révolution numérique ». Yann Le Pollotec, membre de sa direction nationale depuis le début des années 2000, est décédé des suites du Covid à l’âge de 59 ans. « Yann va beaucoup manquer à ses camarades du Blanc-Mesnil (…). Membre de la direction départementale, il va manquer aux communistes de Seine-Saint-Denis, par qui il était unanimement apprécié, ont salué Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, et Pierre Laurent, président du Conseil national, dans un communiqué commun. Il va aussi beaucoup manquer au siège du Parti, où sa perpétuelle bonne humeur, sa bienveillance à l’égard de tous, sa disponibilité et son humanisme étaient un vrai plaisir pour chacune et chacun au quotidien. »

« C’était un militant avec une intelligence vive des choses, toujours prêt à entrer dans la complexité sans s’arrêter aux apparences », assure aussi Daniel Feurtet, ancien maire communiste du Blanc-Mesnil qui l’a bien connu. Car l’engagement de ce dirigeant était ancré en Seine-Saint-Denis, où il a été secrétaire de la section du Blanc-Mesnil, après y avoir présidé le groupe communiste du conseil municipal à la fin des années 1990. Mais c’est du côté de la Jeunesse communiste (JC) et de l’Union des étudiants communistes (UEC) que tout avait commencé, au début des années 1980, en parallèle de ses études scientifiques à l’université d’Orsay. Multicartes, Yann Le Pollotec était aussi un passionné des enjeux aéronautiques et spatiaux, ce qui a fait de lui un spécialiste reconnu et l’a conduit à animer la commission sur les questions de défense du PCF, dont il était toujours responsable. Il s’était également intéressé de près à l’Europe et à l’avenir industriel, comme assistant des députés, au Parlement européen, Patrick Le Hyaric et Jacky Hénin. «  Yann était une personne rare pour laquelle l’exigence d’humanité se fondait dans l’exigence militante, a réagi le directeur de l’Humanité. Yann était un passionné : d’histoire, de sciences, d’aéronautique et de tant d’autres choses. (…) En créant l’espace numérique de la Fête de l’Humanité, il contribua fortement à son rayonnement. » Ce « grand bosseur » était encore « un fin connaisseur de la carte électorale », rappelle aussi Pierre Laurent, qui l’a côtoyé dès les années UEC.

Dès 2013, il inaugure un fab lab à la Fête de l’Humanité

Avec son bagage scientifique, il est de ceux qui ont inscrit à l’agenda du PCF la question de la révolution engendrée par l’usage du numérique comme un enjeu majeur dans la lutte contre l’exploitation au cœur du système capitaliste. « Il existe une contradiction forte entre les opportunités d’émancipation que cette révolution ouvre et les nouvelles formes d’aliénation et de domination qui se développent dans son sillage. Il est urgent que les citoyens reprennent le pouvoir », aimait-il à rappeler. « Au début, on regardait cette partie du progrès technologique avec des yeux un peu ronds, et il nous a aidés à mieux comprendre les enjeux de classe autour du numérique », se souvient Daniel Feurtet.

Plus encore, Yann Le Pollotec a fait du siège du PCF l’un des lieux clés du débat pour ceux qui ne veulent pas laisser aux mains des grands groupes capitalistes les formidables potentiels ouverts par les nouvelles technologies. Il a initié les états généraux de la révolution numérique, où se sont croisés, au fil des années, grands spécialistes de la question, chercheurs ou ingénieurs, militants associatifs ou encore salariés de plateforme en quête de modèles alternatifs. Un rendez-vous qui, malgré la pandémie, honore sa 5 e édition via une série de webminaires. Ce militant intarissable avait aussi à cœur de démocratiser ces débats. À la Fête de l’Humanité, l’expérience avait commencé en 2013, dans son stand du Blanc-Mesnil, avec un mini-fab lab, sous une banderole « Hackons le capitalisme ». Un message qu’il nous laisse en héritage. L’Humanité présente à ses proches et ses camarades toutes ses fraternelles condoléances.

 » Yann le Pollotec, la passion du savoir  » par Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité

La nouvelle du décès de Yann le Pollotec, emporté si jeune par ce maudit virus, nous plonge dans un insondable chagrin. Le sentiment d’injustice nous accable. On a du mal à croire son absence définitive, sa voix éteinte pour toujours.

Yann était une personne rare pour laquelle l’exigence d’humanité se fondait dans l’exigence militante. Il faisait parti de ces chevilles ouvrières indispensables à la vie du Parti communiste, son parti : disponible, responsable, travailleur, modeste, affable, il cumulait les qualités. Derrière ses airs solitaires, Yann ne rechignait à aucune responsabilité, comme élu municipal, dirigeant local et  national de son parti, ni à aucune camaraderie. Tous ceux qui l’ont côtoyé gardent en mémoire son extrême générosité.

J’ai eu la chance de pouvoir le compter parmi mes assistants au Parlement européen cinq années durant. Pas une semaine ne passait sans qu’il rédige des notes aussi denses que ramassées et précises sur les enjeux industriels, la défense, le numérique, tout en réalisant quotidiennement une revue de presse européenne. Yann avait la passion de la politique, observant avec minutie les évolutions technologiques, géopolitiques, scientifiques, en puissant dans le réel et ses évolutions les contradictions aptes à nourrir la visée émancipatrice.

La discussion avec Yann était un bonheur : il vous élevait autant qu’il vous emmenait vers des rivages inconnus. Car Yann était un passionné : d’histoire, de sciences, d’aéronautique et de tant d’autres choses. Il avait l’appétit vorace de savoir propre à ceux qui cherchent en toute chose une vérité, qui refusent l’approximation, l’à peu près, ou la gloriole. En créant l’espace numérique de la fête de l’Humanité, il contribua fortement à son rayonnement.

Yann va terriblement nous manquer, comme à tous ses camarades, notamment du Blanc-Mesnil qu’il aura servi de toute son affection, à toutes celles et tous ceux qui l’ont croisé dans ses différentes activités et responsabilités, au Parti communiste. Nous pensons à ses proches, à sa mère.  Nous nous inclinons devant sa mémoire. Notre chagrin est immense.


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