Solidarité. Les retraités reprennent la rue
Piqué au vif par les annonces en trompe-l’œil de Jean Castex sur l’autonomie et le grand âge, le groupe des neuf syndicats et associations de retraités appelle à une journée de mobilisation, vendredi 1er octobre.
Ingrats, les seniors ? Jean Castex aura sans doute un pincement au cœur, ce vendredi 1er octobre, au vu des mobilisations de retraités qui se dérouleront dans à peu près tous les départements, à l’appel du « groupe des neuf » organisations syndicales (CGT, FO, CFE-CGC, FSU, Solidaires et Fonction publique retraités) et associatives (LSR et Ensemble & solidaires). Le premier ministre n’a pourtant pas ménagé ses annonces, ces derniers jours, pour faire oublier l’enterrement de la loi grand âge, promise depuis le début du quinquennat et censée donner corps au « cinquième pilier de la Sécurité sociale » consacré aux enjeux de la dépendance. Quatre cents millions d’euros prévus dans le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2022 en faveur de l’aide aux personnes âgées ? Des financements « sanctuarisés » pour la création de 10 000 postes de soignants dans les Ehpad d’ici cinq ans ? Marylène Cahouet renvoie le gouvernement dans son camp : « Les personnes âgées ont payé un lourd tribut à la crise sanitaire. L’abandon de cette loi constitue un reniement budgétaire scandaleux. »
Un sentiment de mépris du gouvernement
La porte-parole du secteur retraités de la FSU a fait les comptes : « Le rapport Libault de 2018 prévoyait 6 milliards d’euros en 2024 pour faire face aux besoins du grand âge. On en est loin avec ces 400 millions. Quant aux 10 000 postes en Ehpad d’ici cinq ans, c’est 1,4 poste par établissement. Ce reniement est hautement symbolique de la place laissée à 20 % de la population. » De fait, le secteur de l’aide à la personne chiffre à 300 000 le nombre de postes à pourvoir d’ici cinq ans pour faire face aux besoins.
Le sentiment de mépris du gouvernement à l’égard des plus de 60 ans ne se limite pas, pour les organisations appelant à la mobilisation, à cette question de l’autonomie. « On essaye d’opposer les actifs et les retraités. Mais cette cloison n’existe pas. Nous ne sommes pas en dehors de la vie, soutient Nelly Di Giovanni, d’Ensemble & Solidaires. Les retraités ont souvent des enfants étudiants dont il faut payer les études ou le logement, des petits-enfants sans crèche ni cantine dont il faut s’occuper. Ils ont aussi des parents qui sont en Ehpad. Tous ces gens manquent parfois de force physique et de ressources mentales pour aller manifester. Mais c’est eux que l’on défend, vendredi. »
Face à l’inflation de 1,6 % cette année, les salariés retraités du public comme du privé n’ont vu leur pension de base revalorisée que de 0,4 % et les retraites complémentaires du privé augmenter d’un petit pour cent. Le compte n’y est donc pas, surtout en période de flambée des factures de l’énergie et de l’alimentation. Les revendications sont donc simples : indexation des retraites sur l’évolution du salaire moyen, interdiction de pensions en dessous du Smic et attribution simplifiée des pensions de réversion.
La prise en compte des retraités ne s’arrête pas au porte-monnaie. L’accès à la citoyenneté passe par des services publics efficients. « Heureusement qu’on les a eus, les hôpitaux publics et l’assurance-maladie, pour faire face à la cr ise sanitaire. Mais dans les métropoles, autant que dans la ruralité, il est de plus en plus compliqué d’accéder aux services publics », souligne Marc Bastide, de la CGT. « Sans personnel dans les bureaux de poste, c’est compliqué. Nous avons besoin de services publics de proximité pour assurer l’égalité de traitement sur tout le territoire », reprend le syndicaliste. Le « groupe des neuf » appelle donc le gouvernement à mettre fin aux mesures d’économies sur l’hôpital public, à y créer au contraire 100 000 postes et à favoriser l’installation de centres de santé publics dans tous les territoires.
Tout cela a un coût. Syndicats et associations ne le nient pas. Ils renvoient la question à un choix de société. « Le gouvernement dit qu’il augmente les salaires. Mais il le fait en diminuant les cotisations sociales. Nous avons affaire à une réorientation des financements pour briser les services publics comme la Sécurité sociale », souligne Marc Bastide. Les mobilisations de vendredi sonnent comme une première escarmouche avant la grande bataille pour la défense du système de solidarité par répartition, lors de la campagne de la présidentielle.
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