Je pense aux Français, pas à tous, à ceux qui pensent qu’ils le sont plus que d’autres et qui regardent Zemmour vomir son dégueulis raciste en plissant des paupières honteuses. Je les vois horrifiés au plus profond d’eux-mêmes et, dans le même temps, se délecter qu’un homme puisse larguer autant d’horreurs avec aisance, plaisir et dextérité.
Oui, ils se délectent d’horreurs qui ne leur font pas si horreur car basta les bons sentiments ! On n’en peut plus ! Toute la réussite est là.
Je pense à tous ces Français qui font sa gloire, qui se cachent la figure en pliant le coude mais en laissant traîner une oreille ébahie devant la force de son propos. Je pense aux chaînes trop contentes de gonfler leurs audiences en prétextant le droit de donner la parole à quiconque même venu proférer des horreurs qu’elles désavouent bien sûr. Je pense aux sondeurs, je pense aux sondés qui font monter les compteurs à bon compte, aux radios, aux journaux sûrs de vendre… et ça vend ! Car ce camelot-là vend ! Voilà sa force, il vend des livres, des mots, ce qu’on croit être des idées. Il pourrait vendre ma mère, la sienne, des fleurs ou des bidons d’essence frelatée indifféremment. Il vend ce qui fait peur, ce qui sidère, oui il vend la sidération à bas prix, il vend ce qui se vend le mieux, ce qui vous met à bout, bien vu !
C’est la haine tranquille. Il se vend lui-même et se brade pour être accessible au plus grand nombre. Oui, pour quelques centimes de redevance, on peut s’offrir à tous les kiosques, toutes les librairies, les chaînes de télé un bout de Zemmour, un bout de bassesse qui fait du bien. Marre de l’honneur, de la morale, de la bien-pensance !
Bon sang ! S’en payer une tranche garantie pur porc pour quasi rien de centimes. Il est fort Zemmour, il sait ce qu’on n’ose pas penser, il vend ce qu’on a honte d’avouer, le ras-le-bol, le ras le bal, ras la couette, ras la frange, la désespérance, l’en peut plus, l’à bout, l’aigreur. En échange de sa diatribe ahurissante, le peuple le récompense et lui promet désormais le magistère suprême. Pas bégueule Zemmour renvoie l’ascenseur, et c’est vous qui êtes gagnants car il est ce soldat qui monte seul au front des indignités. La honte sera pour lui, l’opprobre, le déshonneur aussi dont il se torche le derrière majestueusement et enfin le sacrifice car il bande de mourir en héros même de la plus ignoble cause. Suffit qu’il y ait foule, qu’il soit adoubé, adulé, porté sur un bouclier à la Vercingétorix. C’est la star de l’ignominie, et personne ne lui envie cette aura extravagante. Il est seul et sans concurrence sur le marché.
Il n’est pas là pour plaire mais pour purger, et personne ne veut à sa place fourrer sa main dans la basse-fosse, le trou à chiottes. Lui dit : «J’y vais !» Plonge son bras et hisse des étrons sous vos applaudissements.
En vérité Zemmour fait le sale boulot : c’est l’immigré des revanchards, des peine-à-jouir, des trouillards et des hétéros étroits, c’est le bougnoule des blancs asphyxiés de trop de complexité, des aristos délogés des privilèges anciens.
Tout ça vous fait une moitié de France, et c’est beaucoup.
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