Passe sanitaire au travail : les syndicats s’y opposent et expliquent pourquoi
Le gouvernement a entamé les consultations sur la généralisation de l’obligation vaccinale en entreprise. Si le patronat est réticent, les syndicats sont contre. Pour la CGT, une telle mesure serait même contre-productive.
L’exécutif veut transformer l’actuel « passe sanitaire » en « passe vaccinal ». Cela fera l’objet d’un texte de loi prévu dès janvier, et, parmi l’extension possible de ses champs d’application, le gouvernement réfléchit à l’imposer en entreprise. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a échangé ce lundi en visioconférence avec syndicats et patronat pour entendre leurs avis sur le sujet. « Rien n’est acté à ce stade », a-t-elle assuré. Les représentants des salariés sont unanimes sur le fait qu’il vaut mieux « convaincre et inciter » que « contraindre ». L’opposition au passe vaccinal au travail apparaît franche à la CGT, FO et la CFE-CGC, quand la CFDT se dit « très, très sceptique » et la CFTC « très réservée ».
Mieux vaut « convaincre » que « contraindre »
Pour la CGT, un tel passe reviendrait à une obligation vaccinale et serait contre-productif. « Contraindre des gens qui ont peur ou qui ne croient plus en la parole institutionnelle est inefficace, précise Céline Verzeletti, secrétaire confédérale. Dans une pandémie bien partie pour durer, convaincre, rassurer, aller à la rencontre des personnes isolées, serait bien plus bénéfique. » L’entreprise peut être l’un des lieux de prévention et de vaccination, « à condition que ce soit pris en charge par la médecine du travail, et qu’on lui en donne les moyens car aujourd’hui elle est à terre », prévient la cégétiste, qui rappelle que seulement 2 millions de travailleurs ont été vaccinés par la médecine du travail. « Les passes reviennent au fond à reporter sur les individus la responsabilité de l’extension de l’épidémie, au lieu de donner les moyens au système de santé d’y faire face. C’est source de division entre les salariés », regrette-t-elle. Un avis partagé par Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des DRH, qui craint « des tensions au sein des entreprises ».
Et si sanction il y a, quelle possibilité pour le salarié de se défendre ? Céline Verzeletti (CGT)
L’autre problème réside dans le contrôle de ce passe et les sanctions en cas de manquement. Même le Medef est sceptique : « Est-ce aux chefs d’entreprise d’exercer des pouvoirs de police ? » s’interroge l’organisation, qui dénonce « une manière d’imposer la vaccination par l’intermédiaire des entreprises ; or c’est au gouvernement d’assumer cette responsabilité ». Une chose est sûre, avec une telle mesure, le lien de subordination entre employeur et salarié se verrait sensiblement renforcé, avec des sanctions pouvant aller jusqu’à la suspension, avec privation de salaires, si l’on se réfère aux emplois déjà soumis au passe sanitaire. « Chaque hausse du pouvoir de l’employeur entraîne une augmentation des risques de dérives et de discriminations, rappelle Céline Verzeletti. Et si sanction il y a, quelle possibilité pour le salarié de se défendre ? » interroge-t-elle. La CGT pointe aussi le risque de créer une brèche dans le secret des données médicales des salariés.
Penser la réorganisation du travail, privilégier le distanciel
De leur côté, les syndicats ne sont pas avares en propositions. Outre le renforcement des moyens de la médecine du travail et de son rôle en matière de sensibilisation et de prévention, ils estiment qu’il y a à agir en matière d’organisation du travail. À commencer par, surtout en temps de pic épidémique, privilégier le télétravail lorsqu’il est possible et dans de bonnes conditions. « Et puis sur le lieu de travail, en accord avec les représentants des salariés, on peut réorganiser les postes pour permettre la distanciation et les gestes barrières ; mais aussi, lorsque c’est possible, on peut adapter les pauses ou les horaires pour éviter que les salariés ne se retrouvent tous ensemble au même endroit en même temps », suggère Céline Verzeletti, qui pointe que l’employeur est souvent le plus réticent à négocier ces réorganisations. « Les salariés, on les contraint et les contrôle, quant aux employeurs, qui ont pourtant l’obligation d’assurer santé et sécurité des travailleurs, on leur fait des recommandations », résume la cégétiste.
Son syndicat comme Solidaires insistent également sur la nécessité de la levée des brevets sur les vaccins et les traitements. « Nous en sommes à prendre des mesures de plus en plus liberticides, alors qu’on laisse des variants du virus se multiplier et se développer dans d’autres pays car eux n’ont pas accès au vaccin », déplore Murielle Guilbert, codéléguée générale de Solidaires. Après la ministre du Travail, c’est, ce mardi, au tour de la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, d’ouvrir une consultation, selon l’AFP, « sur toutes les mesures de protection possibles avec les syndicats de la fonction publique ».
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