Fabien Roussel en tour de France pour trouver le chemin des « jours heureux »
Député, secrétaire national du PCF, ancien candidat à la présidentielle… C’est avec ces différentes casquettes que Fabien Roussel a entrepris un tour de France « sans tabou » en octobre dernier. D’une étape à l’autre, le communiste prend le pouls du pays et s’applique à trouver le chemin d’une « majorité populaire » face au pouvoir en place et au RN en embuscade.
C’est la quatrième fois qu’il arpente les routes de l’Hexagone et il ne s’en lasse pas. Adepte des « échanges directs », le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, s’est lancé en octobre dans un nouveau tour de France qui s’achèvera en mars, au terme de 14 étapes. Prendre le pouls d’un pays confronté à la vie chère et à un président à la majorité bancale, voilà pour l’objectif. L’exercice est devenu familier pour le député du Nord qui s’y est livré une première fois comme parlementaire, en 2017, avec une tournée de présentation du « budget des riches » d’Emmanuel Macron alors tout juste élu président.
Rebelote en 2019, après les européennes et son élection à la tête du PCF. Un livre naît de ces rencontres avec le monde du travail, « Ma France », où le communiste esquisse le chemin vers des « Jours heureux » dans la perspective de la présidentielle. C’est d’ailleurs avec sa casquette de candidat qu’il retourne au contact, de préférence en zone rurale, avec l’ambition de « parler à cette France (…) qui est trop souvent ignorée des politiques publiques ».
Assumer la polémique
Ce sillon, le député du Nord entend bien continuer à le creuser avec pour nouveau mot d’ordre « avec vous sans tabou » : il vaut aussi bien pour les multiples rencontres avec les salariés, les élus ou les associations en journée que pour l’incontournable soirée de questions-réponses. « Des citoyens viennent interroger le candidat à la présidentielle, le représentant du Parti communiste ou juste un responsable politique », apprécie Fabien Roussel, qui relève « 30 à 40 % de personnes extérieures » à sa formation parmi les quelque 200 participants rassemblés en moyenne. « Allez-y, contrariez-moi, je vous répondrai sans filtre », s’amuse-t-il en introduction de chacune de ces réunions publiques.
C’est sur ses terres des Hauts-de-France que la tournée a débuté le 3 octobre, dans le Pas-de- Calais. À l’appel des syndicats, grèves et manifestations en faveur de l’augmentation des salaires ont eu lieu quelques jours plus tôt. À Sallaumines, cette préoccupation est palpable. Jean-Luc, ouvrier chez Faurecia, raconte comment, après trente-sept années à enchaîner les horaires décalés, sa rémunération ne décolle pas du Smic. « J’ai 59 ans et je suis physiquement et mentalement usé. Impossible pour moi de tenir jusqu’à 65 ans pour avoir une retraite ». Un témoignage qui fait écho à beaucoup d’autres comme celui de Christophe, syndicaliste CGT à l’usine Bridgestone de Béthune, fermée dix-sept mois plus tôt, qui explique comment lui et ses collègues ont été « des citrons pressés et jetés à la poubelle ». « Les gens doivent vivre dignement avec un salaire, riposte alors Roussel, nous refusons l’affrontement entre les chômeurs et ceux qui travaillent, favorisé par la politique des chèques ». Le député assume la polémique née quelques semaines auparavant lorsqu’il avait déclaré vouloir « une gauche qui défend le travail et non pas celle des allocations et des minima sociaux ». Remettre en selle le sujet est, assure-t-il, une condition indispensable pour convaincre les classes populaires.
« Quand on va à la rencontre des gens et qu’on leur donne la parole, toutes les questions qu’ils posent reflètent ce qu’ils ont dans la tête. En l’occurrence, c’est le pouvoir d’achat, la vie chère, les salaires, l’énergie, les services publics… »
Après une étape fin octobre en Isère et une autre début novembre en Mayenne, la question est à nouveau soulevée, le 14 novembre, dans le Loiret. Dans les environs de Montargis, l’affrontement avec Jean-Michel Blanquer a été l’un des symboles de la campagne communiste aux législatives. Mais, après avoir défait l’ex-ministre de l’Éducation nationale, le candidat PCF, Bruno Nottin, a finalement dû s’incliner face à celui du RN, Thomas Ménagé, sur cette terre industrielle où chômage et précarité s’envolent. « Comment faire désormais ? » lance Fabien Roussel aux quelque 250 participants à la réunion publique du soir, où il est interpellé pêle-mêle sur les prix de l’énergie, le nucléaire, la décroissance ou encore l’égalité salariale femmes-hommes. La menace de l’extrême droite en taraude plus d’un dans la salle comme parmi les militants communistes alors même qu’un autre député RN vient de lâcher « qu’il retourne en Afrique » en plein Hémicycle.
Partir des préoccupations des Français est indubitablement la voie royale pour le dirigeant du PCF. Ici, il rencontre notamment les salariés de Hutchinson, une filiale de TotalEnergies. C’est l’une des plus grosses usines des environs, elle compte 1 300 salariés, contre 14 000 dans les années 1970. « Nous avons eu la fermeture d’un atelier, en plein Covid, en décembre 2020, pour être délocalisé au Portugal et en Pologne », rapporte l’un des syndicalistes quand un autre raconte la bataille pour arracher 50 euros d’augmentation face à l’inflation. « Avec nous au pouvoir demain, on réindustrialise », commence Roussel qui embraye : dans le budget, le gouvernement « a mis en place un nouveau cadeau aux entreprises, la suppression de la CVAE. Sur ces 10 milliards, 66 % s’en vont à 920 grandes entreprises et il reste un tiers pour les 520 000 autres, c’est indécent. Que fait le député RN ? Il a refusé de voter la hausse du Smic et se fout de conditionner les aides aux entreprises », tacle-t-il au passage, avant de filer vers le site de Sanofi pour soutenir les grévistes. « Quand on fait un meeting, on vient avec ce qu’on a envie de dire et les gens écoutent. Quand on va à la rencontre des gens et qu’on leur donne la parole, toutes les questions qu’ils posent reflètent ce qu’ils ont dans la tête, commente-t-il à propos de sa démarche. En l’occurrence, c’est le pouvoir d’achat, la vie chère, les salaires, l’énergie, les services publics… »
« Lui ? Il s’occupe des pauvres gens comme nous »
Des points marqués à la présidentielle
Une autre question revient régulièrement : avec Macron à l’Élysée, et des mauvais coups parfois appuyés par la droite LR, voire le RN, que peut la gauche ? Comment construire une « majorité populaire », en somme ? « Nupes or not Nupes, that is not the question, réplique Roussel quand il est interrogé. Si le débat à gauche c’est cela, on ne va pas s’en sortir. Nous devons tout faire pour aller au-delà de cette alliance, voir plus grand pour construire un rassemblement plus populaire et qui permette de gagner » Pour celui qui a fait de « PCF is back » un slogan après son arrivée à la tête de la formation en 2018, pas question « de faire taire les différences et de les faire disparaître dans un programme commun ». « Faisons vivre les spécificités de chacun, permettant d’aller chercher l’électorat qui nous est proche », plaide-t-il, assurant que, pour cela, il y a « besoin d’un Parti communiste français plus fort ». D’ailleurs, il entend raconter la genèse de l’alliance, à la veille des législatives de juin dernier, dans un nouveau livre à paraître début 2023, où il veut aussi livrer son bilan de la présidentielle, « cette période électorale intense, cette rencontre avec les Français ». En la matière, il faut dire qu’il a marqué des points. À quelques minutes d’un rendez-vous avec des locataires mécontents du projet de rénovation de leur quartier, un habitant le reconnaît sur le parking. « Lui ? Il s’occupe des pauvres gens comme nous », sourit celui-ci après avoir demandé un selfie.
Cette fois-là, la scène se passe en Gironde car le rythme du tour de France s’accélère, et dès le 21 novembre, c’est sur la façade atlantique qu’il fait escale – avec l’objectif d’avoir bouclé la moitié des étapes à la fin de l’année et d’avoir fini sa tournée avant le congrès du PCF, qui doit avoir lieu du 7 au 9 avril prochain, à Marseille. « Quelles sont les idées que le PCF veut défendre ? C’est cela le débat. Nous, nous avons toujours été les plus rassembleurs et nous l’avons payé. Énergie, travail, chômage, alimentation, sécurité : les orientations claires, pour moi, c’est le contenu », explique Fabien Roussel, qui revêt sa casquette de secrétaire national à Bègles, lors d’un déjeuner dans la section avec les adhérents.
Mix énergétique et défis environnementaux
Sur le fond, c’est en matière d’écologie que l’étape girondine se veut un symbole après les mégafeux qui ont marqué l’été. Au milieu des pins noircis de la forêt de Landiras, une vidéo est tournée pour exiger les moyens nécessaires afin d’éviter de nouvelles catastrophes. « Il est indispensable, pour répondre à ces situations initiées par le dérèglement climatique, de recruter pour atteindre 50 000 pompiers professionnels et passer de 220 000 à 250 000 volontaires », insiste-t-il auprès du député David Brunner, président de l’union départementale des sapeurs-pompiers, lors d’une rencontre à la mairie de Landiras. Une commune « de 6 000 hectares, dont 5 300 de forêts et 2 000 qui ont brûlé cet été », rappelle son maire. Dans la foulée, le communiste fait le lien avec l’une des « spécificités » du PCF qu’il tient à faire entendre. « Pour répondre à ces défis, nous avons besoin de nous appuyer sur un mix énergétique renouvelables et nucléaire, avec la construction de nouvelles centrales, parce que nous devons sortir des énergies fossiles », martèle-t-il en réponse à une syndicaliste.
Après deux jours en Bretagne, début décembre, dédiés à la mobilité, l’Orne, la Corse, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, la Bourgogne-Franche-Comté, le Grand-Est, le Val-de-Marne sont au menu de ce tour de France tourné vers les « sous-préfectures ». « Il ne s’agit pas uniquement de se reposer sur ses lauriers dans les métropoles », où la gauche a enregistré ses meilleurs scores, glisse-t-on place du Colonel-Fabien. Mais le député du Nord entend aussi donner des gages à l’électorat plus urbain. En parallèle de son tour de France, il va à la rencontre des étudiants. Après Lille et avant Amiens, c’est à l’IEP de Saint-Germain-en-Laye qu’il s’est rendu fin novembre. La salle est pleine et les questions fusent. Parfois sans concession. Relations avec la Chine, affaires de violences sexuelles, enquête de Mediapart sur son ancien emploi, Coupe du monde au Qatar mais aussi travail, nucléaire, alimentation, avenir de la Nupes, etc. Tout y passe. « Il a un langage très abordable et son discours n’est pas virulent », apprécie un jeune. Régulièrement, le communiste parvient à faire rire avec ses formules. Si certains se montrent critiques, il suscite aussi des applaudissements, comme après l’interrogation d’une étudiante originaire de Béthune portant sur Bridgestone et les délocalisations. « Quand vous me posez cette question, je vois le visage de ces hommes et ces femmes qui travaillent dur, s’esquintent la vie et qui, pourtant, ont cette passion dans le sang. C’est la culture ouvrière, il faut le voir pour le ressentir, voir l’émotion dans leurs yeux quand on leur dit c’est fini », explique-t-il, pointant le jeu de concurrence entre « ouvriers hongrois et ceux du Pas-de-Calais », entretenu par la Commission européenne, qui permet qu’une « usine (soit) rayée d’un trait de plume par les actionnaires, avec 800 salariés dehors ». Le temps d’un échange plus informel et voilà le député prêt à reprendre déjà la route avec de nouvelles rencontres en vue.
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