« NDLR de MAC: on peut ne pas adhérer à la critique de D. B. , il n’en reste pas moins des questions posées qui méritent débats, théorisation et mise en pratique pour construire un PCF de notre temps. »
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Suite à mon texte qui de chapô est devenu lui-même article sur le thème “faut-il abattre le soldat Roussel?” notre blog est un lieu de débat il y a la réponse de Franck Marsal sur le caractère “irréformable” ou non du PCF je partage cette réflexion, elle est indispensable. Mais Je crains que ce débat paraisse un peu onirique, dans le contexte actuel alors que je suis par ailleurs convaincue qu’un retour au théorique est indispensable. Nous sommes dans une bataille très dure et elle va bien au-delà de l’explosion sociale autour des retraites, mais elle doit aussi partir de là, de cette révolte digne du peuple français et de la multiplicité des forces rassemblées, de leur insuffisante organisation mais pour le moment sans véritable opération de division. Ce qui ne saurait tarder vu que le pouvoir et ses médias vont utiliser à plein le manque d’organisation, l’absence de perspective politique et tenter de montrer qu’il n’y a là qu’une “foule”.
Premier constat, il est que la reconquête passe par les lieux du travail autrement il est aisé d’isoler les plus combatifs et de détruire une foule alors qu’il est impossible d’aller sur tous les lieux de travail où la discussion a lieu et les consciences évoluent rapidement. C’est pour cela que la question de l’organisation du travail est un moment stratégique de lutte incontournable et il faut bien mesurer que ça Roussel l’a compris et a de ce fait renversé la vapeur dès l’élection présidentielle. Il ne reste pas dans l’idéologique, parce que l’on ne sort pas de l’idéologie par l’idéologie, mais il dit au moins vers quoi il faut se diriger. Autre chose est le fait qu’il n’y a pas assez de relais et que ce qui devrait être une des priorités du congrès comme des luttes en cours n’est même pas esquissé. Après ça on peut toujours déplorer l’embourgeoisement bien réel du parti et de toute la gauche sans faire le moindre geste pour qu’il en soit différemment et accuser Roussel, les membres actuels du parti, cela ne fait rien avancer, donc ne pas renoncer au théorique au contraire mais comprendre les questions que la réalité nous pose …La critique ne doit pas être de l’ordre de ce qui est bien ou mal, de l’idéologique, elle doit partir de la réalité et ce sur quoi il faut agir. C’est, pour une rapide référence théorique, ce qui se joue entre “l’arme de la critique ou la critique des armes”, l’apport et le reversement de l’idéologique, de l’idéal qui permet de mettre en évidence une méthode d’investigation, doublée d’une méthode d’exposition , qui rende compte de la connexion interne des phénomènes.
Le deuxième point concerne les dégâts de la contrerévolution. Voilà plus de trente ans que nous sommes en particulier dans les partis européens très marqués par l’eurocommunisme pris dans une contre-révolution. Ce qui est étonnant ce n’est pas l’état du parti et de la France, c’est que notre peuple soit aussi combatif, aussi mature et qu’il existe encore un “désir” de communisme dans un parti et ses satellites groupusculaires qui ont subi une telle éradication, ont été coupés de leur base naturelle. Ce qu’il faut souligner encore à ce propos, c’est que l’on croit que ce qui a souffert de cette contre-révolution c’est le PCF et avec lui une classe ouvrière subissant de plein fouet la désindustrialisation, les transformations du “management” voire la censure dans la diffusion du marxisme, l’histoire réelle du mouvement révolutionnaire, etc… c’est vrai. Mais on ne mesure pas assez que c’est tout le pays, la gauche social démocratisée, mais aussi les intellectuels, les artistes, des disciplines entières, leur “vulgarisation” leur soumission aux médias, aux financements qui ont subi cette destruction. Cela fait partie de ce que l’on nous présente comme “le déclin français” sans aller au fond de ce qui est mis là, et on voit bien que l’illusion mitterrandienne d’un gouvernement des couches moyennes imposant ses “valeurs” de consommation, le libéralisme libertaire dévoile la réalité de la montée des forces conservatrices, l’autoritarisme et le fascisme. Je suis particulièrement sensible à l’utilisation du féminisme d’abord en le coupant de sa base matérielle, de l’indépendance économique des femmes et aujourd’hui le retour en force de l’oppression derrière des slogans caricaturaux.
Avec l’affaiblissement du parti communiste, de la force révolutionnaire, c’est toute la nation, l’histoire, le sens des combats qui perd sa colonne vertébrale. Ça aussi Fabien Roussel l’a perçu à sa manière ; il ne fait pas d’une gauche quelconque, qui pourtant s’avère fondamentalement anticommuniste, l’adversaire principal, toujours il voit l’ennemi capitaliste et la nécessité de prendre la tête des luttes contre lui. Il n’a pas cette impuissante soumission groupusculaire dont nous avons tant souffer. Elle était dans le fond un simple accompagnement à la forfaiture de ceux qui prétendaient se faire accepter en disant la messe que voulait entendre le capitalisme, celle de la célébration de sa victoire sur le socialisme et l’union soviétique, celle de l’adhésion aux campagnes de l’empire et de l’OTAN contre tous ceux qui résistaient. Mais il est plus Gavroche que Maurice Thorez, même s’il sait écouter et parfois entendre. il lui manque un parti qui puisse faire quelque chose de révolutionnaire de ce constat :
Troisième point ; C’est là que le bat blesse et ce n’est pas rien… Faute d’un parti, Gavroche à le nez sur le guidon, celui des manœuvres de sommet de l’assemblée nationale, le passage dans les médias : Roussel et la cocarde, le vote de la résolution 390 ce n’est pas rien. Pourtant il est clair que plus les contradictions se développent dans la crise du capitalisme, plus les masques tombent et les différents “phénomènes” apparaissent liés, crise d’un capitalisme concurrentiel, destructeur et autodestructeur face la nécessité et la possibilité des forces productives parmi lesquelles les êtres humains et la nature de porter un monde fondé sur la coopération. La revendication de Roussel des “jours heureux” va dans ce sens mais faute d’un effort théorique, d’une perception de l’état réel du monde, d’un véritable internationalisme qui donnerait sens à son exigence de souveraineté tout cela reste creux, du gadget, des manières de faire le buzz médiatique. C’est à la fois profondément vrai et de l’ordre de la ruse politicienne parce qu’il y manque le principal.
Quatrième point : Mais nous sommes justement dans un processus et pas dans “la lutte finale” et de ce point de vue l’analyse de Franck Marsal ci-dessous est tout à fait juste. Et je fais mienne sa conclusion : Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’une organisation de masse, c’est un organisme vivant, composé de dizaines de milliers (voire de millions) de liens vivants entre des personnes, avec les classes populaires, et qui accumule de l’expérience dans la lutte des classes. C’est comme un cerveau avec ses neurones et ses synapses. Le cerveau n’est pas composé que de neurones, l’élément essentiel que construit l’organisme dans l’apprentissage, ce sont les synapses, les liens entre les neurones. La vie du parti ne vient pas des idées qui elle-même tomberaient du ciel et que l’on devrait imposer par la propagande. Les idées se produisent, se transforment dans l’activité du parti, dans ces échanges vivant. Marx n’a pas inventé le marxisme, il l’a découvert. Il ne l’a pas découvert uniquement par des recherches philosophiques, mais aussi par l’observation minutieuse de la société et de ses mouvements auxquels il n’a cessé de participer. Cela lui faisait dire qu’être communiste, ce n’est pas avoir des idées, c’est avoir la carte du parti communiste dans sa poche. Pour faire de nouvelles découvertes, il faut pratiquer, agir, lutter et ce sont les avancées de l’histoire qui valident ou invalident ces découvertes. Ainsi, le marxisme demeure vivant et scientifique.
On ne théorise souvent que quand le processus a franchi une étape mais il faut aussi voir dans quel sens celui initié au 38 e Congrès va, ne serait-ce que pour mesurer ce sur quoi il faut faire porter l’effort. De ce point de vue et ce n’est pas un hasard si je parais tout personnaliser à travers Fabien Roussel, il a traduit le refus des communistes de renoncer au nom de leur parti et il redonné un sens à ce refus en assumant le responsabilité d’une candidature, c’est sa plus grande gloire le danger serait de se limiter à ce moment.
Incontestablement Fabien Roussel mouille la chemise et dit ce qui doit se dire dans l’urgence, les réponses immédiates, il parle aux travailleurs, à la France… On peut se féliciter d’avoir sur ce plan là un dirigeant communiste présent et proche des inquiétudes de l’immense majorité du peuple français. Celui qui empêche ou tente d’empêcher que le FN récolte les fruits de la politique du pouvoir en le mettant à nu, en lui disputant le terrain, même s’il n’a pas envie d’entendre cela, il agit avec responsabilité…
Cinquième point et conclusion : Mais le principal est ailleurs, toutes les remarques précédentes le disent : il faut dans le même temps, – en aura-t-il le temps, l’opportunité, la préoccupation? – préparer le congrès des communistes pour dégager une véritable perspective. Il a raison de dire que Macron et son gouvernement sont en fin de course, mais ce n’est pas que Macron, ce sont les institutions, nationales et internationales qui font eau de toute part, et ces institutions sont encore érigées comme des remparts devant une domination de classe, elles servent l’exploitation, la paupérisation absolue, c’est pour cela qu’il faut que le Congrès ne soit pas seulement le reflet de la situation, mais la perspective qui permettra de construire une autre société… Le but le socialisme, les moyens : le parti organisé pour la lutte, la théorie. Qualifier le PCF pour éviter la reprise difficile de l’outil, c’est là encore empêcher de réfléchir à ce qu’il faut FAIRE concrètement, et je dois dire que si l’on a bien suivi mon propos le fait que tout paraisse reposer sur un seul homme Fabien Roussel dit la carence principale du moment, il manque un parti qui mouille la chemise et qui prépare son congrès comme il lutte. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Réponse de Franck Marsal à l’idée que le PCF a perdu son caractère révolutionnaire, qu’il serait irréformable
Cette notion de “caractère irréformable” utilisée contre telle ou telle organisation politique est une notion clef … du trotskisme. Suite à la prise de pouvoir par Hitler en Allemagne en 1933, Trotski considère que l’internationale communiste est désormais irréformable, et qu’il faut former de nouvelles organisations. Trotski considère que l’URSS et le Komintern ont non seulement commis des erreurs dans la lutte contre le nazisme mais surtout que l’URSS aurait dû enclencher une mobilisation militaire de sa population pour se préparer à la guerre dès ce moment et que ne pas le faire est une capitulation. Dans une préface, il écrit ainsi : « Après la capitulation honteuse de l’Internationale communiste en Allemagne, les bolcheviks se sont écriés : “La Troisième Internationale est morte !..””
Après plusieurs années de préparation active, il proclamera la 4ème internationale en 1938 en considérant qu’elle sera la seule possibilité pour le prolétariat de faire face à la guerre qui vient.
Ce faisant, Trostki s’appuie et prétend réitérer la décision de Lénine de quitter la 2nde internationale après avoir proclamer sa faillite et sa trahison suite à la guerre de 1914. Et les trotskistes vont répéter cette méthode à l’envi, ce qui se traduira dans l’histoire de ce mouvement par une multiplication des scissions (j’ai pratiqué cela, avant de réaliser qu’il y avait un problème …).
Question : est-ce légitime ? et à partir de quand ? On peut déjà noter que Lénine ne proclame pas la 3ème internationale dans le feu de la guerre, au milieu du recul, mais après la victoire des Bolcheviks et la consolidation de la Russie soviétique. C’est un point scientifique important. Parce qu’avant la victoire et la consolidation, le problème est posé, on sait que la 2nde internationale a mené à l’impasse. Mais il n’est pas résolu par des événements décisifs d’importance mondiale. Lénine a son avis, son avis est documenté et appuyé sur un travail militant, mais pas sur une expérience historique. Donc, Lénine poursuit son travail. Il publie (notamment l’ouvrage majeur quoiqu’écrit sous la censure L’impérialisme, stade suprême du capitalisme). Lénine dispose des idées principales sur lesquelles sera fondée (plus tard) l’internationale communiste.
Car si on pratique le marxisme comme une science, il faut appuyer les décisions majeures sur la base d’expériences majeures irréfutables. Lénine et de nombreux militants pensent que l’orientation suivie par la 2nde internationale est une trahison et qu’une autre voie est possible et nécessaire. Mais ce n’est que lorsque la révolution russe permet la prise du pouvoir par le prolétariat, puis met fin à la guerre, d’abord en Russie, puis par les insurrections en Autriche-Hongrie et Allemagne à la guerre mondiale que l’on dispose d’une expérience majeure qui valide ses orientations.
De même, on peut critiquer Staline et la direction soviétique dans les années 30, mais l’histoire n’est pas terminée. Le résultat majeur et irréfutable de la crise des années 30 et de la guerre qui s’ensuit, viendra plus tard et il sera que l’Union Soviétique a gagné la guerre.
Tant que le résultat historique n’est pas tranché, il faut être dans la lutte et agir solidairement. Si chacun y va de son idée, forme son organisation (c’est toute l’histoire du trotskisme), on se divise et on ne peut rien prouver. Lorsque Marx considère que la 1ère internationale est à bout de souffle, il ne proclame pas une nouvelle organisation sur des bases théoriques, il la laisse se dissoudre et laisse l’histoire suivre son cours, jusqu’à ce que de nouvelles organisations surgissent.
Enfin, si l’on suit les principes du matérialisme historique, les idées ne sont pas extérieures à la réalité sociale, mais en sont le produit au travers du cerveau collectif, du langage des humains. Dès lors, il ne suffit pas d’avoir les idées – fussent-elles justes – et de faire de la propagande pour que ces idées “s’emparent des masses”. Et un parti n’est pas une caisse de résonance pour des idées toutes faites.
Les processus par lesquels les idées des masses évoluent sont dictés dans les conditions réelles de la lutte des classes. Les idées sont ballotées et transformées par la vie sociale collective dans l’organisation. C’est pourquoi tout discours purement propagandiste a ses limites, très étroites. Ce n’est que lorsque les idées rencontrent la perception sociale qu’une interaction rapide se produit. Aujourd’hui, la question de la démocratie capitaliste est posée et des interactions commencent à se produire autour de la notion de dictature du prolétariat, exprimée par exemple sous une forme très dérivée mais néanmoins claire dans le slogan de manif “c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons”.
Les gauchistes ont toujours sur-interprété la phrase de Marx “les idées s’emparent des masses lorsqu’elles sont radicales, c’est à dire lorsqu’elles prennent les problèmes à la racine” en considérant qu’il fallait être “intellectuellement radical” et en oubliant que les idées ne sont pas “radicales” en soi, mais qu’elles sont seulement radicales dans un contexte social, lorsqu’elles prennent “à la racine”, les problèmes posées dans le contexte social. Prendre la racine du pissenlit bien en main pour l’arracher est un geste délicat.
Alors, PCF failli et irréformable ? Peut-être mais peut-être pas. Seule l’expérience le dira. Personnellement, il me semble que ce qui se passe dans le parti montre au contraire une grande vitalité, un renouveau très tangible.
Il y a eu des dizaines de courants et d’organisations qui ont prétendu depuis au moins 80 ans avoir trouvé la pierre philosophale et que, “si on fait comme ils disent”, on créera une vraie et meilleure organisation révolutionnaire. Mais presque aucune de ces tentatives n’a réellement dépassé le stade de groupe de propagande, la plupart ont fini par se diviser et certaines ont terminé dans des dérives catastrophiques. Et ceci s’appuie non seulement sur l’expérience de la France, mais également sur celle de nombreux pays d’Europe et du monde. A contrario, des partis révolutionnaires qui ont surgi dans plusieurs pays (je pense en particulier à Cuba) se sont spontanément rapprochés du mouvement communiste international (et s’agissant de Cuba, de l’URSS). Enfin, nous avons l’expérience de pays comme l’Italie, où le Parti Communiste historique a disparu et où, là aussi, on se dispute pour le reconstituer, ce qui est très compliqué.
Ce qu’il faut en retenir, c’est qu’une organisation de masse, c’est un organisme vivant, composé de dizaines de milliers (voire de millions) de liens vivants entre des personnes, avec les classes populaires, et qui accumule de l’expérience dans la lutte des classes. C’est comme un cerveau avec ses neurones et ses synapses. Le cerveau n’est pas composé que de neurones, l’élément essentiel que construit l’organisme dans l’apprentissage, ce sont les synapses, les liens entre les neurones.
La vie du parti ne vient pas des idées qui elle-même tomberaient du ciel et que l’on devrait imposer par la propagande. Les idées se produisent, se transforment dans l’activité du parti, dans ces échanges vivant. Marx n’a pas inventé le marxisme, il l’a découvert. Il ne l’a pas découvert uniquement par des recherches philosophiques, mais aussi par l’observation minutieuse de la société et de ses mouvements auxquels il n’a cessé de participer.
Cela lui faisait dire qu’être communiste, ce n’est pas avoir des idées, c’est avoir la carte du parti communiste dans sa poche. Pour faire de nouvelles découvertes, il faut pratiquer, agir, lutter et ce sont les avancées de l’histoire qui valident ou invalident ces découvertes. Ainsi, le marxisme demeure vivant et scientifique.
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