À Sées, le cadeau du département à une école privée catholique intégriste
Pour un loyer dérisoire de 1 000 euros par mois, le conseil départemental de l’Orne laisse à disposition du collège-lycée privé hors contrat de Sées, réservé aux filles, un monument historique de plus de 2 000 m2, au cachet exceptionnel.
Sées, (Orne), envoyé spécial
Un chef-d’œuvre de l’architecture néoclassique se dévoile derrière l’imposant portail bleu orné de dorure. À deux pas de la cathédrale qui domine la commune, le palais d’Argentré est l’un des plus beaux bâtiments de Sées.
Un monument historique de 2 266 m2, construit en 1778. L’édifice est public, propriété du département de l’Orne, mais un collège-lycée privé, sans contrat d’association avec l’État, y niche : l’institut Sainte-Anne d’Argentré, réservé aux filles. Le tout pour une bouchée de pain : 12 000 euros par an, comme l’atteste le bail validé par une délibération du conseil départemental le 24 mars 2017.
Un montant dérisoire et un « problème moral », avaient alors dénoncé l’opposition socialiste et son chef de file Frédéric Leveillé, évoquant des « risques de laisser la gestion de ce bâtiment à des intégristes et des ennemis de la République ». Le président du conseil départemental, Christophe de Balorre (LR), déjà en poste en 2017, balaie : « Il y a d’autres écoles hors contrat en France, cela n’a pas posé débat. » Puis d’ajouter : « Sur la scolarité des jeunes filles, il n’y a jamais eu de retours négatifs. »
« Une fille bien sait coudre et s’occuper de son foyer »
Christophe de Balorre justifie la signature de ce bail par « l’état très précaire, rustique » de ces « locaux que nous n’utilisions plus ». Des investissements étant nécessaires pour réhabiliter le bâtiment, l’association éducative qui gère l’école s’était engagée à réaliser des travaux à hauteur de plus de 4 millions d’euros, ce qui explique le faible montant du loyer. « Mais ces 4 millions d’euros de travaux, nous savions très bien qu’ils n’allaient pas être faits, déplore aujourd’hui Frédéric Leveillé. En attendant, on a laissé ce bâtiment à des gensqui expliquent aux élèves qu’une fille bien, c’est celle qui sait coudre et s’occuper de son foyer. »
De fait, si quelques rénovations et mises en sécurité ont été effectuées, les travaux promis en 2017 sont loin d’avoir été réalisés. « Nous n’avons même pas eu besoin de le constater, c’était évident et l’école ne le conteste pas », indique Christophe de Balorre. Pour cette raison, le bail, initialement de trente ans, a été réduit. Le 1er juillet 2022, le conseil départemental a acté le départ de l’institut au plus tard en 2027.
Sur une période de dix ans, le collège-lycée aura donc eu le temps, à peu de frais, de se développer. De 18 élèves à son ouverture en 2018, l’institut Sainte-Anne d’Argentré est passé à près de 100 inscrites. De quoi faire rentrer quelques deniers, les frais d’inscription étant compris entre 3 600 et 6 100 euros l’année.
L’école bénéficie aussi du soutien de la Fondation Kephas, créée par la Fraternité Saint-Pierre. Sur sa page Internet consacrée aux tarifs, l’institut précise d’ailleurs que « la fondation est habilitée à recevoir des dons déductibles de l’IFI(impôt sur la fortune immobilière – NDLR), à hauteur de 75 % ». Si cela n’a pas suffi à effectuer les travaux exigés, les fonds engrangés par l’institut Sainte-Anne d’Argentré lui ont permis d’acquérir un autre bâtiment de la cité diocésaine, un ancien couvent qui doit accueillir les cours et le pensionnat en 2027.
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