Rentrée scolaire : les sénateurs notent le ministre Blanquer

 

Face à une réforme du lycée décriée, la colère gronde toujours. Le sénateur LR Max Brisson pointe un « passage au forceps ». La sénatrice PS Marie-Pierre Monier parle d’un « climat de défiance ». « Tout ministre est face au mal-être enseignant » minimise la sénatrice LREM Françoise Cartron.

12,4 millions d’élèves, 871.000 enseignants : c’est la troisième rentrée des classes pour le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Ce ne sera peut-être pas la plus sereine. Le ministre a multiplié les réformes : école obligatoire dès 3 ans, poursuite de la baisse du nombre d’élèves par classe dans les quartiers défavorisés, réforme du bac… Cette dernière cristallise les tensions. La fin des filières L, ES et S, remplacées par un contrôle continu et le choix de plusieurs enseignements, est mal passée. L’épisode de la grève des correcteurs du bac reste dans les esprits. Plusieurs préavis de grève sont déjà déposés pour septembre.

Face à ces tensions, le ministre a tenté l’apaisement en cette rentrée. Jean-Michel Blanquer a annoncé un « comité de suivi » pour tenir compte des difficultés éventuelles et décider d’aménagements pour le lycée. Les syndicats ont en tête aussi la question salariale. Problème lancinant. Jean-Michel Blanquer répond que les enseignants seront augmentés « en moyenne 300 euros pour tout le monde en 2020 ».

Marie-Pierre Monier (PS) : « L’augmentation de 300 euros venait de Najat-Vallaud Belkacem »

Une annonce qui fait tousser la sénatrice PS de la Drôme, Marie-Pierre Monier, qui suit les questions d’éducation pour son groupe. « Il ne faut pas perdre de vue que ces 300 euros venaient d’une décision de Najat-Vallaud Belkacem en 2016, sous le quinquennat précédent. L’augmentation avait été gelée et ça arrive avec du retard. Ce n’est pas du fait du gouvernement » rappelle la sénatrice.

La socialiste ne s’étonne des tensions actuelles dans l’éducation. « Tout le monde est inquiet. La réforme du lycée a été faite dans l’urgence et dans un climat de défiance » dit-elle. Marie-Pierre Monier attend maintenant les retours du terrain : « On rentre dans le dur, j’attends de voir ce qui va se passer pour l’ensemble du système scolaire ».

Max Brisson (LR) : « Dans l’esprit du ministre, il faut que le nouveau bac soit en place pour la présidentielle »

Le sénateur LR Pyrénées-Atlantiques, Max Brisson, ne sera pas lui le plus dur envers le ministre. « Le bilan n’est pas si négatif que cela » dit celui qui était rapporteur de la loi Blanquer sur l’école au Sénat. A ce titre, il avait aidé le ministre à se sortir de quelques guêpiers avec les syndicats… « Sur le fond, j’approuve la réforme du lycée, car elle casse des séries qui avaient créé des inégalités entre élèves. Les élèves de S conservaient jusqu’au bout un choix dans leurs études, ceux de L étaient contraints » souligne Max Brisson. Il pointe du doigt cependant la méthode Blanquer : « Il y a une précipitation dans la mise en œuvre de la réforme du bac, qui angoisse légitimement les professeurs. On a un calendrier politique de passage au forceps lié à l’effet du quinquennat. Dans l’esprit du ministre, il faut que le nouveau bac soit en place pour la présidentielle de 2022, d’où ce calendrier à marche forcée, qui ne marche pas justement ».

Quant à la question des salaires, Max Brisson estime que c’est un enjeu pour « l’attractivité du métier ». « L’effort doit être mis sur les jeunes profs. Nous sommes à des niveaux très bas, dans les profondeurs du classement, concernant les jeunes. En fin de carrière, on rejoint une modeste moyenne » souligne cet ancien prof’ du secondaire pendant 19 ans, avant d’enseigner en classe prépa’.

« Une école qui aggrave les inégalités » dénonce Céline Brulin (PCF)

La communiste Céline Brulin, sénatrice de la Seine-Maritime, « partage les critiques sur les filières d’élite au lycée. Mais avec la réforme, on renforce au contraire cette problématique. Des établissements auront les options accessibles, d’autres pas ». La crainte d’un bac à plusieurs vitesses en somme, et « d’une école qui aggrave les inégalités ». « Il y a un mécontentement depuis plusieurs mois sur l’école. Et ce n’est pas cette rentrée en chamboule tout qui calme les mécontentements » ajoute la sénatrice. Très concrètement, la rentrée s’annonce coton dans certains établissements. « Les équipes sont obligées de travailler dans la précipitation. Les emplois du temps, ce sont des casse-tête ! » alerte la sénatrice PCF.

Françoise Cartron (LREM) : « Il y a des vacances qui vous permettent une qualité de vie »

Dans ce contexte, la popularité de Jean-Michel Blanquer recule. « C’eût été miraculeux qu’il reste encore très populaire. Il n’y a aucun ministre qui le reste très longtemps » tempère Françoise Cartron, sénatrice LREM du Gironde. Elle ajoute :

« Les ministres de l’Education arrivent, portent une réforme, les gens ont l’air d’acquiescer et très vite, les choses se gâtent. Mais je pense qu’il y a un mal-être enseignant. Tout ministre est malheureusement face à cela ».

Un mal-être qu’elle explique ainsi : « Je pense que les enseignants sont pris dans une espèce de structure. Claude Alègre avait parlé du mammouth, mais c’est tellement gros qu’ils n’arrivent pas à se sentir reconnus eux-mêmes. Ça génère des sentiments de frustration ». Mais Françoise Cartron, ancienne directrice d’école maternelle en zone d’éducation prioritaire, est persuadée que « c’est un métier qui peut vous apporter de grandes satisfactions, ce plaisir de transmettre, permettre à des enfants de sortir de leur condition sociale ». Quant aux faibles salaires, elle minimise l’importance du sujet : « Bien sûr il y a la paie. Mais il y a des vacances qui vous permettent une qualité de vie. Quand vous partez deux mois en vacances, vous avez le temps de voyager, vous enrichir culturellement et humainement. Ce n’est pas dans la grille de salaire, mais ce n’est pas rien ». Pas sûr que la réponse suffise aux professeurs.

Par François Vignal


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