Agressions sexistes et sexuelles. Ce que révèlent les 500 pages de l’enquête « Violences et rapports de genre »

Publiée en cette Journée mondiale des luttes contre les violences faites aux femmes, l’enquête « Violences et rapports de genre » (Virage) met en évidence des agressions vécues tout au long de la vie, dans la famille, l’espace public, le travail… Décryptage.

L’ouvrage est scientifique et d’envergure : après avoir questionné plus de 27 000 personnes, l’Ined (Institut national d’études démographiques) révèle les 500 pages de son enquête « Violences et rapports de genre » (Virage) aujourd’hui, Journée internationale contre les violences faites aux femmes. L’enquête Enveff (Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France), de référence jusqu’ici, datait de quinze ans. Virage l’amplifie en interrogeant également des hommes, en s’attachant à la violence vécue par les mineurs et en y incluant les personnes LGBT. « Les femmes sont exposées à des violences tout au long de leur vie », constate Claire Scodellaro, chercheuse associée à l’Ined ayant participé à l’enquête.

Quels que soient les espaces de vie étudiés (familial, conjugal, lieux publics, travail), les femmes sont exposées durablement à un continuum des violences. Les hommes déclarent plutôt des faits de violence subis ponctuellement, de courte durée, avec moins de conséquences sur l’ensemble de leur parcours de vie. « Les violences affectent la santé des femmes et ont un impact sur leur vie, sur leur possibilité de travailler, etc., reprend Claire Scodellaro. Pour elles, il y a une double peine. » En effet, selon les chercheurs de l’Ined, « le déclenchement des violences s’appuie sur les rapports inégalitaires et hiérarchiques au sein des différents espaces de vie, qui peuvent se cumuler ou se combiner ».

Troubles du comportement alimentaire, problèmes ostéo-articulaires

Dès l’enfance, on observe une différence nette entre les faits de violences physiques, psychologiques ou sexuelles rapportés par des femmes (17,6 %) et des hommes (12,9 %). Ces victimes correspondent à 15,3 % des personnes interrogées. Les violences sont alors commises par des membres de la famille ou des amis proches. Dans plus de 90 % des cas, les agresseurs sont des hommes adultes. Si les violences physiques s’exercent autant sur les hommes et les femmes, la part des femmes atteintes de violences sexuelles est bien plus importante. « On a affaire à une double domination d’hommes adultes sur des enfants : domination d’âge et domination de genre, décrit la chercheuse,  même s’il est possible que les hommes aient plus de difficulté à révéler les violences sexuelles vécues. » Les filles subissent des violences plus graves et souvent répétées, du fait de la proximité de leur agresseur.

Une femme sur quatre a subi des violences dans l’espace public contre un homme sur sept. 5 % d’entre elles évoquent du harcèlement et des atteintes sexuelles (embrassades de force, attouchements des seins ou des fesses, frottements intentionnels). Au travail, les femmes dénoncent deux fois plus de violences sexuelles et de violences physiques que les hommes. Quand elles sont mises au jour, ces agressions sont rarement prises en charge. Or toutes ces violences ont des conséquences sur la santé. Troubles du comportement alimentaire, problèmes ostéo-articulaires… « Les femmes à l’âge adulte présentent davantage de dépressions que les hommes, se disent plus souvent en mauvaise santé, rapportent plus souvent des situations de handicap, même si elles vivent plus longtemps, remarque encore Claire Scodellaro. C’est parce qu’elles sont confrontées tout au long de leur vie à des situations de violence. »

« Une violence  hétéronormative »

Ces faits de violence viennent réaffirmer la hiérarchie entre le masculin et le féminin, et l’ordre social hétérosexuel, estime l’enquête. « Il y a une surexposition des minorités sexuelles par rapport aux violences familiales et dans l’espace public, explique le sociologue Mathieu Trachman. Plus de 22 % des femmes homosexuelles et 19 % des femmes bisexuelles ont subi au cours de leur vie des violences sexuelles dans la famille, pour 5 % des femmes hétérosexuelles. 45 % des femmes bisexuelles déclarent des violences sexuelles dans l’espace public, pour 10 % des femmes hétérosexuelles. »

En plus de l’effet de surexposition des minorités, l’entre-soi dans lequel ces minorités seraient habituées à se retrouver leur permettrait de mieux identifier les faits et d’en parler. Les auteurs du chapitre consacré aux personnes LGBT, catégorie elle-même hétérogène, pointent « une violence hétéronormative qui varie selon le genre et l’identification sexuelle : l’assignation au sexe de naissance et l’exclusivité du choix sexuel sont des normes qui expliquent pour une part une plus grande vulnérabilité des bisexuel.le.s et des trans ».

« Les situations de violence, notamment les plus graves, ont peu changé au cours des quinze dernières années », constate amèrement toute l’équipe de recherche, pour qui la reconnaissance de la parole des victimes n’est pas encore assez forte. Pour elle, prévention des violences durant l’enfance et moments déclencheurs des violences conjugales (grossesses, naissances, chômage, retraite) doivent être intégrés dans les dispositifs de prévention et de prise en charge.

Féminicides, viols, harcèlement : des mobilisations malgré le confinement

À Paris, Lille, Rouen, Grenoble, des mobilisations sont organisées ce 25 novembre contre les féminicides, les viols, les agressions sexuelles, le harcèlement sexuel, les violences obstétricales, etc. Les associations, syndicats, partis politiques réclament toujours depuis un an un milliard d’euros pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles en France, plus de places d’hébergement pour mettre à l’abri les victimes, la ratification par la France de la « convention contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail » de l’Organisation internationale du travail. Rendez-vous à Paris, place de la République à 12 heures, happening participatif place Saint-Michel à 18 heures.


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