Tribune collective
Depuis 2017, le mouvement #MeToo a mis le feu aux poudres en faisant resurgir spectaculairement un très ancien combat des féministes contemporaines : la lutte contre les violences faites aux femmes. Nous le savions déjà, aucun cercle n’est épargné : la famille, le cinéma, le sport, le théâtre, les médias, le milieu politique, etc. Tout cela est révélé, jour après jour, sur les réseaux sociaux, par des victimes qui n’étaient pas écoutées jusque-là. L’« universalité » des violences se lit publiquement, sans filtre, avec les mots des victimes.
La classe politique essaie de colmater les brèches qu’elle a elle-même créées, fait voter des lois, alors qu’elle ne donnait aucun moyen pour faire appliquer celles existantes. De 2017 à 2020, une loi par an a été votée sur les violences faites aux femmes, marquant certes un empressement dû à la pression instaurée par #MeToo mais aussi l’incomplétude, voulue, des lois antérieures. Mais les féminicides continuent, l’accueil des victimes dans les commissariats ne s’améliore pas (#DoublePeine), les classements sans suite et les non-lieux continuent à tomber.
Les victimes hésitent à porter plainte alors qu’elles entendent au quotidien la même litanie : « Sur les réseaux sociaux, la présomption d’innocence n’est pas respectée, adressez-vous donc à la justice. » On tourne en rond. En 2021, la question est simple : tout est-il mis en œuvre pour lutter contre les violences ? Quels sont les moyens mis en place ? Concernant les lois existantes, la formation des professionnel.le.s, inscrite dans la loi depuis 2014, est-elle vraiment appliquée partout ? Dans l’éducation nationale, par exemple ? Sûrement pas. Pourtant, cette mesure, de l’ordre de la prévention, est indispensable. L’article 15-3 du Code de procédure pénale, qui oblige à recevoir les plaintes de victimes d’infraction pénale par les OPJ et APJ (officiers et agents de police judiciaire – NDLR), est-il appliqué ? On sait bien que non. La loi de 2001 concernant « une information et une éducation à la sexualité dispensées » dans les établissements scolaires n’est pas mise en œuvre non plus.
Mettons en route un grand état des lieux des lois non appliquées et déterminons des mesures fortes pour les faire appliquer. Et ensuite, au lieu de tergiverser pour sauvegarder le noyau dur d’une justice patriarcale qui ignorait, il y a encore quarante ans, les violences contre les femmes, il s’agirait enfin de régler ce problème de façon globale et complète.
Le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale de tous les soins dont ont besoin les victimes doit, par exemple, être une priorité. Élargir la portée de l’ordonnance de protection pour que toutes les victimes puissent en bénéficier et non pas seulement celles victimes de violences conjugales ou menacées de mariage forcé serait pertinent aussi. Instaurer un délit spécifique de violence conjugale aiderait à combattre les féminicides et encouragerait les dépôts de plainte qui seraient suivis d’effet. Instaurer des tribunaux spécialisés contre les violences sexistes et sexuelles avec des magistrat·e·s volontaires et dûment form·é·es serait un signal politique fort.
Bref, une véritable loi-cadre. Mais, pour cela, il faut une véritable volonté politique et non se contenter d’un verbe haut, suivi de peu d’actes et moyens effectifs. L’Espagne l’a fait et continue à le faire. Pourquoi pas nous ? C’est ce que nous dirons dans toutes les manifestations organisées pour le 25 novembre partout en France par NousToutes, des associations féministes, des syndicats et organisations politiques.
Signataires
Zahra Agsous, militante féministe, Maison des Femmes de Paris
Marie-Noëlle Bas, présidente des Chiennes de Garde
Hélène Bidard, adjointe PCF à la Mairie de Paris
Nadia Chaabane, militante féministe franco-tunisienne
Laurence Cohen, militante féministe
Ingrid Darroman, militante féministe
Monique Dental, militante féministe
Fabienne Lauret, féministe syndicaliste
Anne Leclerc, féministe syndicaliste
Myriam Martin, co-porte-parole d’Ensemble
Élisabeth Maugars, militante féministe
Florence Montreynaud, historienne
Josée Pépin, collectif CIVG Tenon
Suzy Rojtman, porte parole du Collectif national pour les Droits des Femmes
Amina Shabou, militante féministe
Danielle Simonnet, conseillère FI de Paris
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