Russel nous met en garde, mais il demeure une référence au sujet pensant, au rationalisme des Lumières, ce qui est déjà important. Les intellectuels allemands à maintes reprises historiquement ont fait l’expérience de la manière dont la bourgeoisie alliée à l’aristocratie conservatrice trahissait la réalisation politique des Lumières par la Révolution française et comment cela débouchait sur des guerres impérialistes avec le paroxysme du nazisme.
Cet échec des intellectuels allemands est au centre de la tragique réalité du nazisme, de l’esthétique de la guerre chez un Jünger, de la fascination pour la force et la puissance du nihilisme dans l’individualisme comme aujourd’hui. Donc je voudrais à ce texte de Russel joindre ce constat d’intellectuels allemands : Pratiquement oui, on peut penser. Mais et s’il y a des forces dans la société qui ont le pouvoir absolu du discours, et qui savent exactement comment empêcher les discussions larges de s’intensifier, non seulement sur le climat, mais sur tous les sujets sensibles. Il fallait que ces contenus soient ignorés au point de ne pas avoir besoin d’être interdits, le changement de société en ‘démocratie’ au cours des 50 dernières années, c’est-à-dire l’évolution d’une société libre à une dictature de la classe dirigeante ainsi que leurs instruments sociaux-politiques : groupes de pression, fondations, populistes, “organisations non gouvernementales”, influenceurs, médias (“journalistes”), est une véritable machine à ignorance…
Ce ne sont pas “les hommes qui craignent la pensée plus que tout”, mais bien ceux qui ont le pouvoir de dominer et d’exploiter.
Bertrand Russell : « Les hommes craignent la pensée plus qu’ils ne craignent tout au monde ; plus que la ruine, plus que la mort.
La pensée est subversive et révolutionnaire, destructive et terrible. La pensée est impitoyable avec les privilèges, les institutions établies et les coutumes confortables ; la pensée est anarchique et hors-la-loi, indifférente à l’autorité, négligée à la sagesse du passé. Mais si la pensée doit être la possession de beaucoup, pas le privilège de quelques-uns, nous devons les avoir avec la peur. C’est la peur qui arrête l’homme, la peur que ses croyances attachantes ne soient pas illusions, la peur que les institutions avec lesquelles il vit ne soient pas nuisibles, la peur qu’elles ne soient pas moins dignes de respect qu’elles ne l’étaient. Bien sûr. Le travailleur va-t-il penser librement à la propriété ? Alors que deviendra-t-il de nous les riches ? Est-ce que les garçons et les filles vont penser librement au sexe ? Alors qu’est-ce qu’il va devenir de la moralité ? Les soldats vont-ils penser librement à la guerre ? Alors qu’adviendra-t-il de la discipline militaire ? Hors de la pensée ! Revenons aux fantômes des préjugés, la propriété, la morale et la guerre ne seront pas en danger ! Il vaut mieux que les hommes soient stupides, amorphes et tyranniques, avant que leurs pensées ne soient libres. Parce que si leurs pensées étaient libres, ils ne penseraient sûrement pas comme nous. Et ce désastre doit être évité à tout prix. Ainsi arguent les ennemis de la pensée dans les profondeurs inconscientes de leurs âmes. Et c’est comme ça qu’ils agissent dans les églises, les écoles et les universités. »
Si le mythe du bon sauvage à la Rousseau n’est plus défendu par personne, il serait plutôt transformé par l’idée que pour préserver la nature, il faut tuer ou réduire la population humaine… Ce nouveau mythe suppose que les humains dans leur état naturel sont méchants, brutaux et égocentriques, seulement apprivoisés par le pouvoir et la coercition de l’État. D’où la manière dont certains “écologistes” peuvent avoir tendance à glisser dans l’eugénisme et dans une “naturalisation de la guerre” qui efface les barrières avec l’extrême-droite. Marx et Engels, les marxistes ont mis en pièce cette “nature humaine”. Et les recherches actuelles en anthropologie le confirment “De toute évidence, les humains ont la capacité d’un grand égoïsme, mais en tant qu’espèce, nous sommes aussi de meilleurs coopérateurs avec des non-parents que tout autre animal. Ce paradoxe apparent est explicable si nous reconnaissons que les gens ne sont pas par nature uniformément rusés ou câlins, mais que plutôt les humains, passés et présents, sont capables à la fois de coopération et d’égoïsme selon le contexte. Notre nature n’est pas unidimensionnelle. Le comportement coopératif est situationnel. Nous nous engageons lorsque les désirs d’un individu concordent avec son réseau social plus large. Le manque d’alignement court-circuite la coopération, que le réseau soit grand ou petit.” Si l’on admet cette conclusion, il est évident que pour dominer les êtres humains il faut les isoler et détruire en premier lieu y compris de l’intérieur ce qui rend leur pensée active, contestatrice.
LE FIN DU FIN C’EST QUAND LA CENSURE DE CLASSE S’INSTALLE AU CŒUR DE L’ORGANISATION DE CLASSE, QUI DEVIENT ALORS UN APPAREIL IDÉOLOGIQUE DE L’ÉTAT BOURGEOIS.
Et à ce titre, je me permettrais de citer ce qu’a dit très justement un très grand écrivain disparu aujourd’hui étant donné que sa phrase correspond parfaitement au négationnisme exigé de l’Europe, de pays comme la Pologne, l’Ukraine et sa patrie la Tchéquie, par Qui ? Les Etats-Unis sous la bénédiction de qui ? l’UE… Cette Europe des lumières s’est révélée une fois de plus celle de la barbarie… Et le même travail a été et est encore accompli sur “la gauche” et le PCF à partir des “positions” idéologiques acquises :
Pour liquider les peuples, on commence par les priver de la mémoire. Ils détruisent tes livres, ta culture, ton histoire. Quelqu’un écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, invente une autre histoire ; plus tard, les gens commencent à oublier lentement ce qu’ils sont et ce qu’ils étaient. Milan Kundera
Danielle Bleitrach
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