Le programme présenté par Fabien Roussel pour l’élection présidentielle et par le PCF aux élections législatives se distingue par une puissante cohérence, celle du projet communiste tel que le 38ème congrès du PCF l’a défini. Ce programme énonce non seulement les objectifs sociaux, écologiques, féministes qu’il assigne à une politique de gauche visant à répondre aux attentes de nos concitoyens, mais aussi, conjointement, les moyens – financiers, techniques, juridiques – de les atteindre, et les pouvoirs démocratiques, autogestionnaires dont la conquête est indispensable pour disposer de ces moyens.
Pris ensemble, les objectifs du programme répondent aux urgences sociales, écologiques, économiques, politiques en dessinant la perspective d’une transformation révolutionnaire de notre société. Emploi, pouvoir d’achat des salaires et des pensions, éducation et émancipation des jeunes, services publics, transformation écologique de l’économie, révolution féministe, égalité réelle : les besoins de notre peuple sont immenses, les moyens à mobiliser doivent être à la hauteur si l’on veut surmonter la crise économique, sanitaire écologique, politique, morale qu’affronte la France, comme l’ensemble de la planète.
Il importe en premier lieu de souligner que ces moyens ne sont pas seulement de nature budgétaire et fiscale. Les mesures proposées pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de salaires, d’emplois, de protection sociale, de services publics, exigent des dépenses supplémentaires de la part de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale mais aussi de la part des entreprises publiques et privées.
Pour arracher au capital les moyens de financer ces dépenses, il faudra des batailles politiques intenses au niveau national et dans les territoires, mais aussi, et de façon cruciale, dans les entreprises – avec la conquête de nouveaux pouvoirs par les salariés – et au niveau européen et international, face aux pressions des multinationales et des marchés financiers.
Ce processus politique sera complexe. Il ne peut pas être modélisé à l’avance de façon précise et comptable. En revanche il est d’ores et déjà possible d’indiquer quelques ordres de grandeur, significatifs en eux-mêmes des ambitions du programme et de l’ampleur des moyens qu’il est possible de mobiliser pour sa réalisation. Des travaux en cours permettront de préciser des éléments de chiffrage utiles au débat public dans la campagne électorale.
300 milliards de dépenses publiques supplémentaires…
En ce qui concerne les dépenses des administrations publiques (État, collectivités territoriales et Sécurité sociale), on relève en particulier 500 000 embauches dans les trois versants de la fonction publique, une augmentation de 30 % des rémunérations de tous les fonctionnaires, les mesures à prendre pour réaliser l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans la fonction publique, la satisfaction des revendications syndicales en matière de retraites (retraite à 60 ans avec 75 % de taux de remplacement) [i], la création d’une allocation mensuelle de 850 euros pour 2 750 000 étudiants, etc.
En année pleine, au bout de cinq ans, l’ordre de grandeur des dépenses supplémentaires dépasse 300 milliards d’euros. Il faut leur ajouter la dotation d’un fonds pour le pacte pour le climat et l’emploi (140 milliards), et les frais qui pourront être entraînés par les nationalisations des grandes banques (BNP Paribas, Société Générale), d’Axa et des groupes stratégiques des filières industrielles et de services.
… et à peu près autant
à obtenir des entreprises
Le programme implique un montant de dépenses comparable pour les entreprises. Une partie de ces dépenses consiste en la contribution des entreprises au financement des nouvelles dépenses publiques, au titre de la réduction de l’évasion et de la fraude fiscale et sociale, au titre de prélèvements fiscaux supplémentaires et au titre d’une augmentation des cotisations sociales. Une autre partie consiste principalement dans les mesures d’augmentation des salaires dans le secteur privé.
Même si, par quelque miracle, on confisquait la totalité des profits nets actuels des sociétés financières et non financières, cela ne suffirait pas (l’excédent net d’exploitation des sociétés financières et des sociétés non financières, c’est-à-dire les profits bruts diminués des dépenses indispensables au maintien en l’état de l’appareil productif, est de l’ordre de 160 milliards d’euros [ii]).
Heureusement, il ne s’agit pas seulement de dépenser de l’argent qu’on n’aurait qu’à prélever dans la poche des « riches ».
Toute politique de gauche serait vouée à l’échec, en cette période de crise profonde du capitalisme, si elle se contentait de modifier la répartition des richesses en laissant le capital décider de la façon de produire les richesses. En d’autres termes, on ne peut pas se limiter au soutien de la « demande » (la consommation populaire et les dépenses publiques) ; il faut accorder tout autant d’importance à l’« offre », qui dépend en dernier ressort du nombre de gens qui travaillent et de l’efficacité des outils à leur disposition pour créer des richesses.
C’est pourquoi les nouvelles dépenses prévues dans notre programme n’auront de sens que si elles s’attaquent au coût du capital, c’est-à-dire si elles viennent à l’appui d’un tout autre fonctionnement de l’économie, d’une tout autre croissance, écologique et sociale, touchant non seulement le secteur public mais, au premier chef, les critères qui inspirent les choix des entreprises et l’attribution des crédits bancaires.
Les moyens de réaliser les transformations sociales profondes que la société attend convergent ainsi vers la construction d’une sécurité d’emploi et de formation.
La clé sera de faire reculer le chômage, de pourvoir les emplois qui manquent cruellement dans les services publics, de donner toute leur efficacité à ces nouveaux emplois et à ceux qui seront consolidés, par le développement d’un immense effort de formation.
6,3 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, soit près de 20 % de la population en âge de travailler, sont aujourd’hui en situation de chômage ou de sous-emploi : 2,45 millions au chômage selon la définition du BIT, 1,86 million dans le « halo du chômage [iii] » et 1,98 million en situation de sous-emploi [iv]. Si toutes ces personnes avaient la possibilité de déployer pleinement leurs capacités de création de richesses, le PIB – c’est-à-dire la somme de toute la valeur ajoutée produite en une année – s’en trouverait augmenté dans une proportion correspondante, soit quelque 500 milliards d’euros à l’issue d’un quinquennat.
En conséquence, le taux de croissance moyen sur les cinq prochaines années serait supérieur de 2 points à celui qui fait l’objet des prévisions actuelles. On admet ici, pour simplifier, que ce résultat serait entièrement dû à l’augmentation de l’emploi, tandis que l’accélération des gains de productivité liée à l’amélioration de la formation et des services publics serait, elle, utilisée à diminuer le temps de travail.
On voit bien qu’il s’agit là de tout autre chose que de miser sur la « croissance » capitaliste. Sous l’aiguillon du taux de profit et de la rentabilité financière, le capital mise tout sur l’accumulation de moyens matériels de production pour exploiter toujours plus le travail. Ce faisant, il épuise les deux sources de la richesse, la nature et le travail humain. Nous voulons tout le contraire : fonder l’efficacité économique sur ce qui fait la vie des êtres humains : emploi, pouvoir d’achat, services publics, habitat, temps libéré pour la formation, l’infinie diversité des activités culturelles et sportives, le développement de toutes les capacités des personnes. Et, dans notre combat contre le coût du capital, nous voulons économiser les ressources naturelles pour mettre à disposition de toutes et tous ces biens communs que sont le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, de l’eau, de l’habitat, des paysages… C’est précisément le type radicalement nouveau, social et écologique, de croissance de la productivité auquel nous appelle la révolution technologique informationnelle qui commence à bouleverser la production.
Ce serait là le moyen de dégager, au fil des ans, les ressources nécessaires pour financer la nouvelle politique économique.
En effet, quand la valeur ajoutée augmente, cela entraîne une augmentation des revenus de toute nature distribués à partir de cette valeur ajoutée. Or la plupart des impôts sont assis sur les revenus ou sur la consommation, qui dépend elle-même des revenus des ménages : les recettes de l’État augmentent donc aussi, même à législation fiscale inchangée. De même, les cotisations sociales augmentent dans les mêmes proportions que les salaires. En outre, les réformes profondes de la fiscalité des ménages et des entreprises qui figurent dans notre programme viendraient modifier la contribution des différents types de prélèvements aux recettes publiques ou sociales. Au total, la part des salaires et des prélèvements publics et sociaux augmenterait de 10 points dans un PIB lui-même accru : la part des salariés et de la population dans le « gâteau » reviendrait à son niveau du début des années 80, avant la libéralisation financière et la mise en œuvre des politiques néolibérales.
En particulier, le financement de la Sécurité sociale bénéficierait de la suppression progressive des exonérations sociales (70 milliards d’euros) dont bénéficie le patronat, tandis que la suppression des niches fiscales n’ayant d’autre effet que de gonfler les profits viendrait renforcer les recettes de l’État. En matière de fiscalité des ménages, le rétablissement de l’impôt sur la fortune et la progressivité accrue de l’impôt sur le revenu et des droits de succession viendraient compenser la baisse de la TICPE et de la TVA sur les produits de première nécessité, tout en contribuant à corriger les inégalités de revenus qui se font de plus en plus criantes à mesure que la crise s’approfondit.
Une économie solide
et des coopérations internationales
pour affronter la pression des multinationales et des marchés financiers
Ce scénario a une condition : que l’appareil productif soit en état, non seulement de créer plusieurs millions d’emplois mais aussi de le faire avec l’efficacité exigée dans la concurrence internationale, pour que l’économie soit en état de créer les richesses nécessaires.
Or, cette économie est aujourd’hui affaiblie non seulement par la pandémie et ses effets économiques, mais par des décennies de dévitalisation de nos filières productives et de nos services publics, car les stratégies des puissantes multinationales du CAC40, activement relayées par les gouvernements successifs, obéissent à une tout autre logique que celle de l’efficacité sociale et de la cohésion des territoires. Jamais notre commerce extérieur n’a été aussi déficitaire, jamais le financement de notre économie n’a été aussi vulnérable aux pressions des marchés financiers. Ces pressions seront donc encore bien plus fortes qu’en 1981, par exemple. À cette époque, la politique de relance de la demande tentée par la gauche s’était vite révélée intenable. En l’absence d’une puissante intervention populaire pour changer les critères de gestion des entreprises, le déficit commercial s’était vite creusé, mettant le pays à la merci des flux de capitaux internationaux malgré une étatisation très poussée de l’économie (nationalisations, contrôle des changes et des taux d’intérêt…).
Aussi notre programme ne nourrit-il pas l’illusion qu’une nouvelle politique, après quarante ans de financiarisation et d’intégration européenne, pourrait se concevoir dans une économie fermée, artificiellement isolée de la mondialisation capitaliste.
Il vise donc à la fois
- la reconstruction de fondements sains à notre économie, c’est-à-dire les qualifications et la créativité de la population, et non les profits spéculatifs et l’obsession de la rentabilité financière. C’est en s’attaquant au coût du capital et à sa domination dans les entreprises et dans leur financement qu’il sera possible de rendre nos entreprises suffisamment efficaces pour affronter la concurrence et la domination des multinationales sur le marché mondial ;
- une mobilisation politique s’exprimant non seulement dans les urnes mais dans les entreprises et dans les territoires, avec le levier des nouvelles institutions dont nous préconisons la mise en place ;
- et une pleine prise en compte des batailles à mener pour faire prévaloir une tout autre conception de la construction européenne et un tout autre rôle des institutions internationales, en alliance avec toutes les forces, en Europe et dans le monde, qui cherchent comme nous un nouveau mode de développement, non plus fait d’affrontement et de concurrence mais écologique, solidaire, émancipé de la dictature de Wall Street et du dollar [v].
Contre les dogmes de la concurrence et du soutien « quoi qu’il en coûte » au capital, la « France en commun » nouera alliance avec les forces démocratiques, syndicales, écologiques, de toute l’Europe contre la domination du capital, contre les dogmes de l’austérité et pour une nouvelle construction européenne, donnant la priorité au développement des capacités de chaque habitant du continent, et fondée sur d’autres institutions respectueuses des nations comme des peuples.
Cette politique trouvera des relais au-delà de nos frontières car le besoin existe en Europe d’une relance coordonnée, donnant la priorité au social – l’emploi, le pouvoir d’achat, la protection sociale – et aux services publics. Le besoin est évident d’ouvrir le chantier des coopérations pour une nouvelle industrialisation (dans les composants, les logiciels, le spatial, l’automobile…).
Sans attendre, la France prendra en particulier des initiatives pour une autre utilisation de la création monétaire de la BCE, au service de l’emploi, de la formation et du développement des services publics dans toute l’Europe.
La France jouera un nouveau rôle dans une bataille pour de nouveaux traités de maîtrise des échanges et investissements internationaux, de coopération commerciale, technologique, culturelle, financière dans le monde. Elle agira pour mobiliser l’Europe dans une nouvelle alliance avec les pays émergents et du sud pour sortir pacifiquement de la crise de l’hégémonie monétaire, financière, technologique, culturelle, politique, militaire des États-Unis.
Dans cette bataille, il faudra prendre en compte deux considérations cruciales.
Cinq ans de lutte
pour faire reculer le chômage
et amorcer un nouveau développement
pour répondre aux besoins écologiques
et sociaux…
Premièrement, l’augmentation de l’emploi et de la richesse qu’il produit n’aura rien d’automatique. Le redressement de l’emploi – et l’accélération de la croissance qu’on en attend – ne viendra pas spontanément d’une augmentation de la demande. Il faudra surmonter l’obsession de la rentabilité et de la baisse du coût du travail qui domine la gestion des entreprises.
La mise en œuvre de la nouvelle politique a donc pour condition une mobilisation immédiate de tous les moyens d’atteindre un objectif : créer cinq millions d’emplois et rendre des millions d’autres emplois sûrs et plus efficaces grâce à un développement inédit de la formation à tous les âges.
Dès le début de la législature, une conférence nationale pour l’emploi, la formation et la transformation productive et écologique réunira l’ensemble des acteurs sociaux et économiques pour les mobiliser en faveur des grands objectifs du quinquennat : la création de cinq millions d’emplois, un accès massif des travailleurs et des travailleuses à la formation, le redressement et le développement des services publics.
Dans le même élan, des conférences régionales et territoriales réuniront les représentants des salariés, ceux du patronat, ceux des institutions financières (banques et assurances), les élus locaux, régionaux, nationaux et européens, les associations, les administrations économiques. Elles établiront des objectifs précis de préservation d’emplois (là où menacent délocalisations et suppressions d’effectifs), de créations d’emplois dans l’agriculture, l’industrie, le bâtiment et les services, de créations d’emplois dans les services publics (hôpitaux, enseignement, recherche, police, justice, transports, énergie…) et des plans précis de formation pour permettre à toutes celles et tous ceux qui le souhaitent d’exercer efficacement ces emplois. Elles énonceront les moyens à mobiliser pour aider les TPE-PME à contribuer à ces objectifs, les devoirs qui incomberont aux grands groupes donneurs d’ordres pour contribuer au développement du tissu économique local au lieu de le pressurer, et ceux qui incomberont aux banques pour mettre à la disposition des acteurs économiques l’argent nécessaire. La conférence nationale intégrera ces objectifs et ces engagements dans une stratégie à l’échelle du pays, amorçant un nouveau type de planification démocratique et décentralisée.
Conjointement à cette pression sociale et politique sur les choix économiques des entreprises et des banques, de nouveaux moyens institutionnels et financiers d’agir sur le comportement des acteurs économiques seront instaurés par la loi :
- restauration des comités d’entreprises et renforcement de leurs prérogatives économiques, au-delà d’un simple droit de veto suspensif sur les licenciements, jusqu’à un droit d’intervention et de décision sur les choix de gestion, assorti d’un accès aux crédits bancaires pour réaliser les projets portés par les salariés ;
- mise en place d’un pôle financier public ;
- modulation de l’impôt sur les sociétés et des cotisations sociales patronales en fonction du comportement des entreprises en matière d’emploi, de salaires et de formation ;
- appropriation publique et sociale des groupes stratégiques dans les grandes filières industrielles ;
- recherche de nouvelles coopérations économiques en Europe et dans le monde.
… et tout de suite des avances monétaires pour amorcer la nouvelle logique économique
Deuxièmement, l’augmentation attendue de la création de richesses ne sera pas immédiate. Elle se manifestera progressivement car affirmer une nouvelle logique économique contre la logique du capital ne se fait pas du jour au lendemain : l’affrontement prendra plusieurs années. Et pourtant, tout de suite, il faut dépenser des centaines de milliards d’euros pour embaucher des fonctionnaires, développer les services publics, créer des emplois dans les entreprises et augmenter les salaires…
Cet article ne développe pas tout ce qu’implique, du point de vue économique, du point de vue politique et du point de vue de l’insertion de la France et de l’Europe dans l’économie mondiale, ce scénario qui commencera par une très forte impulsion d’embauches et de formations, avec les investissements correspondants, et d’expansion des services publics, et qui portera ensuite ses fruits en termes d’efficacité de l’économie et de « jours heureux » pour notre peuple : ce sera l’objet de prochaines publications.
Ce qu’on doit cependant affirmer, c’est que ce projet rend indispensable une bataille immédiate pour que la création monétaire des banques et de la BCE procure aux agents économiques – et en particulier à l’État – les avances de fonds nécessaires aux dépenses qu’il est indispensable d’engager aujourd’hui pour rendre possible les embauches, la formation des travailleurs, les investissements matériels et immatériels qui se traduiront dans un an, cinq ans, dix ans, par l’augmentation de la création de richesses, et par les recettes correspondantes. Il faut donc engager sans attendre la bataille pour prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent !
Nous proposons ainsi
- la création d’un fonds de développement économique, social et écologique géré par la Caisse des Dépôts et Consignations. Il aura pour mission de financer des projets de développement des services publics, démocratiquement élaborés, décidés, exécutés et contrôlés. Nous mènerons la bataille pour que la BCE avance à la Caisse des Dépôts les fonds nécessaires, à la place de la politique de quantitative easing (achats de titres sur le marché financier) qu’elle pratique aujourd’hui. Rappelons qu’entre février 2020 et novembre 2021 la Banque de France a acheté, pour le compte de la BCE, 290 milliards d’euros de titres de la dette publique française. Cette action sera prolongée à l’échelon européen, dans le but d’aboutir à la constitution d’un fonds européen.
- une nouvelle orientation du crédit bancaire : sous l’impulsion des conférences pour l’emploi, la formation et la transformation productive et écologique, avec l’appui d’un nouveau pôle financier public élargi par les nationalisations bancaires, et avec celui d’un fonds national et de fonds régionaux de bonification des crédits pour l’emploi et la formation, les banques seront amenées à réduire leur financement des exportations de capitaux, des délocalisations, des placements financiers ; elles donneront la priorité au financement de projets répondant à des critères précis en matière économique (création efficace de valeur ajoutée dans les territoires), sociale (développement de l’emploi, des salaires, de la formation, amélioration des conditions de travail) et écologique (économies d’énergies et de ressources naturelles). Les crédits finançant ces projets bénéficieront de taux d’autant plus réduits qu’ils seront plus efficaces en termes de créations d’emplois et de formation. Rappelons que les crédits bancaires aux entreprises ont augmenté de 163 milliards entre février 2020 et novembre 2021. La Banque de France, après avoir vérifié le potentiel de création de valeur ajouté de chaque projet, inscrira les crédits accordés pour sa réalisation parmi ceux qui bénéficieront du refinancement de la BCE au taux le plus favorable (actuellement -1 %) ;
- un plan spécial de crédits superbonifiés pour les TPE-PME qui s’engageront à maintenir et à développer l’emploi, la formation, la création de valeur ajoutée et la qualité de l’environnement. Avec une dépense annuelle de 20 milliards d’euros de fonds publics, ce dispositif pourrait mobiliser plusieurs centaines de milliards de crédits à taux nul ou négatif pour 1,6 millions de TPE ou de PME [vi].
Ces avances de fonds initiales permettraient d’opérer très vite les créations d’emplois et les actions de formation nécessaires pour mettre l’« offre » en état de satisfaire la demande accrue qui résultera de l’augmentation des salaires, de l’emploi et des services publics. Le surcroît de richesses obtenu au bout de cinq ans sera la garantie que cette création monétaire ne sera pas inflationniste, contrairement à celle que pratiquent aujourd’hui les banques et les banques centrales.
L’histoire est de nature à éclairer la nouvelle logique dont ces dispositions sont porteuses. Nous sommes dans une crise d’une profondeur inouïe, peut-être à peine comparable à celle des années 1930-1940. Or alors, au lendemain de la guerre, il avait fallu plusieurs années d’avances monétaires et de déficit public avant de trouver les voies d’un progrès plus autoentretenu.
[i] Voir l’ouvrage collectif Les retraites : un bras de fer avec le capital, Delga, Paris, 2020.
[ii] Source : INSEE, comptes nationaux.
[iii] « Un chiffre expliqué : 1,7 million de personnes dans le ‘halo autour du chômage’ », Économie&Politique, n° 802-803, juillet-août 2021.
[iv] INSEE, enquête emploi, troisième trimestre 2021.
[v] Voir Yves Dimicoli, « L’Europe au cœur des enjeux présidentiels », Économie&Politique n° 806-807, septembre-octobre 2021.
[vi] Voir Denis Durand, « Et les PME ? », Économie&Politique, n° 794-795 (septembre-octobre 2020).
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