Macron accélère ses réformes éducatives
Intervenant après des mois d’opposition d’une intersyndicale unie contre une réforme des retraites rejetée par la population et adoptée à coup de 49.3, Emmanuel Macron, le 17 avril, a lancé trois grands chantiers : le travail, auquel il lie la réforme de la voie professionnelle, la justice et l’ordre et le mieux vivre, auquel il associe la réforme de l’éducation nationale.
Evoquant le travail, le président de la République annonce : » je veux engager la réforme du lycée professionnel pour que le plus grand nombre de nos adolescents et de nos jeunes accède soit à des formations qualifiantes soit à l’emploi« .
Sur le mieux vivre : « l’éducation nationale doit renouer avec l’ambition d’être une des meilleures d’Europe. Dès la rentrée, l’Ecole va changer à vue d’œil… Les enseignants seront mieux rémunérés… et les parents verront le remplacement systématique des enseignants absents« .
« Ces trois chantiers prioritaires constituent la feuille de route du gouvernement« , ajoute E Macron. « Le 14 juillet prochain doit permettre un premier bilan. Nous avons devant nous 100 jours pour l’apaisement, l’unité et l’ambition au service de la France« .
Le président compte utiliser l’Ecole pour sortir de l’impasse sociale et politique particulièrement grave où la réforme des retraites l’a plongé. Mais ce désir rencontre une opposition syndicale unanime et particulièrement forte aux réformes présidentielles.
Une réforme rejetée par l’intersyndicale de l’éducation
En ce qui concerne la revalorisation des enseignants, les syndicats de l’enseignement FSU, Unsa Éducation, SGEN-CFDT, Snalc et Sud Education ont claqué la porte le 6 mars. » Loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, le pacte va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels« , écrivaient les organisations. « Aucune réponse n’est apportée sur la question des inégalités salariales femmes/hommes : le pacte va même aggraver ces inégalités, c’est inacceptable ! Enfin, le pacte va considérablement dégrader le fonctionnement des écoles et des EPLE« . Or le pacte est au cœur des deux promesses présidentielles. C’est l’idée de lier la revalorisation promise à du travail supplémentaire, à savoir les remplacements des professeurs absents. Pour les syndicats, ce n’est pas de la revalorisation mais un travail supplémentaire mal rémunéré au regard des propositions ministérielles.
Le 12 avril, Cgt, FO, Fsu, Sgen Cfdt, Snalc, Sud et Unsa éducation ont écrit à E Borne à propos de la revalorisation. » Les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur, et par certains aspects relèvent de la provocation. Après être revenus sur la promesse du candidat Emmanuel Macron qui s’était engagé à augmenter de 10 % sans contreparties toutes et tous les enseignant·es en janvier 2023, vous prévoyez des mesures salariales inacceptables. L’enveloppe prévue pour la partie socle est insuffisante et ne permet pas de rattraper les pertes de 15 à 25 % de pouvoir d’achat de ces dernières années. Dans le contexte alarmant d’inflation installée, votre choix politique est loin de compenser un pouvoir d’achat en berne pour tous les personnels« , écrivaient-ils. » Quant au pacte, nous réfutons le terme de revalorisation pour cet instrument qui ne répond en rien aux attentes des collègues. Loin de contribuer à la revalorisation attendue par toutes et tous, il va conduire à un alourdissement de la charge de travail des personnels, alors qu’une enquête de la DEPP a fait la lumière sur la réalité du temps de travail des enseignantes et enseignants (la moitié travaille plus de 43h par semaine) et que des chiffres de l’observatoire du bien-être confirment les conditions de travail difficiles pour la profession : la moitié des personnels est en état d’épuisement avancé« .
La voie professionnelle unie contre une réforme qui la sort de l’Ecole
Les relations du gouvernement avec les syndicats de l’enseignement professionnel ne sont pas meilleures. « Je suis profondément choquée que le président lie la réforme du lycée professionnel au Travail et à l’apprentissage« , nous dit Sigrid Gérardin, co secrétaire générale du Snuep Fsu. E Macron a créé un ministère de la formation et de l’enseignement professionnel, confié à C Grandjean, sous la responsabilité des ministres de l’Education nationale et du Travail. Le 17 avril il a nettement considéré que le lycée professionnel est inscrit au chapitre Travail et coupé du reste de l’Education nationale. C’est exactement ce que les syndicats craignent et refusent.
» Si à l’issue des groupes de travail la ministre Carole Grandjean a convenu qu’il n’y avait pas de consensus sur l’augmentation de 50 % des stages, elle ne renonce pas à tenter d’imposer une augmentation en classe de terminale. L’intersyndicale s’oppose toujours à toute semaine supplémentaire et rappelle que c’est sur la qualité des stages qu’il faut absolument travailler et non sur leur quantité« , écrivaient le 21 mars la Cgt, le Snuep Fsu, le Se Unsa, le Sgen Cfdt, le Snalc , Sud et la Cnt. » L’intersyndicale réaffirme son opposition ferme au développement de l’apprentissage à tout crin dans nos lycées professionnels et en particulier sous la forme de mixité de public qui revient à dégrader l’organisation des établissements et l’organisation pédagogique dans nos classes. Ce sont nos lycées professionnels et nos formations scolaires qui ont besoin d’un vaste plan de revalorisation !… L’intersyndicale rappelle qu’une réforme ne peut et ne doit se faire contre les personnels et contre l’intérêt des jeunes. Les lycées professionnels font partie intégrante du système éducatif du pays« . Juste après le discours d’E Macron, le 17 avril, la même intersyndicale annonce refuser de participer à la réunion prévue avec C Grandjean le 18 avril.
Pour sortir de son impasse politique et sociale, E Macron a fait le 17 avril des annonces qui ne vont pas apaiser la situation dans l’éducation. Pour détourner l’attention d’une grande violence sociale il en approfondit une autre. E Macron doit pourtant savoir que les 100 jours se sont terminés à Waterloo.
François Jarraud
L’intersyndicale écrit à E Borne
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