Les promesses de Macron, une provocation pour les enseignants
En déplacement dans l’Hérault, le chef de l’État a annoncé des augmentations de salaire pour les professeurs, conditionnées ou pas à des contreparties. Déçus, les syndicats refusent le « pacte » du gouvernement.
L’accueil a une fois de plus été très mouvementé, avec des centaines de manifestants chantant « on est là » et scandant « Macron démission » devant la mairie de Ganges, petite commune de 4 000 habitants au nord de Montpellier (Hérault). Ce jeudi 20 avril, Emmanuel Macron, accompagné du ministre de l’Éducation Pap Ndiaye, était attendu au collège Louise-Michel afin de s’entretenir avec des professeurs, élèves et parents d’élèves. C’est finalement dehors – sur des chaises installées à la hâte – que cette rencontre a eu lieu, la CGT énergie ayant coupé l’électricité de l’établissement.
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Le lundi 17 avril, lors de son allocution télévisée, le président de la République avait annoncé la couleur, promettant que l’école allait changer « à vue d’œil » dès septembre avec des enseignants « mieux rémunérés » et des élèves « davantage accompagnés ».
Des missions supplémentaires pour être mieux payé
Bigre. Les revendications des syndicats enseignants allaient-elles enfin être prises en compte ? En guise de « changement », le chef de l’État a remis sur la table le fameux « pacte » qui avait fait quitter la table des discussions à tous les syndicats enseignants.
Le président a certes annoncé une « hausse inconditionnelle » de salaire de 100 à 230 euros net mensuels pour les enseignants « à tous les niveaux de carrière » et ce « dès la rentrée ». Mais aussi une augmentation qui sera portée « jusqu’à 500 euros par mois » pour ceux qui accepteront de nouvelles missions, sur la base du volontariat. Dans la droite ligne du « travailler plus pour gagner plus » cher à Nicolas Sarkozy.
« C’est la confirmation du pacte, le projet politique d’Emmanuel Macron, avec cette idée qu’il faudrait faire des missions supplémentaires pour être mieux payés », s’indigne Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU.
« C’est même la méthode Macron, poursuit-elle. Malgré l’opposition de tous les syndicats, il maintient ce pacte. Comme il a fait avec la réforme des retraites. » La responsable syndicale dénonce une « provocation » et une réponse « hors-sol » qui ne tient pas compte de la réalité des établissements face « aux légitimes demandes de revalorisation salariale ».
Même pas 10% d’augmentation… quand 15 à 25% de pouvoir d’achat ont déjà été perdus
Pour rappel, un enseignant touche en moyenne 2 600 euros net par mois, soit moins que la moyenne des pays de l’OCDE. Surtout, les rémunérations n’ont pas suivi le coût de la vie. Ainsi, les 100 à 230 euros supplémentaires annoncés « ne vont même pas permettre d’arriver à 10 % d’augmentation alors que nous avons perdu 15 à 25 % de pouvoir d’achat ces dernières années », tacle Sophie Vénétitay, qui note au passage que la promesse de campagne d’augmenter les professeurs de 10 % au 1er janvier n’est pas tenue.
« Conditionner une revalorisation – qui n’en est pas une – à des missions supplémentaires ne fera qu’alourdir la charge de travail des enseignants, déplore Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. On leur demande toujours plus : remplacer leurs collègues absents, faire de l’orientation… On crée un système où plus personne n’a le temps d’élaborer ses cours et de faire du travail collectif. » Déjà, selon les derniers chiffres de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, publiés en octobre 2022, les enseignants déclarent travailler entre 40 et 43 heures par semaine.
« Une enveloppe globale très insuffisante »
Ces mesurettes, par ailleurs, ne s’inscrivent même pas dans un plan pluriannuel. « Les 100 euros seront très vite mangés par l’inflation », poursuit le responsable FSU. Les syndicats ont fait les comptes. Une revalorisation de 10 % du salaire des enseignants coûterait 3,9 milliards d’euros. Soit quasiment le double du 1,9 milliard annoncé par le chef de l’État. « Il faut indexer les salaires » sur l’inflation, disent en chœur les syndicats.
« L’enveloppe globale reste toujours très insuffisante, estime Jules Siran, secrétaire fédéral de SUD éducation. L’augmentation des salaires doit être inconditionnelle, avec une refonte des grilles indiciaires pour tous les personnels, pas uniquement les enseignants. »
Tous le constatent : les conditions de travail se dégradent d’année en année. Conclusion : les concours peinent à recruter des candidats et la progression de carrière ne permet plus d’attirer de nouveaux profs.
À la CGT Educ’action, on se dit vent debout contre le pacte. « C’est extrêmement inégalitaire, note Isabelle Vuillet. Comme à chaque fois, les femmes vont y perdre. Elles ont déjà bien assez de travail et ce ne sont pas elles qui feront des heures supplémentaires. »
Idem pour les professeurs des écoles et les professeurs documentalistes, qui ne seront pas concernés par le pacte. Sophie Vénétitay l’affirme avec force : « Le 1er Mai sera l’occasion de réaffirmer que nous ne voulons ni travailler plus longtemps, ni plus tout court. »
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