« Un bon moyen de romprel’isolement et la solitude en période de confinement. Et puis, il fallait faire quelque chose pour pallier le manque de masques… » Voilà comment Marion Léon caractérise la chaîne de solidarité qu’elle a mise en place avec une poignée de bénévoles, à Montauban, dès le premier jour du confinement.

En temps normal, la jeune femme est professeur de physique-chimie au collège Olympe de Gouges. Mais dès le 17 mars, celle qui est responsable aussi de Féminité sans-abri, une association qui récupère des produits d’hygiène, de beauté et des protections intimes pour les distribuer aux femmes à la rue, a voulu tenter une nouvelle expérience. Marion cochera toutes les cases de ses aspirations du moment, avant de trouver la bonne formule : aider les autres, près de chez soi, concrètement. Face au manque de masques, elle décide ainsi d’en fabriquer en tissu et de les offrir. Elle pense à ses amis soignants et travailleurs sociaux « qui vont bosser sans aucune protection », puis à tous ceux qui en ont besoin, visibles et invisibles.

Draps, nappes, t-shirts en coton

Marion a ressorti une vieille machine à coudre. Elle a appris à la manier, ces dernières années, pour confectionner de petites pochettes de toilette et de maquillage pour les femmes sans-abri. Elle a ensuite trouvé un patron sur Internet qui lui semblait être très efficace face au virus : « J’en ai choisi un qui se compose de deux couches de tissu. L’utilisateur glisse entre les deux épaisseurs « un mouchoir, une compresse ou encore mieux, une lingette dépoussiérante électrostatique qui, selon les spécialistes, se rapproche le plus du masque chirurgical », explique la professeur de physique-chimie. Du coup, elle a partagé ses trouvailles.

Très vite amis, collègues, voisins… de Montauban et des communes environnantes ont répondu à l’appel et se sont organisés. Un groupe Facebook baptisé « Des masques pour Montauban » est créé, ainsi qu’une association. En trois semaines, une quarantaine de couturières bénévoles ont rejoint le groupe. Et pas moins de 3 000 masques sont déjà confectionnés et livrés.

Loin de s’arrêter, au fil du confinement, cette armée de petites mains s’est étoffée. « Toutes les couturières sont bénévoles et travaillent de chez elles. Un petit groupe s’occupe de la collecte des tissus, de leur distribution chez les couturières et de la récupération des masques cousus pour leur livraison définitive aux soignants, caissières, artisans, ambulanciers, seniors et particuliers. Généralement, les hommes se transforment en livreurs… » Et Marion d’ajouter, non sans humour : « Mon logement s’est transformé en grand entrepôt de logistique depuis le début du confinement. »

Grâce aux appels aux dons fructueux, le collectif ne manque pas encore de draps, de nappes et de t-shirts en coton pour la matière première. « On a reçu beaucoup de tissus du Secours populaire et d’Emmaüs. Des commerçants et grossistes locaux nous ont également soutenus. En contrepartie des masques, comme ne veut pas un centime d’euro, certains nous donnent du fil à coudre, des aiguilles ou des morceaux de tissus neufs ou usagers. S’ils veulent , absolument, faire un don en argent, on les oriente vers les associations caritatives », indique la responsable.

10 000 masques confectionnés en 41 jours

Au 41e jour de confinement, le dimanche 26 avril, le groupe franchissait la barre des 70 couturières et des 10 000 masques confectionnés. Marion s’est alors amusée à faire quelques petits calculs : « Si on les met côte à côte, cela représente 2 kilomètres. Tous ces masques représentent aussi 2 500 heures de travail, 120 kilomètres de traphilo, des kilomètres et des kilomètres de fil, 170 kg de tissus… Mais surtout, surtout, beaucoup de générosité et de solidarité. On est des fourmis, on est efficaces », lance la jeune femme.

À une moyenne de 250 équipements par jour, l’incroyable chaîne « Des masques pur Montauban » se poursuit et file désormais vers le cap des 15 000 qui pourrait être atteint le 11 mai.

Un autre jour J, celui du grand déconfinement.