En 2002, Christian Morel publiait chez Gallimard un livre fort intéressant intitulé «les décisions absurdes ». Il y décrivait avec de nombreux exemples comment, quand on s’engage dans une erreur, on peut renforcer cette erreur et même la conduire jusqu’à son terme, jusqu’à la catastrophe. Les processus en sont à la fois simples et multiples.
- S’entourer de conseillers qui ont tous la même formation, le même cursus, la même « expertise ».
- Evaluer les résultats à l’aide d’indicateurs qui mesurent tous la même chose.
- Considérer que l’objectif fixé est le bon sans avoir vérifié sa pertinence, et donc sans considérer d’autres objectifs qui seraient plus adaptés à l’enjeu auquel on veut répondre.
…
Autant de raisons parmi d’autres de persister dans une erreur sans qu’aucune alerte n’annonce le crash final, pourtant inéluctable.
Emmanuel Macron pilote notre navire à vue, sûr de lui, renforcé par un conseil scientifique dont les membres semblent avoir été clonés sur la même souche, et rassuré par des indicateurs qu’il a lui-même définis.
Bien sûr on pourrait dire que puisque tous les gouvernements du monde ont pris, peu ou prou, les mêmes décisions, il y a peu de risque qu’ils se trompent. Pourtant en 2005, toutes les forces politiques (ou presque), tous les médias avaient annoncé une victoire écrasante du oui au référendum pour le traité constitutionnel européen. Libération, alors dirigé par Serge July, s’était fortement engagé pour le oui, mais une fois l’hébétude de nos dirigeants en partie dissipée, un journaliste de ce journal avait tenté une explication qu’on pourrait aujourd’hui interpréter de cette façon : Libération annonce un scoop sans avoir eu le temps de le vérifier, pour ne pas être en reste, France Info reprend l’idée, suivi par le Monde, puis Ouest-France, le Parisien, BFM, Arte journal et tous les autres. Et quand le journaliste de Libé entend son information reprise partout, il se dit qu’il avait finalement raison puisque tous les autres avaient entendu la même chose.
On peut parier sans trop de risque que la décision de traiter l’épidémie de COVID a été prise de cette façon dans les salons des sommets de chefs d’états. Avec le succès que l’on sait. On ne saura peut-être jamais si d’autres méthodes auraient été plus efficaces puisqu’elles n’ont pas été envisagées. Quand on a raison, on ne peut pas avoir tort.
Deux chefs d’états, et pas des moindres, le Brésil et les Etats Unis d’Amérique, ont pourtant fait bande à part. Ce n’est en ne décidant rien qu’ils pensaient résoudre la crise, et ils le claironnaient partout. Abandonnant leurs responsabilités pour s’en remettre à un ordre naturel supérieur. La situation de ces pays est maintenant la pire.
Nos communes et nos territoires sont aujourd’hui dans une situation économique et sociale désastreuse. En partie à cause de l’épidémie et de la façon dont on a voulu la traiter, en partie à cause de renoncements accumulés depuis des lustres en matière de services publics, d’intérêt général et d’ambition pour le développement local. Maires et présidents de collectivités s’agitent comme ils peuvent pour sauver ce qui peut encore l’être, avec les moyens qui leur restent, en faveur des commerçants, des entreprises et des acteurs associatifs.
Moissac fait cependant figure d’exception. Son maire, Romain Lopez, petit Jair Bolsonaro des bords du Tarn, s’en remet à une providence supra-locale en ce qui concerne l’avenir de ses administrés et préfère ramasser les poubelles, tancer les méchants étrangers et s’emporter contre une opposition municipale qu’il a pourtant privée de ses droits. Le tout sous les flashes et les caméras.
En prenant des décisions, surtout maladroitement, on court le risque de se tromper. Mais à ne rien décider du tout, même en criant plus fort que tout le monde, on n’a aucune chance d’éviter la sortie de route.
Marcel Duvel
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.