« Pour les plus pauvres, un horizon bouché » : trois chiffres pour comprendre le dernier baromètre du Secours Populaire français

 

Les Français ont de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts. C’est ce qui ressort de la 18e édition du baromètre Ipsos/Secours populaire sur la pauvreté et la précarité en France, publié ce 12 septembre.

« Nous avons l’impression que, année après année, depuis que nous avons commencé ces sondages en 1988, la situation s’aggrave. À cet égard, les chiffres sont conformes à ce que nous voyons dans nos 1 500 lieux d’accueil à travers tout le territoire. Contrairement à certains discours officiels, aucun indicateur ne s’améliore dans la façon dont les personnes perçoivent leurs conditions de vie », constate Henriette Steinberg, secrétaire générale de l’organisation.

La pauvreté en hausse de 4 % sur un an

Signe de cette dégradation, 62 % des quelque 1 000 personnes interrogées mi-mai pour ce sondage affirment avoir connu, ou avoir été sur le point de connaître, une situation de pauvreté, soit 4 % de plus qu’en 2023. Ils sont aussi toujours 16 % à vivre à découvert, un chiffre en légère baisse sur un an.

Il concerne surtout les catégories populaires : 44 % de ménages vivent avec moins de 1 200 euros par mois et 31 % des ouvriers sont dans ce cas. Autre indicateur de la prééminence de la sensation de perte de niveau de vie, le revenu subjectif au-dessous duquel les Français jugent être pauvres est désormais équivalant au Smic, aux alentours de 1 396 euros, soit 200 euros de plus que le seuil de pauvreté fixé par l’Insee.

Il est vrai que, après trois années de reprise de l’inflation, il devient pour beaucoup difficile de faire face à des postes de dépenses même essentiels. Ainsi, 38 % des sondés peinent à payer leur logement, un chiffre record et en hausse de 6 points par rapport à 2023.

Ils sont aussi 47 % (+ 2 points) à être dépassés face aux charges d’énergies. « On le voit bien dans nos permanences. La part du revenu qui va au logement dans son ensemble, loyer et charges, augmente. Des personnes nous disent qu’elles sont obligées de baisser ou même de couper le chauffage parce qu’elles ne peuvent plus payer », observe Henriette Steinberg.

15 % des sondés sautent « régulièrement » un repas

Même se nourrir peut être un casse-tête. Ainsi, 48 % des sondés affirment qu’il leur arrive de ne pas faire trois repas par jour, dont 15 % pour qui c’est le cas « régulièrement ». « Sur la question alimentaire, il n’y a aucune amélioration, commente la présidente du SPF. Quand un enfant nous explique ne pas se resservir de peur qu’il n’y ait plus rien pour sa mère, c’est vraiment parlant. »

L’accès à la santé n’est pas épargné : 43 % des personnes interrogées indiquent avoir du mal à payer certains frais médicaux mal remboursés par la Sécurité sociale, comme les lunettes ou les soins dentaires, et 29 % (+ 3 points sur un an) rencontrent des difficultés pour payer une mutuelle. Les sondés sont aussi 45 % à être à la peine face aux dépenses pour leurs enfants, qu’il s’agisse des frais liés à la scolarité, des vêtements ou même de la cantine.

Dans ces conditions, sans surprise, nombre de Français sont contraints de sacrifier leurs dépenses plaisir. Ainsi, 48 % des personnes interrogées déclarent avoir du mal à partir en vacances, même une fois par an, un chiffre en hausse de 2 points par rapport à 2023 et qui atteint un niveau record ; 33 % (+ 3 points) peinent à pratiquer une activité sportive ou culturelle et 31 % à dépenser pour soigner leur apparence.

79 % des interrogés pensent que leurs enfants ont des risques plus élevés qu’eux de connaître une situation de pauvreté

Au-delà des difficultés du quotidien, le baromètre du SPF montre le pessimisme ambiant. « L’inquiétude exprimée est encore plus forte en ce qui concerne l’avenir et celui des prochaines générations », souligne la secrétaire générale. Cela se traduit dans les faits : 79 % des interrogés pensent que leurs enfants ont des risques plus élevés qu’eux de connaître une situation de pauvreté.

Cette peur de l’avenir est alimentée par un discours politique hostile aux personnes en difficulté et par les attaques répétées contre les aides existantes. « Les populations aidées ont la sensation que leur situation va empirer et qu’elles vont être soumises à un contrôle de plus en plus étroit. De plus en plus de gens ont peur de basculer », dénonce Henriette Steinberg.

En cause, notamment, la décision de conditionner l’accès au RSA à des heures de bénévolat, mais aussi le retrait progressif des services publics, tant nationaux que locaux. « Je ne comprends pas qu’on puisse penser que la solution soit de demander aux personnes déjà en difficulté d’en faire plus, s’agace la présidente. Ce qu’elle voudrait, c’est un changement de réaction des pouvoirs publics face à la dégradation des chiffres du baromètre SPF. « Nier la réalité, dit-elle, n’a jamais été une façon d’y faire face. »


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