Mort de Tonton David, chanteur d’espoirs in L’Humanité

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Notre hommage au pionnier disparu du reggae made in France. À la Fête de l’Huma, en 2000, Tonton David avait déroulé son groove conscient et ondulant.

Depuis l’annonce, mardi, du décès de Tonton David, l’émotion frissonne sur les réseaux sociaux, bien au-delà des cercles du reggae. Le cool man réunionnais nous a quittés le 16 février à Metz, à l’âge de 53 ans, avec cette discrétion que le caractérisait, sans frime ni frasque. Ses enfants n’ont pas divulgué la raison de sa disparition, mais certaines sources indiquent qu’il serait mort « des suites d’un AVC survenu à la descente d’un train ».

Lancé en orbite par Le blues des racailles en 1990, David Grammont (tel est son patronyme) s’est imposé par la profonde humanité qui anime ses chansons et par un flow qui traîne un peu comme on traîne sa peine. Depuis plusieurs années déjà, on l’avait repéré dans les sound systems de l’underground. Il portait en lui une mélancolie qu’il planquait derrière son sourire et son plaisir de chanter. En 2000, peu avant son concert à la Fête de l’Humanité, il m’avait confié que la célébrité lui pesait : « Chanter, pour moi, ce n’est pas courir après les paillettes, mais transcender mes inquiétudes sans les trahir, c’est les exprimer avec pudeur, sans larmoyer, c’est partager avec « le peuple du blues » mes craintes et mes espoirs ».

« Magnifique représentant de la scène underground »

Pierpoljak, Nuttea, Princess Erika, Omar Sy et bien d’autres figures de la culture expriment leur chagrin. Sans oublier Danakil, groupe phare du reggae actuel, qui nous communique cette déclaration au nom du crew : « Tonton David nous a quittés ! Il a été notre premier grand featuring en live, à l’époque où nous étions à peine sortis de l’adolescence. En 2008, nous étions ensemble sur la scène de Marly-le-Roi pour la sortie de l’album Dialogue de sourds. Tonton David a ouvert la voie à toute une génération de reggaeman et a tiré le mouvement vers le haut, en produisant des chansons qui resteront dans les mémoires du plus grand nombre. Il était également un magnifique représentant de la scène underground. Malgré ses hits, il continuait à écumer les scènes des sound systems aux quatre coins de la France. On a d’immenses pensées pour lui en ce jour, ainsi que pour sa famille, ses proches, ses fans. More love, more life… »

Icon Quote La Fête de l’Huma offre, à Princess Erika et moi, l’opportunité de nous produire ensemble sur scène pour la première fois !

Dans le Parc de la Courneuve, le16 septembre 2000, la grande scène de la Fête de l’Humanité vibre au son du reggae. Tonton a invité des camarades, Chris (du tandem Native), le chanteur R’n’B Hasheem, le chanteur belge Marka, Nina Morato, Princess Erika… « Rien que des rencontres inédites », insiste-t-il. Et, en particulier, plusieurs artistes femmes. « Je tiens à braquer les feux sur elles, car les filles sont, à talent égal avec leurs homologues masculins, injustement traitées, elles sont moins médiatisées, moins soutenues dans leur art ». A la Fête de l’Huma, il reprend son hymne à l’égalité, Pour tout le monde pareil, avec Princess Erika : « Le soleil brille pour tout le monde pareil / Et l’air n’est pas rationné / Danse, saute, jeune fille, prends ton pied / Personne ne peut t’interdire de danser ». Il a fait connaissance avec l’auteure de Trop de bla bla à la fin de la décennie 1980, au High Fight International. En cette soirée de septembre, peu avant de fouler la grande scène, il nous précise, avec une lueur de joie dans le regard : « Vous ne le savez peut-être pas, mais c’est la Fête de l’Huma qui nous offre l’opportunité, à Erika et moi, de nous produire ensemble sur scène pour la première fois ! »

Quant à Princess Erika, elle souligne : « Le superbe thème de Peuples du monde, a émergé alors que la scène du reggae français n’était pas encore connue du grand public. David a l’art de trouver le petit mot qui touche directement l’auditeur. Je me reconnais en lui. J’aime bien faire des choses simples ».

« La conscience engagée de toute une génération »

Alexandre Grondeau, maître de conférences Aix-Marseille Université, fondateur de www.reggae.fr, renchérit : « Tonton David a marqué de son empreinte artistique toute l’histoire du reggae français, mais plus largement celle de la chanson française. Il a représenté en France l’affirmation de la culture musicale urbaine à une époque où le rap et le reggae, deux musiques engagées, avançaient ensemble main dans la main. Dans toutes les cités et les quartiers de France, Peuple du Monde s’est imposé comme un hymne disant aux jeunes qu’ils ne devaient plus considérer la pauvreté et la répression policière comme des fatalités. Tonton David illustre cette prise de conscience engagée de toute une génération. Il est synonyme de ce formidable appel d’air qui allait mettre sur le devant de la scène les enfants de l’immigration et de la colonisation tout autant que ceux des classes populaires. La musique française ne serait ainsi plus jamais la même ». Le 28 février prochain, le site www.reggae.fr remettra à titre posthume à Tonton David une Victoire lors des Victoires qu’il organise.

Un dossier spécial est consacré à Tonton David avec des extraits d’interviews exclusifs.

Nous dédions cet hommage, ainsi que nos sincères condoléances, à la famille de Tonton David, à son équipe, à son public.


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