Régionales 2021. Tour d’horizon des slogans… ou l’art (abstrait) de nommer sa liste

Les slogans et intitulés retenus pour identifier les listes des élections des 20 et 27 juin en disent long sur un scrutin peu lisible où les signatures politiques restent floues.

Certains veulent « la Région, partout et pour tous ». « Construisons la région de demain », enjoignent les autres. D’autres encore rêvent de « l’Alternative » ou d’« Un nouveau souffle ». Qui dit campagne électorale dit foire aux slogans. Car si la politique est affaire de convictions, de programme, de passion militante, elle est aussi une machinerie publicitaire. Une science en soi.

Le synthétisme, tout un programme

« Un bon slogan doit être à la fois assez marquant pour qu’on le retienne, assez pertinent pour porter un programme de manière synthétique, mais ne doit pas succomber à l’appauvrissement de la pensée. Tout ça en peu de caractères », résume la sémiologue Élodie Mielczareck.

Les listes pour les élections régionales des 20 et 27 juin, désormais bouclées, ont un nom. Et ce n’est pas rien : c’est lui qui figure sur les affiches, les tracts et les bulletins de vote. C’est lui, aussi, qui fait office de slogan de campagne et doit donner une clé de lecture du scrutin à l’électeur. Ce qui, dans une campagne sans meeting ou presque, en fait un élément d’identification important.

Le règne du générique

Alors que dire des slogans de cette cuvée électorale 2021 ? Un grand absent : les partis politiques. Affaiblis et impopulaires dans les enquêtes d’opinion, ceux-ci se font tout petits. Surtout si l’on ajoute les listes d’union, qui interdisent toute référence à un parti plutôt qu’à un autre. Rare contre-exemple parmi les principaux partis, la liste « Bretagne insoumise ».

« Envie d’Île-de-France » (LaREM) ressemble davantage à une brochure d’office du tourisme ou à un tube de Peter et Sloane qu’à un marqueur politique.

Pour les autres, c’est le règne du générique, comme en témoignent les slogans cités plus hauts, et pour lesquels nous avons volontairement omis de préciser l’étiquette politique.

Dans ce festival du flou, on peut citer « la Région par cœur » (PS-PCF, en Bourgogne-Franche-Comté), l’étonnamment sobre « Rassembler l’Occitanie » (RN) ou l’improbable « Envie d’Île-de-France » (LaREM), qui ressemble davantage à une brochure d’office du tourisme ou à un tube de Peter et Sloane qu’à un marqueur politique. Ou encore « Plus forts ensemble », si abscons qu’il est à la fois le slogan des socialistes dans le Centre-Val de Loire et celui des « Républicains » dans le Grand-Est.

LaREM et ses références dépolitisées

« Ces slogans sont dans leur ensemble symptomatiques du moment : ils ne renvoient plus à une signature politique ou à une vision du monde, juge Élodie Mielczareck. Leur vacuité porte en creux la défaite des idées, la manière dont elles sont devenues interchangeables entre les partis. »

Ce flou entretenu est particulièrement visible chez les marcheurs et leurs alliés, qui se contentent de références dépolitisées à l’idée abstraite de progrès : « Ensemble le meilleur est avenir » au Centre-Val de Loire ou « la Région de tous les progrès » dans les Pays de la Loire. Le Parti socialiste n’est pas en reste avec l’alambiqué « les Talents de nos territoires, l’union de nos énergies » (Nouvelle-Aquitaine) ou le passe-partout « la Normandie nous rassemble ».

Icon Quote Plus un mot est utilisé, plus il est dénaturé et perd de sa charge sémantique. Élodie Mielczareck Sémiologue

Les mots « ensemble » ou « rassembler » reviennent d’ailleurs le plus dans les slogans, ignorant les frontières partisanes : « Ensemble pour notre région » (PCF-FI, en Auvergne-Rhône-Alpes), « l’Écologie ensemble » (EELV, dans les Pays de la Loire), « Ensemble faisons gagner nos territoires » (LR, en Centre-Val de Loire). Ironique à l’heure où le paysage politique n’avait jamais été autant éparpillé façon puzzle. « Plus un mot est utilisé, plus il est dénaturé et perd de sa charge sémantique », ajoute Élodie Mielczareck.

EELV, l’écologie en vert et… partout

D’autres partis en revanche ont fait le choix de résumer leur candidature à un motif relativement concret. Les Verts brandissent sans surprise le totem « écologie » dans tous leurs slogans, comme « l’Écologie évidemment ! », la liste de Julien Bayou en Île-de-France. « On voulait l’idée de l’urgence, la force de l’évidence, puisqu’on entre dans la décennie où il faut agir, tout de suite. Et il y a aussi l’idée que c’est l’écologie par les écologistes, et que nous parlons d’écologie tout le temps », précise-t-on dans son équipe de campagne.

La liste FI-PCF a préféré « Pouvoir vivre en Île-de-France » : « Il fallait que le slogan propose une rupture par rapport au coût de la vie et du logement, au temps passé dans les transports, aux inégalités qui abîment la vie », raconte la communiste Céline Malaisé.

Vocabulaire guerrier et malhonnêteté

Chez LR, le vocabulaire guerrier est plébiscité : « la Région de toutes ses forces » pour Laurent Wauquiez, « Pour vous, de toutes mes forces » pour Valérie Pécresse, « Se battre pour vous » pour Xavier Bertrand.

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Quant au RN, il décline, dans la plupart des régions, un slogan unique : « la Région qui vous protège », parfois agrémenté d’un « Français, réveillez-vous ! ». Un choix aussi malin qu’il est malhonnête, puisqu’il ancre le slogan dans quelque chose de concret pour l’électeur – se sentir en sécurité – tout en faisant semblant d’ignorer que la sécurité n’est pas une compétence directe des régions.

« On est là ! »

Dernière tendance des slogans 2021 : ne pas trop mettre en avant le nom des nouvelles régions, auxquelles les électeurs ne se sentent pas attachés.

Ainsi, la liste FI-NPA avait pensé à « Nouvelle-Aquitaine populaire », avant de se raviser. « On s’est dit que pour les gens du Limousin ou du Poitou, ça ne voulait rien dire », glisse-t-on en interne, où l’on a finalement opté pour « On est là ! », référence à un des cris de ralliement des gilets jaunes.

Double problème démocratique

« Il y a un double problème de fond sur l’identification, reprend Élodie Mielczareck. Un problème d’identité à l’intérieur des partis, et un problème d’identification à la région à laquelle les électeurs s’imaginent appartenir. » Et donc un double problème démocratique.

Exception faite des régions historiques comme la Bretagne et la Normandie. Les noms des listes, tous courants confondus, qui concourent dans ces régions y font toujours référence. Mais comme en témoigne la liste « Vivre la Normandie » du sortant Hervé Morin, cela ne rend pas forcément les slogans beaucoup plus clairs…

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