Un conducteur de 17 ans a été tué, mardi 27 juin, par le tir d’un agent dans le cadre d’un refus d’obtempérer. Une vidéo semble démontrer que le coup de feu ne se justifiait pas. Plusieurs enquêtes sont ouvertes.
«Il est mort, wesh ! C’est fini… » Ce sont les derniers mots qu’on peut entendre sur la vidéo qui circule, depuis ce mardi 27 juin, à la suite du tir mortel d’un policier de la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) sur un mineur de 17 ans, au volant d’une Mercedes jaune, à Nanterre (Hauts-de-Seine). L’adolescent est mort quelques instants après.
Au début de la scène, filmée par une jeune fille se trouvant aux abords de la station de RER « Nanterre-Préfecture », on observe deux policiers casqués appuyés contre la portière gauche du véhicule. L’un deux tient en joue le jeune conducteur.
« Je te mets une balle dans la tête ! » entend-on crier. La voiture démarre, laissant tout de même le temps à un des deux agents de donner un coup au jeune homme à travers la fenêtre et, à l’autre, de lui tirer à bout portant une balle dans le thorax. On le voit ensuite se diriger sans précipitation vers sa moto, donnant l’impression d’avoir agi de sang-froid. Le véhicule jaune, lui, est rapidement venu percuter un panneau de signalisation, quelques mètres plus loin, sur la place Nelson-Mandela.
Une forme de « peine de mort »
Trois personnes étaient à bord de la voiture, a précisé le parquet de Nanterre. « Le décès de l’une d’elles (…) connue des services de la justice, notamment pour refus d’obtempérer, a été constaté à 9 h 15 ,à la suite d’au moins une blessure par arme à feu », a-t-il complété, indiquant qu’un des adolescents avait pris la fuite et qu’un autre se trouvait en garde à vue. Une enquête pour refus d’obtempérer et tentative d’homicide volontaire sur personne dépositaire de l’autorité publique a été confiée au commissariat de Nanterre et à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine.
Les réactions se sont multipliées sur les réseaux sociaux, fustigeant le comportement du duo de motards, accusés de rétablir une forme de « peine de mort ». Le Code pénal indique que « le fait, pour tout conducteur, d’omettre d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou agent chargé de constater les infractions (…) est puni de trois mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende » et que si « les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures (…) ils sont punis de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ». Mais, depuis quelques années, il semble que les policiers soient de plus en plus nombreux à préférer ouvrir le feu dans ce genre de circonstances.
Des agents soutenus par leurs syndicats
En France, les tirs sur véhicule en mouvement représentent, chaque année, environ 60 % des usages d’arme à feu effectués par la police. « Si on commence à dire aux policiers qu’ils peuvent tirer sur une voiture en fuite, nous aurons plus de coups de feu, plus de blessés et plus de condamnations de policiers », déclarait l’avocat Laurent-Franck Liénard, en 2017, au moment où a été promulguée la réforme du Code de la sécurité intérieure. Il ne s’est trompé que sur le dernier aspect de sa déclaration. Le nombre de tirs de policiers sur des véhicules roulant a effectivement augmenté de 47 % en 2017 et, en 2022, 13 personnes ont perdu la vie, tuées par l’un d’entre eux. Or, dans 8 de ces affaires, les policiers ont été libérés sans aucune poursuite. Le plus souvent, ils disent avoir agi dans le cadre de la légitime défense.
Une rhétorique utilisée une fois encore par les policiers, ce mardi matin, déclarant avoir « tenté d’arrêter le conducteur, qui a refusé d’obtempérer et a alors foncé sur un policier, qui a tiré avec son arme, après quoi le véhicule s’est encastré dans un poteau ». Ils ont rapidement été soutenus par leurs syndicats.
Un représentant d’Alternative Police a, par exemple, tenté de justifier le tir de son collègue en affirmant d’abord, à propos du jeune tué : « Il était très défavorablement connu des services de police. » Ajoutant ensuite : « Le refus d’obtempérer met en péril la vie des policiers et de la population. »
Mais, cette fois, la vidéo, vue plusieurs centaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, contredit de fait la version policière. À aucun moment, aucun des deux agents ne s’est trouvé en danger de mort. « Les policiers sont auditionnés par les services de la justice », a d’ailleurs annoncé, dans l’après-midi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin devant les députés qualifiant d’ « extrêmement choquantes » les images de cette vidéo, ajoutant que « deux enquêtes ont été confiées à l’IGPN ».
« On veut la vérité, on veut toute la vérité et on la veut vite, a insisté le maire DVG de Nanterre, Patrick Jarry. Les images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux sont accablantes. (…) Si des gens doivent être condamnés, qu’ils le soient. »
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