La cure d’austérité proposée par François Bayrou ciblait les patients chroniques. Les remboursements à 100 % sont ainsi dénoncés comme abusifs et devraient, selon le pouvoir macroniste, être plus strictement encadrés.

© Patrick ALLARD/REA
Supprimer le remboursement du suivi de cancers dits « guéris » est inquiétant. Le contrôle régulier est essentiel pour détecter tôt une rechute.
Olivier Cussenot, Chirurgien urologue, président de l’Association nationale des patients malades du cancer de la prostate
Alors que l’assurance-maladie réfléchit à une sortie du dispositif ALD (affection de longue durée et remboursement à 100 %) des « cancers en phase de rémission », il faut rappeler qu’adapter notre système de santé au contexte socio-économique, ce n’est pas rogner les remboursements des maladies graves : c’est repenser en profondeur comment assurer la protection sociale pour les maladies de longue durée, comme le cancer.
Depuis plus de vingt ans, le remboursement des soins repose sur la tarification à l’acte (T2A) : chaque consultation, examen ou intervention correspond à un paiement par l’assurance-maladie directement au fournisseur de soins ou au patient pour le rembourser. Pensée à l’origine comme un outil vertueux, elle est maintenant touchée par la malédiction d’Erysichthon (qui se mange lui-même).
En encourageant les actes, il a encouragé des stratégies de facturation parfois déconnectées des besoins réels et est, de façon schizophrène, en totale opposition avec la rationalisation des dépenses de santé. Cette course à l’activité a eu des conséquences. Les structures de soins ont été incitées à augmenter leur volume d’actes pour équilibrer leur budget, tout en subissant des coupes de moyens et de personnel. Une contradiction qui a épuisé les équipes soignantes, fragilisé la qualité des soins, incité les dépassements d’honoraires et réduit drastiquement le temps consacré aux humanités médicales.
Face à cette situation, certaines mesures proposées – comme supprimer le remboursement du suivi de cancers dits « guéris » – sont inquiétantes, médicalement parlant. En effet, même après dix ans de rémission, le patient reste exposé à un risque de récidive. Le suivi régulier est essentiel pour détecter tôt une possible rechute et ainsi éviter des traitements plus lourds et handicapants, plus coûteux in fine pour la société, et pour préserver l’espérance de vie.
De plus, les traitements du cancer peuvent fragiliser d’autres organes et favoriser, parfois vingt ans plus tard, l’apparition d’un nouveau cancer, et il faut se donner les moyens de les dépister à temps. Suspendre le remboursement de ces suivis va totalement à l’encontre des campagnes salutaires de prévention, remboursées et prônées actuellement. Car le risque de développer une nouvelle pathologie est toujours plus élevé chez quelqu’un qui a déjà été fragilisé par une première maladie. Ne plus rembourser à 100 % les maladies graves fera basculer les plus sensibles à la récession économique vers l’abandon médical.
La vraie réforme à mener ne consiste pas à réduire les remboursements de-ci, de-là en posant des rustines, de plus mal collées, mais à réinventer la T2A ou à la mixer avec d’autres modalités de remboursement. L’enjeu est de financer les soins vitaux en fonction des parcours socio-médicaux des patients, mais aussi de savoir rémunérer la qualité et non la quantité. C’est à cette condition que notre système pourra rester un modèle phare de la protection sociale.
La taxation-culpabilisation voudrait en finir avec notre Sécurité sociale. En alternative, nous proposons une loi de programmation de la santé.
Catherine Mills, Maîtresse de conférences honoraire en économie, codirectrice de la revue Économie & Politique
Le doublement des franchises médicales de 50 à 100 euros par an, celui de la franchise par boîte de médicament de 1 à 2 euros et le resserrement des affections de longue durée par la réduction de la prise en charge à 100 % aux soins et médicaments strictement liés à la pathologie pousseront les malades précaires à renoncer aux soins. Les déremboursements sont un risque de perte de chance.
La diminution des droits des malades chroniques sera une double peine. Cela aggravera le chaos sanitaire. Moins de moyens face à des besoins croissants ! Alors que les soignants attendent des soutiens (revalorisation salariale et meilleures conditions de travail) pour redonner du sens à leur travail, on instaure le rationnement des soins. La taxation-culpabilisation des malades aggravera les inégalités. Le prélèvement des franchises par les soignants mettra en cause le tiers payant, pilier de notre système de santé, transformant les soignants et les pharmaciens en percepteurs.
Ce plan destructeur, prétendant s’attaquer à la dette publique, fragilisera davantage le système de santé en tension. Il se heurte à une forte mobilisation. Il faut construire un plan alternatif. Nous proposons une loi de programmation de la santé, avec un engagement pluriannuel pour sécuriser son budget, accompagner sa transformation progressiste par une réforme de progrès et d’efficacité de son financement, au lieu d’accroître le reste à charge des ménages.
Développer la prévention réduirait les coûts à long terme. Il faut résorber les déserts médicaux et sortir l’hôpital et la médecine de ville de la catastrophe dans laquelle les pouvoirs publics les ont plongés. Une réforme progressiste de notre système de santé doit se combiner avec une autre façon de réduire la dette et une réforme. Nous visons le 100 % santé Sécurité sociale, au lieu des assurances complémentaires coûteuses et inégalitaires.
Nous proposons un pôle public du médicament, vaccins et dispositifs médicaux, de la recherche à la fabrication et à la distribution, avec des laboratoires publics et de nouveaux critères de gestion de ces entreprises. La santé, droit humain fondamental, est un bien public commun mondial. Il faut sortir le médicament de l’emprise des groupes monopolistes pharmaceutiques, de la marchandisation et de la financiarisation, avec une maîtrise sociale de la politique de santé.
L’insuffisance du financement est au cœur des déficits de la Sécu. Nous proposons une modulation des taux des cotisations sociales des entreprises, augmentant le niveau global des cotisations. Plus de chômage, d’emplois précaires, de bas salaires, c’est moins de recettes pour la Sécurité sociale, plus de coûts sociaux. Les entreprises qui réduisent les emplois et les salaires, abusent des emplois précaires, seraient soumises à des taux de cotisation plus élevés. Il faut supprimer les exonérations de cotisations patronales (plus de 80 milliards). Appliquer aux revenus financiers des entreprises (555 milliards) le taux de cotisation maladie patronal de 13 % ferait rentrer 72 milliards d’euros.
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