Mise à jour le 6 décembre 2021). Il y a tout juste 35 ans, dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine, âgé de 22 ans, meurt sous les coups des policiers voltigeurs, en marge des défilés. Depuis le 25 novembre 1986, étudiants et lycéens manifestent contre le projet Devaquet. La situation bascule alors. Le projet de loi est retiré.
En novembre 1986, toute une génération étudiante et lycéenne se met en mouvement pour obtenir le retrait du projet Devaquet du nom du ministre délégué chargé de l’Enseignement supérieur. Elle obtient gain de cause après une mobilisation extraordinaire aux formes originales. Une mobilisation qui doit aussi faire face à la répression qui aboutit à la mort de Malik Oussekine
Depuis le printemps, nous sommes entrés dans une période inédite de cohabitation. Jacques Chirac est devenu sur une ligne très réactionnaire le premier ministre de François Mitterrand. Sa politique dans le domaine universitaire est inspirée par les milieux les plus conservateurs de la droite française. Mais, au même moment, de premières mobilisations, souvent animées par des militants de l’Unef, ont lieu en province. Pendant l’été, le projet de loi est déposé par le gouvernement. Il prévoit notamment l’autonomie des universités, la remise en cause des diplômes nationaux, l’augmentation des droits d’inscription et une sélection renforcée à l’entrée en licence. Les syndicats étudiants alertent dès la rentrée sur la nocivité du projet. Pour l’Unef, proche des communistes, il s’agit de combattre sa matérialisation, qui n’a pas attendu le vote de la loi, d’où l’insistance du syndicat sur le budget plus que sur le retrait. Pour l’Unef ID, proche des socialistes depuis que la majorité de sa direction est passée du lambertisme au Parti socialiste quelques mois auparavant, il s’agit de démonter la logique du projet et d’obtenir le retrait de ses aspects les plus négatifs. Pourtant, le mot d’ordre de retrait total s’impose. Les universités de Caen et de Paris-XIII Villetaneuse votent la grève sous l’impulsion des tendances minoritaires de l’Unef ID (LCR et SOS Racisme).
Mais, très vite, les organisations étudiantes ne peuvent plus diriger le mouvement. Ce sont les assemblées générales quotidiennes qui donnent ses caractéristiques à la mobilisation. Elles élisent des délégués, qui se réunissent en coordination nationale. Celle-ci fixe les journées nationales de mobilisation et appelle à la généralisation de la grève. Le 27 novembre a lieu la première grande manifestation, qui rassemble des centaines de milliers d’étudiants et lycéens. Les cortèges sont joyeux, inventifs dans leur forme. Il y a aussi une grande méfiance à l’égard des organisations politiques et syndicales. Les étudiants en grève se veulent, dans un premier temps, « apolitiques ». Cette absence de références partisanes explique aussi la sympathie majoritaire que reçoit le mouvement dans l’opinion publique. Face à cette mobilisation, le gouvernement est dans l’obligation de recevoir les délégués de la coordination nationale, d’évoquer la possibilité de revenir sur certains points litigieux. Il s’agit pour lui de diviser comme il le fait en recevant au même titre des étudiants « non grévistes ». Mais il ne fait pas que diviser et la répression s’abat le 4 décembre 1986 au soir de la seconde grande manifestation – d’un million de participants disions-nous. Le lendemain, la Sorbonne occupée est évacuée, des manifestations ont lieu dans le Quartier latin et c’est dans la nuit du 5 au 6 décembre que Malik Oussekine meurt sous les coups de policiers voltigeurs.
Le 8 décembre, Jacques Chirac, alors premier ministre, annonce le retrait du projet de loi
La situation bascule alors. Les étudiants font la découverte de la violence d’État et connaissent un processus de politisation accélérée, les organisations syndicales salariées se mettent en mouvement sur la base de la solidarité. Tout peut aller très vite, c’est alors que Devaquet annonce sa démission. Dans tout le pays, on observe de premiers arrêts de travail, des minutes de silence. Pour garder le contrôle de la situation, Jacques Chirac annonce, le 8 décembre, le retrait du projet de loi. Une dernière manifestation a lieu le 10 décembre à l’appel de la coordination nationale, des organisations syndicales, dont la CGT et la FEN, mais pas de la CFDT ni de FO, sur le mot d’ordre « Plus jamais ça ».
La coordination nationale se sépare en appelant à la tenue d’états généraux pour élaborer un autre projet. Plus grand mouvement étudiant depuis 1968, le mouvement contre le projet Devaquet a gagné sur son mot d’ordre mais, à la différence de son devancier, sa postérité est moins évidente. D’abord, parce que les coups de boutoir libéraux ont continué de fragiliser l’université, de loi LRU en autonomie des établissements. Et il est plus difficile de parler de génération politique née de ce mouvement même si nous en fûmes considérablement marqués. Pour ma part, élu au cours du mouvement au bureau national de l’Unef alors que celle-ci connaissait une crise de direction car trois de ses principaux dirigeants avaient été appelés… sous les drapeaux, j’y ai fait la découverte de la puissance de l’auto-organisation et de la nécessité pour les organisations de savoir se laisser dépasser et se mettre au service du mouvement et de la dynamique. C’est depuis constitutif de mon engagement politique.
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