En détention dans l’Oural polaire, Alexeï Navalny est décédé vendredi, à l’âge 47 ans, dans des circonstances non élucidées. Alors que débute la campagne présidentielle, l’opposant, blogueur, aux penchants xénophobes et nationalistes, qui avait été arrêté en 2021 dès son retour en Russie n’aura pas survécu à cette troisième année de prison.
Entrepreneur, libéral, opposant, blogueur, ultranationaliste, Alexeï Navalny est décédé le vendredi 16 février dans la colonie pénitentiaire de Kharp, dans l’Oural polaire. Après son incarcération en 2021, l’ancien militant anticorruption y purgeait une peine de dix-neuf ans de prison pour « extrémisme » et neuf ans pour fraude. Il avait été transféré en novembre 2023 de la région de Vladimir, au nord-est de Moscou, dans ce lieu reculé de l’Arctique.
À Moscou, Saint-Pétersbourg, Nijni Novgorod, Novossibirsk, Kazan, Tula, l’annonce de sa mort par les autorités carcérales, qui n’ont pas précisé les causes du décès, a donné lieu à plusieurs démonstrations d’hommages. Dans la capitale, au pied du « mur du deuil » près de l’avenue Sakharov, traditionnel lieu de rassemblement de l’opposition, des fleurs et des lettres ont été déposés, appelant à ne « pas abandonner », ni à « oublier ». Le site OVD-info évoque des centaines d’arrestations en 48 heures.
Un « national démocrate »
À un mois du premier tour de la présidentielle, la campagne, qui a débuté officiellement le 17 février, s’ouvre sur un nouveau signal inquiétant. « Navalny avait appelé à boycotter le scrutin, nous respecterons son souhait en espérant que d’autres suivent cet appel », affirme l’un de ses soutiens à Moscou. Le pourcentage de la population qui n’a jamais entendu parler de lui est passé de 90 % en avril 2011 à 53 % en 2017 et 23 % en 2023, selon les études du centre Levada.
L’institut de recherche sociologique a également confirmé une nette détérioration de son image avec plus de 57 % des gens qui désapprouvent son action, contre 35 % en 2013. Néanmoins, l’impact sur l’élection apparaît négligeable selon plusieurs observateurs, qui constatent une véritable crainte de s’exprimer publiquement. « La répression s’est considérablement accentuée avec la guerre. Le contexte électoral n’arrange rien et il devient de plus en plus difficile de donner son opinion. La mort de Navalny confirme de sombres perspectives », juge un journaliste russe.
Le parcours d’Alexeï Navalny reste singulier. Comme la plupart des Russes, il multiplie des tentatives d’entrepreneuriat dans les années 1990 sous la présidence très libérale de Boris Eltsine (1991-1999). Il fait son entrée en politique sous les couleurs du parti social-libéral Yabloko, où il devient le chef adjoint de la branche de Moscou, puis rejoint le conseil fédéral, avant d’être expulsé pour ses opinions nationalistes et xénophobes.
Celui qui se définit comme « national démocrate » fonde en 2007 le Mouvement de libération nationale russe. Dans une vidéo, sur fond d’images de migrants, Alexeï Navalny recommande « une désinfection complète ». « Tout ce qui se trouve sur notre chemin doit être éliminé par la déportation », ose-t-il. Il va jusqu’à participer aux manifestations annuelles de l’extrême droite à Moscou, au point d’être l’organisateur de la marche russe en 2011.
Un défenseur des violences racistes
Candidat aux élections municipales à Moscou en 2013, Alexeï Navalny axe sa campagne sur un discours viscéralement anti-immigrés. La même année encore, à la suite de violences xénophobes en octobre dans la capitale, dans le district de Biriouliovo, ce fervent orthodoxe prend la défense de ces attaques racistes sur son blog, où il décrit une « horde d’immigrants légaux et illégaux » rampant des bazars de Moscou.
C’est à cette époque qu’il se fait connaître comme blogueur anticorruption. Il lance une fondation anticorruption (FBK), mène des enquêtes vidéo qui deviennent virales sur Internet et s’appuie sur des sections locales dans de nombreuses régions de la Russie. La plus populaire de ses vidéos concerne le « palais de Poutine » avec 129 millions de vues, en 2021. Il participe aux grands défilés, en 2011 et 2012, aux termes de la présidentielle et des législatives qui actent le retour de Vladimir Poutine comme chef de l’État.
Le 20 juin 2020, il est victime d’un empoisonnement alors qu’il se trouve dans un avion en direction de la Sibérie. Après cinq mois de convalescence en Allemagne, Alexeï Navalny revient en Russie, où il est appréhendé dès son arrivée à l’aéroport de Cheremetievo. Les services pénitentiaires russes invoquent le non-respect de son contrôle judiciaire à Berlin.
Alors que la guerre fait rage entre Kiev et Moscou, la mort d’Alexeï Nalvany a été peu médiatisée en Ukraine. Anna Colin Lebedev, maîtresse de conférences à Paris-Nanterre, spécialiste de l’Ukraine et de la Russie, l’explique par ses « positions ambiguës » en 2014 sur la Crimée et le Donbass.
Si, après l’invasion de février 2022, Alexeï Navalny avait souhaité la restauration de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, la chercheuse constate que « l’affiliation passée avec les mouvements nationalistes, la participation aux marches russes et le discours sur le peuple russe sont vus aujourd’hui en Ukraine comme une autre tête du même monstre, une autre émanation de l’impérialisme russe ».
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un point de vue interressant sur navalny:
http://2ccr.unblog.fr/2024/02/19/navalny-chouchou-des-medias-occidentaux/