« La réaction de l’État au meurtre d’Aboubakar doit être la même que lorsqu’un chrétien ou un juif est assassiné » : entretien avec la maire PCF de La Grand-Combe

Laurence Baldit, la maire communiste de La Grand-Combe réagit auprès de l’Humanité après l’assassinat du jeune Aboubakar dans une mosquée de sa commune.

 

 

Quelle est votre réaction après le meurtre d’Aboubakar qui endeuille votre ville ?

Laurence Baldit, Maire PCF de La Grand-Combe

 

Nous sommes tous partagés entre la sidération, la tristesse et la colère devant ce crime d’une violence inouïe, qui a frappé un jeune musulman sans défense. À La Grand-Combe, nous vivons dans la paix, la sérénité. Tout se passe très bien entre les différentes croyances et communautés.

Je veux redire que tous les citoyens, sans distinction de religion, d’ethnie ou d’origine ont leur place, partout où ils veulent, et bien sûr à La Grand-Combe. Ce n’est pas la religion qui détermine la place que l’on a dans le monde, chacun est à sa place partout.

Les citoyens de confession musulmane sont pleinement intégrés dans notre commune et je comprends bien sûr leur effroi et leur inquiétude devant ce crime sur lequel la lumière doit être faite. Nous partageons leur peine et je veux leur dire tout mon soutien. J’espère que l’enquête pourra aboutir très rapidement et que le meurtrier, un individu dangereux, sera attrapé le plus vite possible.

S’agit-il pour vous d’un meurtre islamophobe ?

En tant que maire, je ne parle pas d’islamophobie pour le moment pour une raison simple : j’ai participé aujourd’hui avec les responsables des cultes du territoire, à une réunion avec le ministre de l’Intérieur, le procureur et le préfet qui invitent tous à être très prudents sur la caractérisation du meurtre, en attendant d’être fixés complètement sur les motivations de l’assassin. Il y a eu un tel déchaînement de violence, avec cinquante coups de couteau, que l’on peut s’interroger sur la stabilité mentale de la personne qui s’est livrée à une telle folie meurtrière.

Cela étant dit, l’acte islamophobe et le crime anti-musulman ne sont évidemment pas à écarter : il s’agit du meurtre d’un musulman, qui plus est au moment de la prière, et qui a en plus été commis dans une mosquée. Il y a donc évidemment de quoi se sentir tout particulièrement visé et meurtri quand on est musulman.

Un lieu de culte est de plus un lieu que l’on pense protégé de toute violence, un lieu de paix, un lieu qui relève du sacré. Et il est évidemment très important de montrer aux musulmans que la réaction de l’État devant ce crime sera exactement la même que lorsque c’est un chrétien ou un juif qui est assassiné.

Vous êtes accusée sur les réseaux sociaux, notamment par l’eurodéputée LFI Rima Hassan, d’avoir essayé d’empêcher la marche en mémoire d’Aboubakar qui s’est tenue ce dimanche à La Grand-Combe, et de ne pas vous y être rendue. Que répondez-vous ?

Rima Hassan ferait bien de prendre ses informations à la source. Je trouve extrêmement malsain, devant la mort d’un jeune, de penser à autre chose qu’au respect dû à la victime et à la communauté musulmane, en se livrant à des tentatives d’instrumentalisations politiques qui divisent au lieu de rassembler.

Premièrement, il est absolument faux de dire que j’aurais essayé d’empêcher cette marche. J’ai été informée de la tenue de cette marche blanche par la gendarmerie. Personne ne savait qui l’organisait. Les autorités musulmanes locales n’en étaient pas à l’origine et se sont dans un premier temps senties dépossédées, avant de consentir à y aller.

J’ai finalement appris que l’appel avait été lancé sur les réseaux sociaux par un groupe de trois élus de ma majorité avec qui je n’ai pas forcément de bonnes relations. J’ai indiqué à mes collègues qu’il n’appartenait pas aux élus de faire ingérence dans les affaires d’une structure religieuse, d’autant plus en organisant une action sans consulter ni informer les autorités religieuses. La laïcité prévoit que les institutions religieuses et républicaines ont chacune une place dans la société et doivent s’en tenir à leur rôle et leurs missions respectives. J’y serai allée sans problème si elle avait été organisée par l’imam.

Deuxièmement, il est exact que je n’y ai pas participé et je l’assume complètement. Le recteur de la mosquée de Nîmes a dénoncé la récupération politique de cette marche dans le journal local. Je n’ai donc pas voulu m’associer à une action qui aurait dû être organisée par les instances religieuses.

Par ailleurs, j’étais à ce moment-là en réunion avec Bruno Retailleau, le procureur et le préfet. J’ai expliqué ma position aux responsables du culte présents à cette réunion ; ils m’ont remercié pour cette décision. Je comprends parfaitement que des personnes aient voulu rendre un hommage mérité à Aboubakar.

Mais ce dimanche je n’y étais pas, cela n’enlève rien au soutien que j’apporte à toute la communauté musulmane qui sait pouvoir compter sur moi. J’ai très grande confiance dans les musulmans de La Grand-Combe, et dans notre capacité collective au dialogue, au recueillement et au vivre ensemble. C’est le travail qui est devant nous.


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