« Islamo-gauchisme » à l’université : la polémique Vidal ne cesse d’enfler

Dans leur tribune, les signataires dénoncent « l’indigence » de la ministre Frédérique Vidal en même temps que la misère des universités.

La ministre de l’Enseignement supérieur confirme au JDD la tenue d’une enquête sur « l’islamo-gauchisme » dans les facultés. Le RN et la droite applaudissent. Dans une tribune collective, 600 universitaires demandent sa démission.

Frédérique Vidal persiste et signe. Dans les colonnes du JDD, la ministre de l’Enseignement supérieur confirme qu’elle diligentera bien une enquête sur « l’islamo-­gauchisme » qui « gangrène », selon elle, les universités. Le membre du gouvernement, tout en considérant que « l’islamo-gauchisme n’a pas de définition scientifique », le jette de plus belle à la face des universitaires et entend faire la lumière sur les « atteintes à la laïcité » de chercheurs qui « nourrissent l’activisme ».

« Une sorte d’alliance entre Mao Zedong et  Khomeyni »

La ministre, qui approuve sur le plateau de CNews quand Jean-Pierre Elkabbach dénonce « une sorte d’alliance entre Mao Zedong et l’ayatollah Khomeyni », a été félicitée par le RN pour sa prise de position. Et les députés LR ont écrit à Richard Ferrand pour que le président de l’Assemblée nationale valide leur demande de mission d’information sur la « pénétration de la culture de l’annulation et de l’islamo-gauchisme dans le milieu universitaire », déjà formulée en novembre 2020. À l’époque, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, assénait que « l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université » et ajoutait que « ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire ».

Un concept « sans réalité scientifique »

Dans sa folle course à un duel avec Marine Le Pen en 2022, la Macronie ne retient plus ses coups contre une gauche qu’elle calomnie et accuse donc d’être complice de l’islamisme. Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a beau jurer qu’il « rêve d’un second tour sans Le Pen », tout, dans l’attitude de l’exécutif, montre qu’il fait sans cesse la courte échelle à l’extrême droite. Jusqu’à plonger dans l’irrationnel. Ainsi, Frédérique Vidal affirme que « évidemment, on ne fabrique pas des fanatiques » à l’université, tout en l’accusant de « fracturer » la société. Elle réclame une « approche rationnelle et scientifique » sur « l’islamo-gauchisme », concept qui n’a « aucune réalité scientifique » selon le CNRS et la conférence des présidents d’université, qui ont étrillé les propos et l’attitude de la ministre, qui plus est au moment où les étudiants souffrent de l’explosion de la précarité avec la crise du Covid.

L’indignation est telle que 600 universitaires et chercheurs demandent « avec force la démission de Frédérique Vidal ». « Si le propos manque de cohérence, l’intention est dévastatrice : il s’agit de diffamer une profession et toute une communauté à laquelle, en tant qu’universitaire, Frédérique Vidal appartient pourtant, et qu’il lui appartient, en tant que ministre, de protéger », écrivent-ils dans une tribune publiée dans les colonnes du Monde. Dénonçant une « chasse aux sorcières » et une attaque contre les libertés académiques, ils déplorent « l’indigence » d’une ministre qui « ânonne le répertoire de l’extrême droite sur un “islamo-gauchisme” imaginaire ». « Ce qui entrave notre travail, c’est le sous-financement chronique des universités, le manque de recrutements pérennes, la pauvreté endémique des laboratoires, le mépris des gouvernements successifs », ajoutent-ils.

La Macronie, « marchepied de l’extrême droite »

Mais la déchéance de rationalité à l’œuvre est désormais telle que le vice-président des LR, Gilles Platret, ne voit dans cette tribune que la preuve que le mal est bien présent. « Le monde universitaire, en rejetant violemment la proposition de Frédérique Vidal sur l’islamo-gauchisme, fait la démonstration qu’il est gangrené par l’indigénisme ! » assène-t-il. Le procès lancé par Manuel Valls, qui, quand il était premier ministre, argumentait qu’ « expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser », ne cesse de prendre de l’ampleur. Comme si chercher à analyser le monde revenait à se rendre coupable de toutes les violences qui le traversent. Et la droite et la Macronie restent en outre plus que silencieuses sur les liens qui les unissent avec les pétromonarchies qui soutiennent le fanatisme religieux…

À gauche, le PCF, le PS, la FI et EELV tancent tous la ministre pour son faux procès grotesque. Si les thèses indigénistes et essentialisantes sont à déconstruire, par le débat, elles restent largement minoritaires et ne sauraient servir à une attaque perfide contre les universitaires et la gauche. Même Yannick Jadot, souvent pas si loin de la Macronie, n’est pas dupe : « Avec la complicité idéologique poisseuse affichée par Gérald Darmanin et Marine Le Pen, Frédérique Vidal sacrifie l’université à l’agenda politique présidentiel. Le prétendu rempart macroniste à l’extrême droite apparaît chaque jour davantage pour ce qu’il est : son marchepied ! »


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