Réunion de la gauche : Jadot et les socialistes tentent une OPA sur l’union

Les responsables de partis de gauche et écologistes réunis ce samedi 17 avril à Paris. © / AFP / Thomas SAMSON

Les responsables de partis de gauche et écologistes réunis ce samedi 17 avril à Paris. © / AFP / Thomas SAMSON

Vingt-et-un participants représentant l’essentiel des forces de gauche se sont réunis ce samedi. Un accord de « respect mutuel » a été conclu, tout comme la nécessité de poursuivre le dialogue. Mais la connivence entre l’eurodéputé EELV et le PS ainsi que l’empressement d’Olivier Faure à annoncer une candidature commune, ont brouillé le message.

Une image vaut parfois bien des déclarations. La « photo de famille » censée marquer le coup de la première réunion de la gauche pour 2022 donne en partie à voir ce qui en est sorti, après plus de trois heures d’échanges. Pour cause, elle est incomplète : l’insoumis Eric Coquerel et le communiste Ian Brossat n’y apparaissent pas. Et une partie de ceux qui y figurent doivent être heureux de porter le masque pour ne pas avoir à afficher de sourire de façade.

Il y a au moins un heureux sur le cliché. Dos au canal de l’Ourcq, près de l’hôtel du XIXème arrondissement où s’est déroulé l’événement politique du week-end, l’eurodéputé et candidat EELV Yannick Jadot prend la pose plein centre, au premier plan, flanqué du premier secrétaire du PS Olivier Faure et de la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo. C’est bien le Vert qui s’est affiché en grand chef d’orchestre du rassemblement de la gauche et des écologistes. Dès 9 heures 30, il accueillait ses « invités » sur le perron, tel un chef d’État aux manettes d’un sommet international. Le rassemblement, oui, mais de la grande famille sociale-démocrate.

Si l’idée d’union a progressé, c’est d’abord et surtout entre l’eurodéputé, suivi par une partie du Pôle écologiste, et les socialistes et leurs alliés, que l’avancée est majeure. La composition de cette « table ronde » de la gauche en était déjà le signe : les communistes et les insoumis n’avaient qu’un seul représentant, quand le Pôle écologiste a eu le droit à huit ambassadeurs dont quatre EELV et le Parti socialiste cinq.

Un autre rendez-vous d’ici fin mai

Si les discussions ont été de bonne tenue selon l’ensemble des intervenants, certains ont affirmé à l’Humanité avoir le sentiment de s’être fait entourlouper par une manœuvre entre l’hôte écologiste et les socialistes. « Jadot, Faure et Hidalgo se sont mis d’accord en amont, c’est sympa mais dans ce cas ce n’était pas la peine de nous inviter », raille un participant, qui dit avoir été mis devant le fait accompli. « Il y a un processus avec celles et ceux qui veulent s’engager sur une candidature commune, un contrat de gouvernement et un projet. On se retrouve d’ici fin mai », a déclaré Yannick Jadot au terme des échanges. «  Nous devons proposer une coalition commune cet automne. Nous avons besoin de construire cette offre politique et nous allons y travailler », abonde Anne Hidalgo. Offensif, Olivier Faure va plus loin : « dans un an, il y a aura pour les écologistes, les socialistes, les radicaux, Place Publique, Nouvelle Donne et Génération.s un candidat et un projet communs. C’est l’engagement que chacun a pris ce matin. Nous allons commencer par un projet commun que nous finaliserons à la fin de l’été ou au début de l’automne prochain. » Puis viendra le temps du casting, avec plusieurs hypothèses, « une primaire, une convention citoyenne, des sages qui se réuniraient », pour désigner le ou la candidate. « La FI et le PCF auront leur candidat, c’est respectable mais cela ne doit pas empêcher les autres d’avancer », ajoute le député de la Marne. Et tant pis, donc, si une partie de la gauche, insoumis et communistes en tête, reste en bord de route.

« De un, ce n’est pas ce qui sort en commun de cette réunion, et de deux beaucoup des présents, notamment du pôle écolo, ont refusé de s’enfermer avec le PS pour une candidature de centre gauche », rétorque Eric Coquerel. Le député insoumis, représentant Jean-Luc Mélenchon, absent à cause d’un voyage en Amérique latine, n’a pas souhaité apparaître sur la photo de famille. Tout comme Ian Brossat. « Le problème de la gauche, ce n’est pas tant la candidature commune, c’est qu’elle ne parle qu’à un Français sur quatre, et qu’elle ne parle pas des préoccupations quotidiennes, du pouvoir d’achat, de l’emploi… », s’agace le porte-parole du PCF, avant d’ajouter : « un ticket PS-EELV, on a déjà vu cela en 2017 et on a vu ce que ça a donné. »

Du côté des candidats putatifs à la primaire écologiste, à laquelle Yannick Jadot doit participer mais dont il voudrait bien s’affranchir, cette tentative pour court-circuiter le parti passe mal. « Si on repart sur un mandat Hollande mais verdi, on ne sera pas à la hauteur des enjeux. Je ne vais pas renoncer aujourd’hui si je pense que les dés sont pipés pour des ambitions personnelles plutôt que l’intérêt général », réagit Sandrine Rousseau, qui dit avoir la sensation d’un piège tendu par Yannick Jadot et les socialistes au reste des participants. Eric Piolle, autre probable candidat à la primaire écologiste, a quitté la réunion en avance, officiellement pour prendre un train et est donc absent du cliché : « vous rajouterez ma tête », plaisante-t-il avant d’affirmer que la gauche « n’a jamais été aussi proche sur le fond ».

Concernant la sortie d’Olivier Faure, le secrétaire national d’EELV Julien Bayou tempère : « tant mieux s’il se dit disponible pour discuter. Mais nous n’avons n’a pas acté de candidature commune. Il y aura une candidature du pôle écologiste en 2022, et on pense qu’il faut une large coalition. Ce n’est pas incompatible. » Pour lui, lorsque Yannick Jadot prétend qu’il faut un candidat commun à la fin de l’été, « c’est une manière pudique de dire qu’il y aura un candidat écologiste, soutenu par le PS dans le cadre d’une large coalition ».

Malgré la cacophonie, les différents acteurs se félicitaient de concert, en sortie de réunion, des échanges francs et courtois. « Une très bonne réunion, beaucoup d’écoutes, un bon moment commun où nous avons trouvé de vrais morceaux de convergence même si tout le monde n’est pas d’accord », salue le député Matthieu Orphelin, candidat écologiste aux régionales dans les Pays de la Loire. « Ce qui unit les partis de gauche est plus fort ce qui les désunit », veut croire Emilie Cariou, ex-figure de l’aile gauche de la Macronie, membre du parti Les Nouveaux Démocrates.

On a compris depuis longtemps que cela ne suffirait pourtant pas à tous les réunir. La discussion aura au moins permis un accord sur trois points. « On est d’accord pour mener des mobilisations ensemble, souligne Eric Coquerel, sur la réforme de l’assurance chômage par exemple. » Ensuite, les différents interlocuteurs se sont accordés sur la nécessité de débattre publiquement de leurs divergences idéologiques, plutôt que de s’invectiver par réseaux sociaux interposés. Dans le même ordre d’idée, a été convenu un « pacte de respect mutuel », afin d’adopter une réponse commune en cas d’attaque venue de la droite ou de l’extrême droite.

Tous font aussi part de leur envie de maintenir le dialogue. Une nouvelle réunion doit se tenir fin mai, où tout le monde est à nouveau convié mais également des collectifs citoyens. Après le coup réussi de Yannick Jadot, les partis politiques, désireux de reprendre la main, seront cette fois aux manettes.


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