Territoires de l’éducation : L’introuvable handicap de la ruralité + soutien au Caf. Péda.

Annoncée par JM Blanquer et poursuivie par N Elimas, la réforme de l’éducation prioritaire annonce une redistribution des moyens éducatifs en supprimant les Rep et en dirigeant leurs moyens notamment vers les territoires ruraux. L’éloignement rentrerait dans le calcul des subventions aux établissements. Dans ce contexte, la publication d’Education & formations (n°102), une revue du ministère (Depp), apporte un démenti cinglant au handicap rural ». Les articles confirment, avec des donnés très récentes, les bons résultats de l’école rurale avec un système éducatif offrant la même performance scolaire qu’en ville. Les collèges ruraux ont sensiblement plus de moyens que ceux des villes. Les enseignants y ont un profil un peu différent qu’en ville mais ils sont plus enclins à l’innovation. Si finalement l’orientation demandée par les élèves est moins ambitieuse scolairement qu’en ville, une étude relie cette réalité à la composition sociale des zones rurales et à un effet d’attachement au territoire. Rien dans la ruralité ne semble justifier la redistribution des moyens des Rep.

La même performance scolaire en zone rurale

La majorité de la vingtaine d’articles d’Education & formations (n°102) concerne le monde rural qui est bien au coeur des réflexions du ministère. Pourtant , on le verra, ces études contredisent l’a priori ministériel qui présente les zones rurales comme victimes d’un handicap qu’il faudrait compenser comme on le fait (et avec ses moyens !) du handicap social des zones prioritaires. Bien au contraire la revue montre des résultats scolaires et une offre scolaire équivalents à ceux des villes et des enseignants aux caractéristiques positives.

D’emblée Jacques Lévy, Shin Koseki et Irène Sartoretti interrogent le rapport entre la localisation et les prédispositions à l’échec ou la réussite scolaire. La ruralité et l’éloignement sont-ils un handicap pour réussir sa scolarité ? Les auteurs démontrent que  » dans les gradients d’urbanité les plus faibles − les campagnes les moins peuplées et les plus éloignées des villes −, le système éducatif français offre un service qui assure la même performance scolaire qu’ailleurs et même, selon certains indicateurs, un peu meilleure. Rien ne vient confirmer empiriquement que les zones isolées à faible densité seraient victimes d’un traitement moins favorable que les autres. Paradoxe 2. Le problème fondamental des campagnes isolées ne vient donc pas pour l’essentiel du système éducatif, mais de ces espaces eux-mêmes, pauvres en ressources favorables à la construction de jeunes personnalités. L’enquête qualitative, menée notamment sur des terrains très typés, décrit la qualité limitée de l’expérience sociale formatrice rencontrée dans les gradients d’urbanité faibles. Elle conduit à décaler le problème, des établissements vers les sociétés locales, en particulier vers les modes de vie choisis par les familles qui y résident ». Par exemple l’étude montre que les mentions au bac sont sans rapport avec le gradient d’urbanité.

Les collèges éloignés ont davantage de moyens

Une deuxième étude, par Mustapha Touahir et Sylvain Maugis, s’intéresse à l’indice d’éloignement des collèges. Elle montre , sans surprise, que l’éloignement le plus important se situe dans la diagonale du vide. Elle montre que  » Les collèges les plus éloignés sont plutôt homogènes socialement. Ils se caractérisent par des moyens alloués (heures d’enseignement par élève) plutôt supérieurs à la moyenne, en raison notamment de leurs effectifs plus faibles. Les résultats au DNB y sont légèrement meilleurs ; mais les différences concernant l’orientation des élèves sont plus marquées, en faveur de la voie professionnelle, en particulier de l’apprentissage ». Ainsi en zone urbaine dense 70% des élèves de 3ème demandent un lycée général et technologique contre 57% dans la zone la moins dense.

Des résultats scolaires équivalents

Marianne Fabre travaille sur l’influence de la ruralité sur les résultats scolaires à l’entrée à l’école primaire. Au terme d’une étude poussée, elle se demande  » si la typologie de la commune est le découpage géographique qui permet le mieux de discriminer la réussite scolaire des élèves… La région académique explique une part beaucoup plus importante de la variance des scores que la typologie de communes en termes de ruralité ».

Fabrice Murat travaille lui sur la réussite au brevet. L’article confirme que les performances scolaires, en termes de compétences, varient peu d’un type de commune à l’autre. Il existe toutefois des écarts plus marqués en matière de parcours scolaires. Les élèves dans les territoires ruraux tendent à moins souvent s’orienter vers la voie générale et technologique. Les écarts d’orientation selon le type de territoire sont par ailleurs variables d’une région académique à l’autre.

Une orientation différente du fait de l’attachement au territoire

Claudine Pirus s’intéresse aux aspirations des élèves selon le territoire. L’intérêt de son article c’est de reposer sur des données récentes : un panel d’élèves entrés en 6ème en 2007. Elle met en évidence le poids de l’attachement au territoire, un « effet territoire », attesté aussi dans la littérature étrangère. Elle montre aussi que les parents d’élèves des zones rurales sont moins diplômés et moins favorisés que ceux des villes.  » Une fois retenues les caractéristiques individuelles propres aux élèves (sexe, profession et diplôme de parents, configuration familiale), leur niveau scolaire et leur environnement scolaire (sans la prise en compte de l’indice d’éloignement), l’effet territoire s’accentue et est très significatif dans quasiment tous les territoires. Les élèves résidant dans une commune appartenant au rural éloigné et au rural périphérique peu dense diminuent leur chance de poursuivre en seconde générale ou technologique de respectivement 17 et 12 points de pourcentage comparativement aux élèves d’une commune urbaine très dense. », écrit-elle. Elle l’explique par deux facteurs. Le premier c’est la surnotation des établissements de l’éducation prioritaire qui facilite le passage en lycée général. Le second, et c’est celui qui est propre àla ruralité, est l’attachement au territoire.

« Pour certains élèves, l’attachement au territoire les conduirait à ne pas considérer cette forme d’autocensure comme négative ou comme un choix par défaut », dit-elle.  » Les jeunes ruraux ont très souvent des projets distincts et voient l’avenir différemment des jeunes urbains,  notamment ceux résidant dans les zones densément peuplées ».

Des enseignants plus innovants

La revue s’intéresse aussi aux enseignants des zones rurales.  » En milieu rural, les établissements, de taille plus petite qu’en milieu urbain et rarement situés dans des réseaux d’éducation prioritaire, accueillent des enseignants généralement plus jeunes et, dans le premier degré, ayant plus d’ancienneté et moins souvent issus d’une reconversion professionnelle. Les enseignants exerçant en milieu rural sont également plus nombreux que ceux exerçant en milieu urbain à avoir une conception commune de l’enseignement et de l’apprentissage et à prendre part aux décisions de leur établissement », notent Laurène Bocognano, Axelle Charpentier et Christelle Raffaëlli. « La population d’élèves accueillis y est, elle, moins hétérogène qu’en milieu urbain, et ce résultat est cohérent avec les données exhaustives. Par ailleurs, bien que plus nombreux par classe, les élèves des établissements situés en milieu rural font preuve de moins d’incivilité qu’en milieu urbain, respectent davantage les règles et participent davantage, dans le second degré, à l’instauration d’un climat propice aux apprentissages. Par conséquent, les professeurs du second degré se voient moins souvent qu’en milieu urbain confrontés à des problèmes de discipline et font état d’un stress moindre par rapport à cette question. Pour autant, une fois posées ces spécificités, lorsque l’on observe les pratiques pédagogiques des enseignants des établissements ruraux, on ne note pas de différence significative avec celles mises en place par leurs collègues des établissements urbains, de même que l’on ne note pas non plus de différence au niveau de leur sentiment d’efficacité personnelle à favoriser la motivation et l’engagement des élèves. Les contrastes sont plutôt à observer du côté de leur ouverture au changement et à l’innovation. Ils ont en effet une tendance plus forte qu’en milieu urbain à s’entraider pour mettre en place de nouvelles idées dans le premier degré ».

L’ensemble de ces études, totalement nouvelles et rafraichissant ce qu’on savait déjà de l’école rurale, établit qu’il n’y a pas lieu de diriger de nouveaux moyens vers les écoles et établissements ruraux, du moins en ce qui concerne la part Education nationale.

François Jarraud

Education & formations n’°102

Sur la réforme de l’éducation prioritaire


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