Hôpital. Les vraies conséquences du forfait de 19,61 euros aux urgences

Va-t-on bientôt demander aux patients leur carte bleue au lieu de leur carte vitale ? Amélie Benoist/BSIP

Conçu pour « simplifier » la tarification des soins et améliorer le recouvrement des impayés, le forfait de 19,61 euros pour les passages aux urgences non suivis d’hospitalisation devrait surtout plomber les patients sans mutuelle.

C’est une mesure qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2021, mais qui a été repoussée en raison de l’épidémie de Covid. Il faut croire que la cinquième vague n’aura pas convaincu le gouvernement d’y surseoir une nouvelle fois.

Depuis samedi, les hôpitaux ont pour consigne d’appliquer un forfait de 19,61 euros aux patients dont le passage aux urgences ne serait pas suivi d’une hospitalisation. « Le FPU (forfait patient urgences – NDLR) remplace concrètement le forfait ATU (accueil et traitement des urgences) de 27,05 euros, auquel s’ajoutaient, pour former l’ex-ticket modérateur, les coûts des soins, examens et actes prodigués », explique le ministère de la Santé et des Solidarités.

« À ce titre, il rend le montant d’un passage aux urgences sans hospitalisation plus lisible pour les patients et les usagers ; son paiement plus compréhensible, donc plus automatique, et sa facturation plus simple pour les équipes hospitalières », soutient le gouvernement.

Qui peut en être exonéré ou bénéficier d’un forfait réduit ?

Harmonisation et simplification : le mantra est connu et même rituel dans la bouche de l’exécutif quand il s’agit de réformer les services publics. À demi-mot, le ministère reconnaît que le but est aussi d’améliorer le recouvrement des impayés, espérant ainsi faire rentrer 35 millions d’euros dans les caisses. Tout en soutenant que ce changement sera indolore pour les patients, couverts pour 95 % d’entre eux par une mutuelle qui prendra en charge ce forfait.

Les personnes en accident du travail et en maladie professionnelle (AT/MP) dont l’incapacité est inférieure à deux tiers et celles placées en affection de longue durée (ALD) bénéficieront, elles, d’un forfait réduit de 8,49 euros.

En outre, seront exonérées certaines catégories de patients (femmes enceintes à partir du sixième mois, nourrissons de moins d’un mois, donneurs d’organes pour les actes en lien avec leur don, mineurs victimes de violences sexuelles, victimes de terrorisme, titulaires d’une pension d’invalidité, invalides de guerre et personnes rattachées au régime AT/MP dont l’incapacité est au moins égale à deux tiers).

Règlement immédiat ou différé ?

Les urgences continueront-elles d’envoyer une facture a posteriori aux patients ou exigeront-elles le règlement immédiat du forfait ? Sur ce point, le ministère ne semble pas avoir tranché, laissant aux hôpitaux le soin d’organiser leur propre système de facturation.

« Cette mesure va taper sur les plus précaires, c’est-à-dire les chômeurs, ceux qui n’ont pas de mutuelle et qui constituent une grande partie de nos patients », dénonce Frédéric Adnet, chef du service des urgences de l’hôpital Avicenne de Bobigny, également à la tête du Samu de Seine-Saint-Denis.

« Ce genre de réforme laisse aussi à penser qu’un passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation serait indu, alors que pour certaines pathologies, comme de la petite traumatologie – si vous vous cassez une cheville, par exemple – ou une colique néphrétique, le passage aux urgences est bien justifié, même si on vous laisse repartir après vous avoir soigné », souligne le médecin.

Une offre de soins carencée

« Sur la mise en place pratique, c’est une usine à gaz : les personnels administratifs sont déjà en sous-effectif, si on leur demande en plus de faire de la facturation et du recouvrement, ça va coincer », estime Patrick Bourdillon, secrétaire fédéral CGT santé. « Et sur le principe, c’est inacceptable : les gens ne viennent pas aux urgences par plaisir, mais parce qu’ils n’ont pas accès à un médecin de ville. On était déjà sur une médecine à deux vitesses, mais ce genre de mesure accélère la transformation du service public vers une logique libérale », déplore le syndicaliste.

Du côté des usagers, on reste vigilant sur l’application de ce forfait. Reconnaissant que ce tarif uniforme de 19,61 euros a le mérite d’être « plus simple et plus lisible pour l’ensemble des acteurs du système de santé », France Assos Santé, qui regroupe 84 associations de patients, s’est dite « pas opposée au principe de la forfaitisation ».

Mais le collectif invite le gouvernement à se pencher « en premier lieu » sur le manque de structures de santé. « Le problème reste (…) l’hétérogénéité, voire la carence, d’offre de soins de premier recours sur les territoires, obligeant parfois les usagers à se rendre aux urgences faute de structure de soins de proximité disponible, a fortiori le soir et le week-end. »


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