Le Pen battue, le troisième tour est lancé
Présidentielle Emmanuel Macron a été réélu par défaut avec 58,5 % face à la candidate d’extrême droite. Dès maintenant, la mobilisation démarre à gauche pour s’opposer à sa politique, avec l’objectif de remporter les législatives, en juin, et de se retrouver en nombre dans la rue dès le 1er Mai.
Pour la troisième fois en vingt ans, l’extrême droite se voit barrer la route de l’Élysée. Un soulagement plus que bienvenu, certes, mais l’étau se resserre. Avec 41,5 %, selon les estimations disponibles dimanche, contre 33,9 % en 2017, la candidate du RN, Marine Le Pen, obtient un score plus élevé que lors de son précédent duel avec Emmanuel Macron. Sans compter l’écart vertigineux avec les 17,79 % obtenus par son père en 2002. Cependant, malgré la banalisation, les appels du pied sur le terrain du pouvoir d’achat et la politique de mépris de classe du président sortant, nombre d’électeurs de gauche ont choisi d’utiliser le seul bulletin à leur disposition pour faire la différence et rappeler que, en République, la haine n’a pas sa place.
Mais le barrage s’est fragilisé. L’abstention, déjà de 26,3 % le 10 avril, aurait atteint 28,3 % pour ce second tour, selon l’Ifop. Le sursaut de mobilisation (8 points de participation supplémentaire en 2002) n’est plus qu’un souvenir, et le nombre de bulletins blancs et nuls pourrait aussi avoisiner le record absolu de 2017 – 4 millions au total.
Pour tous à gauche, dès lundi, c’est une autre bataille qui commence face aux projets de l’hôte de l’Élysée. « Je veux remercier l’ensemble des Françaises et des Français qui m’ont accordé leur confiance afin de faire advenir une France plus indépendante, une Europe plus forte, par des investissements et des changements profonds », a-t-il déclaré après son arrivée au Champ-de-Mars, au pied de tour Eiffel, au son de l’hymne européen. Devenu président par « effraction » en 2017, il est reconduit par défaut. Tout en disant vouloir « porter avec force » son projet, Emmanuel Macron a donc affirmé avoir « conscience » que le vote de ceux qui ont fait « barrage à l’extrême droite » (43 % de ses électeurs, selon l’Ifop) l’ « oblige ». Mais au soir de sa première victoire, il y a cinq ans, au Louvre, il avait déjà fait mine d’admettre que l’issue du scrutin ne lui donnait pas un « blanc-seing »… sans en tenir compte par la suite.
D’ailleurs, en dehors de maigres concessions, comme sur l’allocation adulte handicapé (AAH), il n’aura en rien contribué à la mobilisation des électeurs de gauche. Si, lors du débat d’entre-deux-tours, il s’est montré ferme face au projet xénophobe de Marine Le Pen – « Vous allez créer la guerre civile ! » lui a-t-il lancé –, personne n’a oublié la loi « séparatisme » stigmatisant les musulmans, la chasse aux sorcières « islamo-gauchistes » et les délires anti-« woke ». Autant de thèmes chers à l’extrême droite, banalisés et resservis jusqu’à l’écœurement, qui ont contribué à dérouler le tapis rouge à sa candidate, que le ministre de l’Intérieur trouvait trop « molle ». En la matière, certains grands médias, qui ont organisé la saturation du débat public autour des obsessions du RN, n’ont rien à envier au gouvernement.
l’extrême droite est loin d’avoir dit son dernier mot
C’est là une des leçons de ce sinistre second tour : éviter le pire, c’est bien ; s’en prémunir, c’est mieux. Surtout que l’extrême droite est loin d’avoir dit son dernier mot. Marine Le Pen s’est construit une stature qu’elle entend faire fructifier. « Plus que jamais, je poursuivrai mon engagement pour la France et les Français », a réagi la candidate depuis le Pavillon d’Armenonville, au bois de Boulogne, citant pêle-mêle la retraite, le pouvoir d’achat, l’immigration ou la sécurité. Défaite, elle s’est appliquée à saluer le « score historique » du « camp national » avant de s’empresser de lancer la « bataille des législatives » : « Je (la) mènerai avec tous ceux qui ont eu le courage de s’opposer à Emmanuel Macron », a-t-elle affirmé, s’estimant « dans d’excellentes dispositions pour obtenir un grand nombre de députés en juin ». De son côté, Éric Zemmour (7 % le 10 avril), critiquant vertement le RN, a en même temps souhaité une « alliance » du « bloc national » aux législatives.
Pour les cinq années à venir, ce sont bel et bien ces deux lignes de front – défaire les velléités macroniennes d’imposer la retraite à 64 puis 65 ans ou de conditionner le RSA, et combattre pied à pied les avancées de l’extrême droite – qu’il faudra tenir. Et cela commence maintenant. Dans la rue, d’abord. « La CGT, l’Unsa, Solidaires, la FSU, l’Unef, la VL, le MNL et la Fidl appellent à préparer un 1er Mai revendicatif pour faire de cette journée un temps fort de la mobilisation », ont d’ores et déjà écrit dans un communiqué ces syndicats.
66 % des Français souhaitent leur imposer une cohabitation
Pour la gauche, il s’agit aussi de construire une riposte commune dans la perspective des législatives de juin, le fameux « troisième tour ». Troisième homme d’un paysage politique national recomposé en trois pôles, Jean-Luc Mélenchon (21,95 % le 10 avril) a invité à ne pas « se résigner » face au « plus mal élu des présidents de la Ve République » : « Un autre monde est encore possible si vous élisez une majorité de l’Union populaire qui doit s’élargir », a-t-il lancé depuis son QG dimanche soir, postulant à nouveau au poste de premier ministre. Dans l’entre-deux-tours, la FI, EELV et le PCF ont engagé des discussions afin de trouver un terrain d’entente. « En additionnant la gauche dès le premier tour des législatives, nous pouvons battre le bloc d’extrême droite et le bloc libéral », a assuré le secrétaire national du PCF. Fabien Roussel a plaidé pour un « accord global dans le respect du rapport de forces issu du premier tour, et des ancrages locaux », martelant que la victoire du sortant « n’exprime en rien un soutien à sa politique ». « Nous voulons nous donner les moyens d’une coalition pour une majorité alternative », a également affirmé l’écologiste Julien Bayou, quand le PS, jusque-là à l’écart, s’est majoritairement prononcé pour travailler avec le reste de la gauche. Une perspective de bons résultats d’autant plus réaliste que ni Emmanuel Macron ni sa majorité ne sauraient bénéficier de la même vague qu’en 2017 : 66 % des Français souhaitent leur imposer une cohabitation, selon un sondage BVA.
Surtout, défendre l’augmentation du Smic et des salaires, la réduction du temps de travail ou encore la transition écologique pourrait redonner du souffle à tous ceux qui ont, en apnée, voté ce dimanche pour empêcher l’extrême droite d’accéder à l’Élysée. Et le président, élu par défaut, serait bien inspiré de ne pas l’oublier.
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