LE ROI EST MORT, « ADEUS PELÉ » !

Yohan Cruyff était le jeu, Diego Maradona ce petit garçon en or, Pelé restera à jamais le roi. « O nomme do rei e Pelé » chantait Jorge Ben Jor. Évidemment !

PHOTO /John Stillwell/PA Wire/ABACA

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Edson Arantes do Nascimento, dit Pelé a rendu son dernier soupir alors même que la Coupe du Monde au Qatar vient de se terminer. Cette Coupe du Monde honni, mais qui fut son révélateur à la face du monde entier… Hospitalisé depuis plusieurs semaines, l’ancien attaquant Auriverde (82 ans), souffrait d’une « infection respiratoire » mais surtout se battait depuis plus d’un an contre une tumeur au colon, à l’intestin, au foie et aux poumons. Un long combat qui a donc pris fin. En 2021, avec Mario Zagallo, il était le dernier survivant des joueurs brésiliens ayant disputé la finale de 1958. RIP les Vava, Didi, Garrincha et consorts !

Pelé, né d’une famille modeste à Três Corações (« Trois Cœurs » en français) dans le Minas-Gerais, restera une figure majeure du football brésilien et mondial. Il est en effet considéré comme le plus grand joueur de l’histoire. Le seul à avoir été champion du monde à trois reprises : 1958, 1962 et 1970. Il possède également un palmarès exceptionnel avec les deux seuls clubs professionnels pour lesquels, il ait joué : Santos FC et les New York Cosmos. Deux Coupes intercontinentales (1962 et 1963), deux Copas Libertadores (1962 et 1963), un championnat des États-Unis (1977) et enfin onze titres dans le championnat de São Paulo dans les années 1950 et 1960. On ne compte pas non plus les récompenses individuelles : prix de l’athlète du siècle par le CIO ; joueur du XXe siècle par la FIFA et ballon d’Or d’honneur 2014. Enfin et à juste titre, il a intégré sans difficulté le onze mondial du XXe siècle.

Mille buts ou non ? 

Une question débattue et redébattue. Officiellement non, les statistiques officielles lui concèdent 757 buts en matchs officiels. Beaucoup de buts ont été marqués dans des matchs non officiels. A l’époque le processus d’officialisation des matchs était beaucoup plus strict. Pelé a d’ailleurs beaucoup critiqué ce comptage. Les matchs de préparations, les compétitions non homologuées, les matchs de gala, les rencontres amicales n’étant pas comptés. En les comptant le total se porte à 1283 buts

Depuis sa retraite sportive, Pelé était devenu l’ambassadeur pour l’ONU et l’UNESCO à l’Éducation, l’Écologie et l’Environnement. Il fut aussi ministre des sports au Brésil. Mais il n’aura jamais affiché une détermination politique très prononcée à l’inverse d’un Maradona. Ainsi, après la dictature dans son pays, -que Pelé a toujours feint d’ignorer ou de critiquer-, de nombreux gouvernements tenteront de l’attirer dans leurs filets intéressés. Après deux refus à Tancredo Neves en 1985 puis à José Sarney en 1989, il finit par accepter le poste de Ministre des sports proposé par Fernando Henrique Cardoso, un social-démocrate bien libéral. Bien qu’il tente de réformer structurellement l’organisation du football dans son pays, on retiendra surtout à la fin de son mandat, en 1998, la loi dit « Pelé ». Une adaptation à peine déguisée de l’arrêt Bosman en Europe afin de permettre aux footballeurs brésiliens de s’engager là où ils le désirent.

Mais plus que son action politique très peu progressiste, parlons plutôt ballon, là où il fut le plus rayonnant. À lui seul, il a incarné le rêve football venu du « Païs tropical ». Chaussé de ses Pumas, qui en ont fait baver plus d’un, moi le premier- il trimballera de terrain en terrain, toutes les légendes d’un pays fantasmé, où il est écrit que les jeunes footballeurs brésiliens, doivent commencer nu pied sur un terrain défoncé ou sur la plage de Copacabana. Il était le Futebol !

Enfant très actif, c’est en accompagnant son père à l’entraînement que tout a commencé et que le surnom de Pelé va effacer des mémoires son véritable prénom : « Edson ». Alors qu’il n’avait que trois ans, s’amusant avec le gardien du Vasco de Gama FC, club où son père évolue, que ce dernier remarque qu’il crie « Pilé » en essayant de prononcer le nom du gardien, un certain Bilé. L’histoire est en route. En 1956, dès ses 15 ans, il quitte sa famille afin de devenir professionnel au FC Santos. Son premier match avec l’équipe première se fait la même année à l’occasion d’une rencontre amicale contre les Corinthians. La suite on la connaît par les archives pour la plupart d’entre nous. Deux années plus tard, à 17 ans, après une saison remarquable avec son club, il intègre le must, l’équipe du Brésil qui doit s’envoler pour la coupe du monde en Suède. Sans imaginer la suite, il va devenir le sauveur de tout un peuple encore marqué par la défaite en finale de la Coupe du Monde 1950 face à l’Uruguay (0-1). C’était au Maracana !

Mais blessé quelques jours avant le début de la compétition, il doit patienter jusqu’au troisième match décisif contre l’URSS. Le Brésil s’impose grâce à un doublé de Vava et se qualifie pour les quarts de finale. Pelé est dès lors titularisé à toutes les rencontres. En quarts de finale contre le pays de Galles (1-0, but de Pelé). En demi-finale contre la France (5-2, triplé de Pelé). Puis, enfin, en finale contre le pays hôte, la Suède, le Brésil devient, pour la première fois, champion du monde en les battant 5-2 (doublé de Pelé). Six buts en l’espace de trois rencontres ! Seul le Français Just Fontaine fera mieux avec treize réalisations.

L’homme aux mille buts, -bien qu’on n’ait jamais pu vérifier l’exactitude du chiffre. Qu’importe ! – va dès lors gravir tous les échelons pour devenir le joueur intemporel, en avance sur tout et surtout en avance. Pour la petite histoire, le 19 novembre 1969, au stade du Maracana à Rio de Janeiro, sur un penalty, il inscrit face au Vasco de Gama ce fameux « millième but ». Un tour d’honneur, un match interrompu vingt minutes avant de reprendre. Le Maracana s’enflamme encore une fois pour son idole !

Mais plus que les buts inscrits, ce sont ce sont ceux qu’il n’a pas convertis, que l’on aimerait retenir, parce qu’ils définissent plus que tous les mots le génie de cet homme. Nous sommes en 1970, la Coupe du Monde, sa dernière, se déroule au Mexique. Les Brésiliens vont remporter cette neuvième édition en écrasant en finale la Squadra Azzurra 4-1 (Pelé, Gérson, Jairzinho, Carlos Alberto). Le Brésilien au sommet de son art, va émerveiller le monde par quelques mouvements venus de l’infini et au-delà.

Pour le premier match du Brésil face à la Tchécoslovaquie, le roi Pelé invente un geste sorti de nulle part, lorsqu’il décide par exemple de tenter un lob de cinquante mètres sur le portier Evo Viktor. Il manque le cadre de quelques centimètres. Le Brésil s’impose finalement 4-1. Au match suivant, opposé au tenant du titre, l’Angleterre, Pelé va mettre en lumière le gardien adverse Gordon Banks qui repousse une tête piquée à bout portant. Cet arrêt est considéré comme l’un des plus beaux arrêts de gardiens de l’histoire. Pelé dira d’ailleurs après le match : « J’ai marqué un but, mais Banks l’a arrêté ». Cependant, malgré les exploits de Banks, le Brésil s’impose 1-0.

Reste enfin ce « truc » inouï en demi-finale face à l’Uruguay. Sur une passe en profondeur de Tostao, Pelé lancé, fait mine de vouloir partir avec le ballon sur la gauche du gardien, mais le laisse filer sur la droite. Il contourne le portier embarqué dans la feinte et récupère la balle. En bout de course, il frappe et rate pour quelques centimètres. Ces trois instants de grâce symbolisent à eux seuls tout ce que représentait le Roi du football. Espérons, que dans une dernière arabesque, le très croyant Edson Arantes do Nascimento, ne feintera pas Saint Pierre en ouvrant les portes du Paradis ?

Le but du siècle qui n’a jamais été filmé

Dans le cadre d’une rencontre du championnat de Sao Paulo face au Esporte Clube Juventude, le jeune Pelé réalise une fois de plus une performance de haut vol. Santos écrase son adversaire 4-0, et Pelé plane sur le match. Un fait de jeu a surtout marqué les mémoires. Hélas, aucune caméra de télévision n’est présente pour immortaliser ce moment en raison du faible intérêt de la partie. Reste que des informaticiens vont réaliser l’exploit de reconstituer l’action en image de synthèse. Lors de cette rencontre au premier abord sans importance, le Roi Pelé a en effet inscrit ce qui reste considéré comme l’un de ses plus grands chefs d’oeuvres. Placé à l’entrée de la surface adverse, il reçoit un centre dans ses pieds, et débute son festival. Contrôle orienté, puis coup du sombrero sur le premier défenseur, rebelote sur le second, et un troisième pour lober le gardien sans que le ballon ne touche une seule fois le sol ! Il n’a plus qu’à pousser la balle de la tête au fond des filets, pour ce qui est encore aujourd’hui qualifié de « plus beau but de tous les temps ».


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