Fragilisées par l’inflation, les classes moyennes redoutent la paupérisation
Selon l’état des lieux des vulnérabilités des Français, édité chaque année par le Crédoc, les classes moyennes inférieures ont été particulièrement impactées par la hausse des prix en 2022.
Pour sa troisième édition depuis 2018, l’Observatoire des vulnérabilités, créé par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) s’est intéressé aux classes moyennes inférieures. Le constat est sans appel : l’inflation accroît la vulnérabilité de cette couche sociale et entraîne repli sur soi et moral en berne. Le Crédoc a sondé les foyers dont les revenus mensuels se situent entre 1 285 et 1 840 euros cet été, alors que l’inflation était à plus de 6 % (7 % pour les produits alimentaires).
Quatre personnes sur dix se disent « en situation de vulnérabilité »
À cette époque, alors que les prix ont commencé à grimper depuis mi-2021, quatre personnes sur dix disent se sentir « en situation de vulnérabilité ». En un an seulement, cette proportion a augmenté de 10 points (20 points de plus en quatre ans). En juillet dernier, 46 % des classes moyennes inférieures se sentaient fragilisées, soit 17 points de plus en un an. En cause, la hausse des prix et des dépenses contraintes, principalement le logement. « La vulnérabilité était déjà en hausse entre 2018 et 2020, probablement à cause de la crise sanitaire, note Sandra Hoibian, directrice générale du Crédoc. Mais cette année, les difficultés se sont considérablement accentuées. L’augmentation des prix, en particulier de ceux de l’énergie, en est la principale raison. » Conséquence : les impayés des charges d’électricité et de gaz vont à la hausse.
Ils sont 18 % à déclarer ne pas avoir pu payer dans la totalité ces dépenses, contre 10 % l’an dernier. Et chez ceux qui se disent vulnérables depuis moins d’un an, les difficultés à payer les charges d’énergie passent à 37 %. « L’augmentation des prix de l’énergie touche tous les foyers, précise Sandra Hoibian. Tout le monde tente de baisser le chauffage. Mais la différence parmi les classes moyennes inférieures, c’est qu’elles vont avoir tendance à renoncer à certains déplacements. Chez des proches, mais aussi pour des démarches administratives, des formations… Elles vont reporter certaines dépenses, repousser l’entretien de la voiture, limiter les déplacements, y compris pour les achats alimentaires. »
Un quart des Français craint de basculer dans la pauvreté
En toute logique, les foyers demandent plus souvent des aides. Ainsi, 20 % des personnes interrogées ont obtenu au moins une aide des pouvoirs publics ou des associations, contre 15 % en 2021. Des demandes qui ont notamment progressé lors de difficultés de paiement. Si les demandes provenant des personnes ayant des bas revenus ont progressé, l’augmentation la plus forte concerne les classes moyennes inférieures : 27 % ont sollicité au moins une allocation en juillet dernier, soit 11 points de plus qu’en 2021. Pour la directrice générale du Crédoc, « les aides permettent d’éviter certaines situations, mais elles peuvent aussi participer au sentiment de fragilité ». Et, avec lui, la peur de basculer dans la pauvreté. Un quart des Français le craignent (27 % des classes moyennes inférieures). « Les crises se succèdent : le Covid, l’énergie, l’inflation… Dans les années 1980, la France a connu des périodes d’inflation, mais les gens n’étaient pas si négatifs. Les salaires suivaient l’inflation. Aujourd’hui, beaucoup d’incertitudes pèsent sur l’avenir. »
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Selon Sandra Hoibian, focaliser des aides spécifiques sur les plus modestes éloigne la population du soutien à la protection sociale. « Une grande partie de la population, notamment les classes moyennes inférieures, se sent moins bien prise en charge. L’universalité des aides gagnerait pourtant à être prise en compte. Aujourd’hui, personne ne remet en question la Sécurité sociale, par exemple. Elle permet le soutien aux plus modestes, mais elle est aussi accessible aux classes moyennes. Tout le monde est inclus dans le dispositif. »
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Au-delà des difficultés financières, l’enquête souligne la forte progression dans toute la population d’un sentiment de solitude. Au cours de ce premier semestre, près d’un tiers des Français se sentent seuls tous les jours ou presque. Certes, la reprise des liens sociaux est aujourd’hui palpable. « Mais avec une moins grande diversité, explique Sandra Hoibian. Les gens ont resserré les rencontres sur un réseau plus restreint, les liens forts qui ont été maintenus durant le Covid, et ont perdu beaucoup de relations au passage. Beaucoup de jeunes sont en dépression, notamment les jeunes femmes. La fracture créée entre les pro et anti-vaccin a laissé des traces. Avec le télétravail, l’augmentation du prix du carburant, on reste davantage chez soi. Les lieux de loisirs où l’on pouvait se croiser comme le cinéma ou les concerts sont moins fréquentés qu’avant… »
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