Contre les violences faites aux femmes, l’État toujours loin du compte

Les budgets consacrés par l’État à la lutte contre ces violences sont quinze à trente fois inférieurs aux besoins, alerte la Fondation des femmes, dans un rapport publié ce lundi.

D’après le dernier rapport de la Fondation des femmes, les moyens alloués à la lutte conte les violences faites aux femmes est entre quinze et trente fois inférieures aux besoins réels.
© BERTRAND LANGLOIS / AFP

En matière de politiques publiques, la volonté se mesure toujours à l’engagement budgétaire. Dans son nouveau rapport intitulé « Où est l’argent contre les violences faites aux femmes ? », publié ce lundi 25 septembre, la Fondation des femmes fustige à nouveau « l’écart abyssal entre les dépenses de l’État et les besoins nécessaires en matière de violences conjugales, sexistes et sexuelles ».

Dans ce document extrêmement précis et argumenté de 88 pages, l’organisation affirme qu’il faudrait entre 2,6 et 5,4 milliards d’euros, et non plus seulement 1 milliard, pour lutter efficacement contre l’ensemble de ces violences, alors que l’État n’a dépensé en 2023 que… 184,4 millions d’euros.

Ce travail, qui sort dix jours après une étude très sévère de la Cour des comptes sur les politiques d’égalité femmes-hommes, est une version actualisée d’un premier bilan dressé en 2018, qui pointait déjà des manques criants. Depuis, les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc ont favorisé une vaste libération de la parole, la multiplication des promesses et autres plans gouvernementaux, dont un « Grenelle » en 2019, sans que justement les conséquences ne soient palpables sur le plan budgétaire. « Le compte n’y est toujours pas ! » résume la Fondation des femmes.

Les budgets ont progressé un peu, mais les besoins ont explosé

Car, si les dépenses de l’État consacrées à la lutte contre ces violences ont certes progressé en cinq ans (de 50 millions d’euros), le nombre des victimes qui sollicitent les associations et les pouvoirs publics a, lui, explosé : +83 % pour les victimes de violences conjugales en cinq ans ; +100 % pour les victimes de violences sexuelles (hors couple) en dix ans. Résultat : « L’augmentation en valeur absolue (du budget de l’État – NDLR) masque une baisse des dépenses par victime », relève le rapport. Ainsi, pour les violences conjugales, alors que les pouvoirs publics engageaient en moyenne 1 310 euros pour chaque victime en 2019, cette somme n’était plus que de 967 euros en 2023, soit une baisse de 26 %.

Et sur les violences sexuelles (hors couple), analysées pour la première fois dans ce rapport, le constat est encore plus accablant. En 2023, l’État n’a investi que 12,7 millions d’euros, quand 344 millions seraient nécessaires, au minimum, selon la Fondation des femmes, un engagement qui « reste dérisoire et témoigne d’une véritable zone blanche politique », indique l’ONG. Cette estimation « minimale » correspond au nombre de faits enregistrés par les services de sécurité. Si on prend en compte ceux déclarés lors des enquêtes de victimation, les besoins ne seraient alors plus de 344 millions, mais de 2,2 milliards !

20 centimes d’euro par femme, pour les victimes de viol…

Un exemple de ce sous-investissement criant pour les victimes de viol et d’agression sexuelle ? Il n’existe qu’un seul dispositif dédié, la ligne téléphonique gérée par le Collectif féministe contre le viol (CFCV), « Viols Femmes Informations ». « Et sa subvention est tout bonnement indigente, accuse la Fondation des femmes. L’État alloue au CFCV l’équivalent de 20 centimes d’euro par femme victime de viol, tentative de viol ou d’agression sexuelle hors couple pour qu’elle soit écoutée. »

« La grande ambition affichée persiste ainsi à accoucher d’une souris budgétaire. À grande cause, petits moyens », déplore Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la fondation, qui réclame la mise en place de « financements pluriannuels », d’un « guichet unique » pour les demandes de subventions ou encore le recrutement de « 5 000 enquêteur·ice·s et 600 magistrat·e·s spécialisé·e·s dans ces violences sexistes et sexuelles ».


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