Fret SNCF : comment le gouvernement organise la grande braderie

  • Dix-sept ans après l’ouverture à la concurrence, Fret SNCF est sous le coup d’une enquête de la Commission européenne pour les aides publiques perçues entre 2007 et 2019.
  • Le ministre Clément Beaune a fait le choix de liquider l’entreprise.
  • Les syndicats appellent à une journée de grève, ce jeudi 15 juin.
Le gouvernement organise un démantèlement de Fret SNCF. L’entreprise devra céder 30 % de ses activités et 20 % de son chiffre d’affaires à ses concurrents © Demian Letinois Taillant

Le gouvernement organise un démantèlement de Fret SNCF. L’entreprise devra céder 30 % de ses activités et 20 % de son chiffre d’affaires à ses concurrents
© Demian Letinois Taillant

C’est un dossier à 5,3 milliards d’euros. Ces aides publiques perçues par Fret SNCF entre 2007 et 2019 valent à l’entreprise l’ouverture d’une enquête par Bruxelles, après le dépôt de trois plaintes de ses concurrents.

«Fret SNCF a subi pendant une longue période des pertes annuelles très importantes couvertes par l’État au détriment des concurrents qui n’ont pas eu accès à un tel soutien», a fait savoir Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission européenne, dans de mercredi (article payant).

459 emplois, soit 10 % des effectifs de Fret SNCF, sont d’ores et déjà visés

Pour éviter de rembourser cette somme, en cas de condamnation, Clément Beaune a présenté, le 23 mai, un plan de«discontinuité économique» . En clair : Fret SNCF va disparaître, remplacée par de nouvelles entreprises, afin que «la Commission constate une discontinuité économique entre Fret SNCF et les nouvelles entités», écrit le ministre des Transports, dans un courrier adressé à Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF.

Pour Thierry Nier, secrétaire général de la CGT cheminots, il s’agit, ni plus ni moins, d’une «liquidation de Fret SNCF, l’outil public tel qu’on le connaît aujourd’hui». Le tout s’accompagnant d’une impressionnante vague de suppressions de postes : 459 emplois, soit 10 % des effectifs de Fret SNCF, sont d’ores et déjà visés.

L’ensemble des organisations syndicales refuse cette perspective aberrante et appelle à la grève, ce jeudi 15 juin. Un rassemblement est prévu à 13 heures devant le siège de la SNCF, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

Selon le projet de restructuration présenté en CSE, que l’Humanité a pu consulter, Fret SNCF sera scindée en deux. À compter du 31 décembre 2024, les activités de gestion capacitaire seront transférées dans une nouvelle filiale du groupe SNCF (pour l’heure appelée SNCF New-EF).

L’entreprise devra céder 30 % de ses activités et 20 % de son chiffre d’affaires à ses concurrents

Au sein de SNCF SA, cette dernière sera rattachée à la holding Rail Logistics Europe, qui intégrera également en son sein des sociétés de fret comme Captrain, de même que la future entité, dénommée provisoirement SNCF New-M et qui récupéra les activités de maintenance du fret.

De plus, ces entités ne pourront pas reprendre l’appellation de Fret SNCF. Mais ce n’est pas tout : l’entreprise devra céder 30 % de ses activités et 20 % de son chiffre d’affaires à ses concurrents. Cela concerne 23 flux de «train dédiés», affrétés par des clients uniques comme ArcelorMittal ou Novatrans.

Le train des primeurs entre Perpignan et Rungis en fait partie. Selon le calendrier, ces transferts devront être notifiés au 31 décembre 2023, avec un délai jusqu’au 1er juillet 2024, le cas échéant. Enfin, à compter du 1er janvier 2024, ni Fret SNCF, ni la future entité ne pourront candidater sur le marché de trains dédiés pour une période de dix ans.

Dans cette opération, Fret SNCF léguera 40 % de ses actifs immobiliers, dont la plateforme logistique de Saint-Priest (Rhône). L’entreprise devra vendre au prix du marché 39 de ses locomotives électriques et restituer 23 engins moteurs loués. Un appel à volontariat sera lancé pour une mobilité volontaire sécurisée ou une mise à disposition de conducteurs Fret SNCF auprès des concurrents privés.

Un démantèlement en bonne et due forme, exécuté sur l’autel de la concurrence «libre et non faussée», en décalage complet avec le plan national de 100 milliards d’euros d’ici à 2040 pour le ferroviaire, annoncé en février

 


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