Votée mercredi soir à l’Assemblée nationale par la majorité, la proposition de loi ambitionnant de renforcer la prévention en milieu professionel ne fait qu’effleurer les problèmes, selon le député PCF des Bouches-du-Rhône.
La proposition de loi portée par deux députés de LaREM pour « renforcer la prévention en santé au travail » a été votée par l’Assemblée mercredi soir. Censé insuffler une nouvelle dynamique de prévention, ce texte a été rejeté par le groupe communiste, les insoumis et les socialistes. Le député PCF Pierre Dharréville, par ailleurs auteur d’un rapport parlementaire sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie, critique sa faible portée.
Les salariés gagnent-ils de nouveaux droits avec ce texte ?
Pierre Dharréville Le seul point à peu près positif a trait à l’obligation d’archiver le document unique d’évaluation des risques professionnels. Cela va permettre une meilleure traçabilité des expositions aux risques. Pour le reste, il s’agit d’une loi de tout petit périmètre, dont certaines mesures sont problématiques. Il s’agit, pour une portion de la majorité, d’une opération de rachat. Le gouvernement reste celui qui a cassé le Code du travail en 2017, supprimant notamment les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, annulant les dispositifs de prise en compte de la pénibilité. Il porte la marque de ces décisions coupables. Les députés de la majorité tentent de donner un signal contraire.
Les textes existants sont-ils suffisants ? Ne fallait-il rien changer ?
Pierre Dharréville On aurait pu voir plus grand. Par exemple, on aurait pu modifier l’organisation et l’implantation des services de santé au travail, afin de les intégrer dans l’univers de la Sécurité sociale. Ils auraient gagné en indépendance, en capacité d’action pour agir sur le terrain. Cette proposition de loi aurait pu reprendre celle que j’avais formulée en faveur de la création d’un cadastre des maladies professionnelles. Cet outil permettrait de ne plus en rester au simple stade de la reconnaissance de ces pathologies, mais de remonter aux sources pour s’attaquer aux causes. Il faudrait d’ailleurs renouveler le tableau des maladies professionnelles reconnues pour prendre en compte tous les risques physiques, chimiques et psychosociaux encourus par les travailleurs. Le Covid-19 y a été intégré, mais c’est un parcours du combattant pour faire reconnaître son affection. Cette loi ne fait qu’effleurer le problème de l’explosion du nombre d’exclusions du travail pour inaptitude. La santé au travail, ce devrait être du concret, ça se joue au niveau de chaque poste de travail, de l’organisation du travail. Cette loi refuse de regarder les contradictions du travail, à la fois lieu émancipateur et où s’exercent des pressions sur l’être productif pour plus de rentabilité et de productivité.
À l’inverse, quelles sont les mesures problématiques dont vous parlez ?
Pierre Dharréville Un article crée une « offre socle » pour les « services santé et de prévention au travail ». Qui dit offre socle dit aussi offre premium. On introduit ainsi une possibilité de traitements différenciés entre les salariés, tout en portant atteinte à l’obligation de moyens fixée aux employeurs. Et on intègre des organismes de certification qui vont venir juger du travail des services de santé, alors qu’un agrément public existe. Je ne vois pas non plus la plus-value apportée par la visite obligatoire instaurée à mi-carrière. Quant aux passerelles établies entre le médecin du travail et le médecin traitant, elles posent des questions de transfert d’informations liées au secret médical. La question de la santé au travail reviendra vite vers le législateur, car cette loi est trop étriquée.
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