Après trois années de gestation, la loi sur les collectivités et le territoire doit être votée ce mardi par les députés. Avec au final peu d’avancées, quelques dangers et des mesures emblématiques. Décryptage des principales d’entre elles.
Ce devait être la grande loi du quinquennat sur les collectivités locales et l’aménagement du territoire. Mais la loi « 3DS », pour « différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification », n’est au final, de l’aveu même de la ministre Jacqueline Gourault, qu’un texte « très technique ». Une loi fourre-tout également que les députés votent ce mardi avec de multiples ajouts et modifications apportés par la Macronie après que le Sénat eut largement amendé le texte. Ensuite, le gouvernement et la majorité devront négocier serré avec le Sénat pour une adoption rapide via une commission mixte paritaire, prévue le 27 janvier. Sinon, il sera impossible que la loi soit définitivement adoptée avant la fin de la session parlementaire, en février.
La différenciation devait être le grand œuvre d’Emmanuel Macron : la possibilité pour les collectivités de mener des expérimentations locales, quitte à déroger aux lois et décrets fixés par le législateur sur l’ensemble du territoire. Une mesure qui « nous semble dangereuse pour l’unicité de la République », dénonçait le parlementaire communiste Sébastien Jumel lors de l’examen par l’Assemblée. Les députés ont modifié le texte en précisant que la différenciation est possible « pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ». Des termes qui demeurent flous et ouvrent la voie à une évolution juridique inégale entre les collectivités. Ce sera déjà le cas pour les communes insulaires des petites îles métropolitaines, qui voient leur spécificité reconnue « dans la loi ». Lors du vote par le Sénat, la sénatrice PCF Cécile Cukierman pointait déjà une mesure qui « aura inévitablement pour effet d’accroître la concurrence entre collectivités ». Dans la lignée des mouvements de métropolisation et d’intercommunalisation impulsés par les lois Notre et Maptam lors du quinquennat Hollande et qui ont bouleversé l’organisation territoriale de la France.
La toute-puissance des intercommunalités
Si de nombreux articles, souvent techniques, touchent au logement et à l’urbanisme, la question centrale sur le sujet concerne la loi « SRU », qui impose aux communes un taux de logements sociaux de plus de 20 %, seuil porté à 25 % en 2013. Sous peine de sanctions qui ne sont en fait que rarement appliquées. Or, si le projet de loi « 3DS » prolonge ces mesures dans un « objectif renouvelé de mixité sociale », le texte prévoit à nouveau une possibilité de déroger en signant un « contrat de mixité sociale ». Lequel permettra à une commune cossue d’échapper aux sanctions en « adaptant ses objectifs ». Sans surprise, la majorité sénatoriale de droite a tenté de détricoter complètement la loi SRU, sans succès. Autres mesures sur le logement : le prolongement de l’expérimentation de l’encadrement des loyers et la possibilité pour les collectivités de sanctionner directement les propriétaires récalcitrants au plafonnement des loyers – mesure par ailleurs prolongée de trois ans.
Malgré les demandes des maires de France de revenir sur la toute-puissance des intercommunalités, celles-ci restent l’échelon privilégié pour de nombreuses compétences, même si elles pourront en déléguer certaines aux communes. Le point d’achoppement entre les sénateurs et le gouvernement restait les compétences eau et assainissement : celles-ci demeureront du ressort des intercommunalités, ce que déplore également l’Association des maires de France. Quant aux départements, ils sont concernés par deux dispositions importantes, en premier lieu la question brûlante de la recentralisation du RSA, déjà entérinée pour la Seine-Saint-Denis, où il représente une dépense de près de 70 millions d’euros annuels. Les autres départements pourront être candidats à cette reprise par l’État jusqu’au 30 juin. Enfin, près de 10 000 km de routes pourraient leur être transférés – ainsi qu’à quelques régions candidates. Avec le risque, là encore, que leur entretien soit inégalement assuré.
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