Comment évaluer le ministère Blanquer ? En attendant les résultats de Pisa, en oubliant ceux des évaluations nationales, il reste comme évaluation sérieuse l’enquête CEDRE réalisée tous les 6 ans par la Depp (division des études du ministère). Les résultats des évaluations en français viennent d’être publiées. Ils montrent une légère hausse de niveau à l’école et une stabilité au collège. Mais ces légers frémissements cachent les vrais changements. Après une décennie de réduction des inégalités sociales de résultats, les 5 années du premier quinquennat Macron se traduisent par une explosion des inégalités. L’école et le collège sont devenus encore plus inégalitaires. Reste à comprendre pourquoi.
A l’école
La DEPP publie deux Notes d’information sur la maitrise du français en fin d’école et de collège réalisées dans le cadre de l’enquête CEDRE. Elles portent sur l’évaluation d’un échantillon d’élèves réalisée en 2021. La précédente évaluation, en 2015, montrait une réduction des écarts de niveau à l’école et un relèvement global du niveau au collège. Six ans plus tard la situation s’est sensiblement dégradée.
En fin d’école, les élèves évalués en 2021 sont entrés en CP en 2016 et ont connu les réformes Blanquer. Globalement l’enquête CEDRE montre une très faible hausse des performances, le niveau passant de 251 à 254 entre 2015 et 2021. « Dans le même temps la dispersion des résultats augmente », écrit la Depp. 62% des élèves ont une maitrise correcte des compétences attendues alors qu’ils étaient 60% en 2015. 11% des élèves sont de très faibles compreneurs.
Surtout les écarts sociaux augmentent. Les élèves du public non prioritaire ont un taux moyen de 257 en hausse de 5 points par rapport à 2015. Le score du privé augmente aussi passant de 260 à 263. Le score moyen des élèves de l’éducation prioritaire est stable. Par suite l’écart entre eux et les élèves hors éducation prioritaire augmente alors qu’il n’avait cessé de se réduire depuis 2003. La part des élèves très faibles repart à la hausse en éducation prioritaire alors qu’elle s’était réduite dans la décennie précédente.
L’image de la lecture reste marquée elle aussi par les inégalités sociales. Si pour les enfants favorisés elle permet de s’évader, pour les plus fragiles, pour ceux des milieux populaires elle ne sert qu’à apprendre. Pas à se faire plaisir.
Au collège
Au collège, ce sont les élèves de 3ème qui ont été évalués en 2021. Par rapport à 2015, le niveau est stable. 56% des élèves ont une maitrise satisfaisante, soit 2% de moins qu’en 2022.
La part des élèves très faibles est passée de 15 à 17%. » Les élèves scolarisés en éducation prioritaire (EP) voient leurs performances baisser depuis 2015 (- 8 points) », écrit la Depp. « Dans le même temps, les performances sont stables dans le secteur public hors EP. De ce fait, l’écart entre les scores moyens de ces deux groupes d’élèves augmente. Il passe de 17 points en 2015 à 22 points en 2021. En EP, 30,2 % des élèves se situent dans les groupes de bas niveau ».
« Le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves se confirme en particulier dans les établissements accueillant les élèves les plus et les moins favorisés », poursuit la Depp. Environ un tiers des élèves se déclarent rapidement découragés ou démunis de stratégie de lecture ».
Ces résultats montrent un véritable revirement pour l’enseignement du français sous le premier quinquennat Macron. La décennie précédente a été une décennie de progrès des élèves de l’éducation prioritaire et donc de réduction des inégalités. Le principal résultat du premier quinquennat c’est l’aggravation des écarts sociaux de réussite.
Des réformes néfastes
Comment expliquer cette évolution ? Une part ne concerne sans doute pas l’école mais l’aggravation des conditions de vie des élèves les plus défavorisés. Elle revient à la politique sociale globale du gouvernement qui a accru la pauvreté et aggravé les conditions de vie des enfants défavorisés.
Mais l’éducation nationale a aussi sa part. Les réformes introduites par JM Blanquer à l’école, notamment le plan français, n’ont pas réussi aux plus défavorisés. L’accent mis sur les fondamentaux, la promotion des pédagogies traditionnelles de la répétition à travers de nombreux guides, ont visiblement profité aux enfants favorisés. Elles ont aidé les plus pauvres à couler. Les cinq dernières années ont été celles de l’adaptation de l’Ecole aux plus aisés. Elles ont tourné le dos et finalement annulé 10 ans d’efforts en faveur des élèves pauvres.
François Jarraud
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.