AESH, un métier en mal de reconnaissance 

Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, de plus en plus d’élèves en situation de handicap sont scolarisés en milieu ordinaire – dans les écoles, collèges et lycées. Une avancée notable pour le droit des enfants en situations de handicap, leurs familles mais aussi pour l’ensemble de la société qui opère un changement dans le regard qu’elle porte sur le handicap. Pourtant, comme souvent lorsqu’il s’agit d’éducation et du secteur public, les moyens sont loin d’être à la hauteur. Dix-sept ans après la promulgation de la loi, près de 430 000 enfants sont scolarisés en milieu ordinaire, ils étaient moins de 127 000 en 2004-2005 selon la DEPP. Les AESH jouent un rôle majeur dans l’adaptation de la scolarisation. Pas assez nombreuses (94% sont des femmes), leurs conditions de travail mais aussi leur manque de formation les empêchent bien souvent de mener à bien leur mission.

 119 018 AESH – Accompagnant d’Élève en Situation de Handicap – travaillent au quotidien auprès d’élèves en situation de handicap. Depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, le nombre d’élèves en situation de handicap accueillis en classe ordinaire ou dans des dispositifs spécifiques en milieu ordinaire (école, collège et lycée) a explosé. En 2020, la DEPP dénombrait près de 400 000 élèves scolarisés tous degrés confondus, ils seraient 430 000 à la rentrée 2022.

Cela ressemble à une avancée au service de l’école inclusive mais sur le terrain, c’est loin d’être tout rose, comme l’explique Sabrina Djidar, maman d’un élève diagnostiqué autiste en Petite Section et qui se bat pour sa scolarisation. « Dans l’école de mon fils, il y a seize enfants en situation de handicap avec des notifications de la MDPH (Ndlr : Maison Départementale des Personnes Handicapées qui statue sur les besoins d’accompagnement) pour seulement deux AESH. C’est tout bonnement impossible d’accompagner les enfants. Mon fils a une place dans notre société, et cette place, il y a droit. L’État doit prendre ses responsabilités ». En Petite Section, avant que son enfant ait une notification, cette maman a passé ses journées à l’école. « Pendant un an, j’ai mis ma vie personnelle et professionnelle de côté. J’étais en classe avec mon fils, j’ai mis en place des choses essentielles pour son intégration comme le minuteur, les supports visuels qui permettent de limiter les crises d’angoisse. Et cette année, s’il ne bénéficie pas de tout ça, il va régresser, il va perdre le peu qu’il avait acquis… »

Pas assez d’AESH et très majoritairement sur des temps partiels

Une situation que dénonce Cécile Stassi, représentante des AESH pour le SNUipp-FSU. « Aujourd’hui, on fait du saupoudrage. On donne une heure par ci, une heure par-là alors que certains élèves sont notifiés jusqu’à 24 heures ». Pourtant, le droit à un accompagnant, lorsqu’il a été notifié par la MDPH est un droit opposable. Lorsque les familles saisissent les tribunaux, elles ont gain de cause et l’institution est condamnée. Ce fut le cas à Marseille où des parents ont porté plainte. « Il y a une forme d’opacité dans la gestion des AESH. Les responsables de PIAL peuvent dire aux familles que leur enfant est accompagné, même si c’est à raison d’une heure par semaine… » déplore Cécile Stassi.

Lors de sa conférence de rentrée, le Ministre annonçait que « des moyens d’accompagnement supplémentaires pour les élèves vont être alloués pour cette rentrée avec le recrutement de 4 000 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ». C’est loin d’être suffisant au regard des besoins. 119 018 accompagnants, c’est 74 639 postes à temps pleins – 97% de ces personnels travaillent à temps partiel – pour près de 430 000 enfants scolarisés en milieu ordinaire. Pourtant leur mission est primordiale.

Depuis la loi de 2005, pour une société plus égalitaire et inclusive, les personnes en situation de handicap bénéficient de compensations. Elles sont de plusieurs ordres : aménagements (voiture, habitation…), allocation et pour les élèves, un projet personnalisé de scolarisation qui comprend des aménagements de la scolarité, le suivi par des établissements médico-sociaux (tels que les SESSAD) et l’accompagnement par une AESH quand cela est pertinent. Les missions de ces accompagnants sont fondamentales dans le cadre d’une scolarité en milieu ordinaire comme l’indique le site du ministère. « Les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont des personnels chargés de l’aide humaine. Ils ont pour mission de favoriser l’autonomie de l’élève en situation de handicap… Ils sont des acteurs-clés qui contribuent à la mise en place d’une École pleinement inclusive, pour offrir à chaque élève, de la maternelle au lycée, une scolarité adaptée à ses besoins ».

Manque de reconnaissance et de formation

Alors que le discours officiel semble mettre en avant le rôle fondamental des AESH, les syndicats notent quant à eux un manque de reconnaissance de la professionnalité de ces personnels. « Notre métier est au carrefour de trois domaines : la médiation scolaire, l’éducation spécialisée et un peu de pédagogique » explique Cécile Stassi. « Nous sommes des professionnels mais pas des enseignants. Il y a un manque de reconnaissance de notre professionnalité. Notre professionnalité, on la crée au quotidien, on se forme tout seul, on se renseigne, on est aiguillé par d’autres professionnels… Mais tout cela dépend de nous. On a juste le droit à 60h de formation à nos débuts – et encore, pas toujours. C’est une formation très administrative et pas sur les différents types de handicaps, et les différents types d’accompagnements. L’autisme est très différent du TDHA par exemple… ». Et selon la responsable syndicale, même lorsque les AESH demandent des temps de formation, aucun moyen n’y est alloué, « c’est très disparate, c’est en fonction des bonnes volontés au niveau des DSDEN, des rectorats ».

Pourtant, sur le site du ministère, il est indiqué que « Les personnels d’accompagnement reçoivent une formation initiale et peuvent bénéficier d’une formation continue… Des actions de formation continue sont proposées dans le cadre des plans académiques ou départementaux de formation, mais aussi de formations avec les enseignants, ou encore d’actions de formations nationales dans le domaine de la scolarisation des élèves en situation de handicap ». Là encore, la réalité semble très loin de l’affichage politique. « L’État doit valoriser le travail des AESH » ajoute Sabrina Djidar, « il faut qu’elles soient formées sur les différentes caractéristiques du handicap. Aujourd’hui, les équipes enseignants dans les écoles sont démunies, sous tension, c’est source d’incompréhension entre les parents et l’école. Ce n’est pas normal ». Elle dénonce aussi les conditions d’apprentissages des autres élèves qui sont entravées par l’accueil coûte que coûte et sans moyens des élèves en situation de handicap.

Une situation dénoncée par la Défenseure des droits et des élus politiques

Le 26 août dernier, la Défenseure des droits, Claire Hédon, se saisissait de la question et publiait le rapport « L’accompagnement humain des élèves en situation de handicap » dans lequel elle dénonçait les conditions de cet accueil. « Je regrette que l’accueil des enfants en situation de handicap à l’école soit trop souvent bricolé et que les modalités de leur scolarisation soient encore inadaptées. Cela contribue à aggraver des situations et à éloigner encore davantage les enfants de l’école au lieu de les inclure ».

Mardi 4 octobre, la députée Francesca Pasquini (EELV) interpellait le ministre de l’Éducation nationale au sujet du manque d’accompagnants dans les écoles et les conditions de travail des AESH. « À la question de savoir si 4000 postes supplémentaires suffiront à régler la situation, le ministre répond qu’on ne peut pas mettre un AESH derrière chaque élève. C’est méconnaître la réalité du terrain et notamment des élèves qui devraient être accompagnés à 100% et n’ont parfois même pas d’accompagnement pour un dixième de temps prescrit par la MDPH » regrette la députée, encore professeure des écoles en avril dernier…

Le droit à l’éducation est un droit fondamental, pourtant certains élèves en France, en 2022 n’y ont pas accès. Alors, en attendant une réponse à hauteur des besoins, dans les écoles, les AESH font comme elles peuvent malgré la précarité dans laquelle elles vivent. 849 euros en début de carrière à l’échelon 1 et 1049 après trente ans, pour 24 heures par semaine. Les temps partiels imposés, cumulés au manque de formation, rendent peu attractif ce métier indispensable et en mal de reconnaissance.

Lilia Ben Hamouda

 


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