INSERTION S’il demeure plus élevé que le taux global, le taux de chômage des personnes handicapées poursuit sa baisse. À l’occasion de la semaine européenne sur cet enjeu, les associations revendiquent de nouveaux progrès.
«C’était une très bonne opportunité, une alternative à nos modes de recrutement traditionnels, d’autant que c’est inclusif », lance, dans l’auditorium, Tarsilius Susini, responsable DSI Corporate chez Natixis. Ce mercredi 16 novembre, dans le treizième arrondissement de Paris, entreprises et apprentis sont venus raconter les bienfaits de l’insertion des personnes handicapées dans les métiers du numérique à l’occasion d’un consortium. Les différents acteurs présents ont bénéficié du programme THalent digital : un dispositif qui accompagne et propose à des individus en situation de handicap des formations professionnalisantes dans les métiers du numérique, secteur en tension.
Une initiative séduisante aux yeux de Charlotte Muller, cheffe de projet diversité et inclusion pour l’entreprise de services numériques CGI. « Sur la population des personnes en situation de handicap aujourd’hui, on sait que 80 % n’ont pas le bac, donc ce genre de formation est bénéfique, mais il faut du temps et que des entreprises s’engagent derrière. » Et du temps, c’est ce qu’il a fallu à ce projet pour obtenir les résultats escomptés. Lancé en 2020, il avait pour objectif de former au moins 500 personnes en trois ans. Actuellement, « on a déjà dépassé les 530 et on va continuer », se réjouit Véronique Bustreel, directrice de l’innovation, de l’évaluation et de la stratégie à l’Association de gestion pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).
Une obligation pas toujours respectée par les entreprises
Cet organisme, à l’origine de ce projet d’inclusion, coorganise avec d’autres associations et fédérations la 26e Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées. « À quand le plein-emploi pour les personnes handicapées ? » interroge l’édition de cette année, qui s’achève ce dimanche. Un clin d’œil à l’ambition du ministère du Travail d’arriver au plein-emploi d’ici à 2027. Un objectif réellement atteignable ou simple effet de manche ?
En juin dernier, 460 000 personnes handicapées étaient inscrites à Pôle emploi, contre 515 531 en 2018. Le taux de chômage est ainsi passé de 18 % à 13 % en quatre ans, un progrès. Mais il reste presque deux fois plus important que celui de la population valide (7,4 %). « Que ce soit le taux de chômage ou le taux d’emploi : les chiffres restent assez proches de ce qu’il y avait ces dernières années, donc ce n’est pas non plus une évolution significative. Nous ne pouvons pas encore parler de plein-emploi pour les personnes handicapées », souligne Carole Saleres, conseillère nationale au sein d’APF France Handicap.
Un avis partagé par les principaux concernés. Un sondage récemment publié par l’Agefiph et l’Ifop révèle que moins d’une personne handicapée sur cinq pense que le plein-emploi peut être atteint d’ici à 2027. D’autant plus que les entreprises ne respectent pas toutes l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. La loi exige que chaque société d’au moins 20 salariés compte au moins 6 % de travailleurs handicapés dans son effectif. En cas de non-respect, elle doit s’acquitter d’une contribution au Fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées. Le seul hic ? La théorie est plus jolie que la pratique. Sur l’année 2021, on se situe à 3,5 %, un chiffre insuffisant.
« Cette obligation existe depuis 1987 et, pourtant, on se rend compte que ça progresse peu », se désole Carole Saleres. Les chiffres varient en fonction de la taille des entreprises, les petites éprouvant plus de difficultés à respecter la règle : 3,3 % pour celles de 20 à 49 salariés, contre 4,5 % pour celles de 250 à 499 salariés et 6,1 % pour celles de 2 500 salariés ou plus, selon la Dares.
Des troubles qui n’effacent pas les compétences mais que l’on cache
Les obstacles à l’embauche relèvent également de facteurs obsolètes. Certains employeurs voient encore le handicap comme un frein, selon la conseillère. « Il y a des études qui montrent qu’un recruteur va avoir des appréhensions si vous êtes bénéficiaire du RSA ou en situation de handicap. Ce sont souvent des facteurs qui font peur. » C’est le cas de Dina Fourneret. Une écharpe verte autour du cou, cette femme tente de retrouver du travail à la suite d’un problème de santé. « Je suis une personne handicapée depuis huit ans. J’ai eu deux AVC et je suis maintenant aphasique, c’est-à-dire que j’ai perdu tous mes mots. C’est comme si je n’avais plus de langue maternelle. »
Selon elle, les autres personnes atteintes de ce trouble neurologique le cachent à leur employeur par crainte de perdre leur emploi. Pourtant, ce handicap n’efface en rien les compétences. Avant de se retrouver au chômage, Dina Fourneret s’était bâti une carrière professionnelle. « Je suis cheffe d’entreprise, j’ai fait des choses merveilleuses, mais, quand il s’agit de recrutement auprès de grandes sociétés, on me répond toujours “non Dina, je suis vraiment désolé”. » Une injustice pour cette femme qui souhaite que les entreprises se sensibilisent sur le handicap cognitif. Un enjeu déjà soulevé par les associations. Dans leur baromètre sur la perception de l’emploi des personnes en situation de handicap, en décembre 2021, l’Agefiph et l’Ifop avaient révélé que « moins de 10 % des personnes interrogées (recruteurs et salariés ou grand public) savent que 80 % du handicap est invisible ».
Les défis sont donc encore nombreux bien que tout ne soit pas à jeter. Selon Didier Eyssartier, directeur général de l’Agefiph, « les choses progressent, on sent une dynamique en place, mais il reste des progrès importants à faire autour de la représentation du handicap. Il faut simplifier l’accès à l’emploi pour ces personnes ». Même son de cloche pour Pôle emploi qui écrivait sur son site Internet, l’année dernière, que « les secteurs en tension ont beaucoup d’atouts à retirer du recrutement de personnes en situation de handicap ». Des pas en avant, donc, mais il convient de ne pas restreindre cette intégration uniquement lorsque les entreprises se retrouvent face à un manque de main-d’œuvre.
En savoir plus sur Moissac Au Coeur
Subscribe to get the latest posts sent to your email.