La sénatrice PCF Laurence Cohen appelle à la création d’un pôle public du médicament et à la reconquête de l’appareil industriel sanitaire français, au moment où Emmanuel Macron annonce, ce mardi, à l’occasion d’une visite en Ardèche, la relocation d’une « cinquantaine de médicaments essentiels » dont la moitié dans « les semaines à venir ».
Du paracétamol à l’amoxicilline cet hiver, ou plus récemment le misoprostol, molécule des pilules abortives, la raréfaction des stocks de produits pharmaceutiques inquiète. La pénurie fait peser de graves dangers sur la santé des Français. C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron s’est rendu, mardi 13 juin, au laboratoire Aguettant (Ardèche) pour présenter un plan de « reconquête sanitaire ».
Parmi les annonces du chef de l’Etat figure la relocalisation d’une première « cinquantaine de médicaments essentiels pour lesquels notre dépendance aux importations extra-européennes est avérée », dont la moitié « verront leur production relocalisée ou augmentée significativement (…) dans les semaines à venir ». Une liste « unique » et « évolutive » de 450 médicaments a également été évoquée par le président afin d’atteindre « l’objectif de sécurisation des chaînes d’approvisionnement de ces molécules au niveau français et européen ». « Un plan blanc du médicament sera développé », a-t-il ajouté, sans plus de détail sur ce dispositif déjà annoncé précédemment par le ministre de la Santé. Retour sur le contexte dans lequel interviennent ces déclarations du locataire de l’Elysée avec Laurence Cohen, rapporteure de la commission d’enquête du Sénat sur la pénurie de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française.
Quelle est la situation de la production de médicaments ?
La France est touchée par des pénuries extrêmement importantes : elles ont été multipliées par dix entre 2008 et 2017. Aujourd’hui, elles sont pratiquement hors de contrôle avec plus de 3 000 signalements de rupture en 2022 selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. L’une des causes ? Depuis trente ans, les laboratoires pharmaceutiques ont délocalisé leur production dans des pays où les exigences sociales et environnementales sont plus laxistes qu’en France.
Par soucis de rentabilité, 80 % des principes actifs sont produits en Asie, notamment en Inde et en Chine. Pendant la pandémie de Covid, cela a posé des problèmes de pénuries de curares (utilisés en anesthésie générale – NDLR). Nous sommes dépendants d’autres pays, d’où la nécessité de revisiter le système économique de notre politique du médicament. Ce constat est partagé, mais les solutions ne font pas toutes consensus au sein de la commission d’enquête dont je suis rapporteure au Sénat. Nous avons jusqu’à début juillet pour faire des propositions.
Vous soutenez la création d’un pôle public du médicament, comme l’ont défendu les sénateurs PCF dans une proposition de loi en 2020…
Ce pôle public irait dans le sens de la recherche, de la fabrication et de la diffusion des traitements. Il permettrait de sortir le médicament de la logique de marché, car ce n’est pas une marchandise lambda, mais un bien universel. Il est donc indispensable qu’il y ait une initiative prise au niveau des pouvoirs publics. Certes, des labos privés permettent une amélioration de la santé des populations.
Mais nous constatons que les gouvernements n’ont pas de contre-pouvoir capable de modifier tel ou tel choix des industries pharmaceutiques. Un pôle public viendrait ainsi soutenir une relocalisation des usines, avec dans un premier temps la possibilité d’organiser une production publique pour une liste de médicaments essentiels, régulièrement en rupture de stock.
Voir aussi :Pour une production collaborative de médicaments
Qu’attendez-vous de la visite d’Emmanuel Macron ce mardi au laboratoire Aguettant ?
Le président a l’habitude de prononcer des formules fracassantes. Nous, nous attendons des actes. En général, ils ne sont pas mis en place, puisque l’argent nécessaire pour redonner des moyens humains et financiers aux pharmacies centrales n’est pas au rendez-vous. Or, nous avons vu que leur rôle est essentiel puisque, pendant la pandémie, l’Agence générale des équipements et produits de santé a produit du cisatracurium, un curare. Pour moi, seule une production publique peut enrayer les pénuries structurelles et croissantes.
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