Le leader des Insoumis demande à la France de « manifester du réalisme », de considérer les « propositions intéressantes » formulées par Rabat et, au final, de s’aligner sur la position des États-Unis et d’Israël contre le peuple sahraoui.
Au mois de mai dernier, le chef du parti Les Républicains, Eric Ciotti, s’était rendu au Maroc où il avait déclaré que « sur la question du Sahara occidental, la souveraineté du Maroc est indiscutable ». De passage dans le royaume chérifien pour apporter sa solidarité aux victimes du séisme d’Al Haouz, Jean-Luc Mélenchon a été interrogé par Le Desk sur ce dossier du Sahara occidental. Surprise, alors qu’on s’attendait à une prise de position franche et nette en faveur du peuple sahraoui et son organisation, le Front Polisario, le leader de la France insoumise a d’abord expliqué qu’il s’agit d’une « question épineuse dans les opinions publiques marocaines. Tout le monde au Maroc se sent investi dans la Marche verte (la marche organisée le 6 novembre 1975 par le roi d’alors, Hassan II, pour mettre la main sur ce qu’on appelait le Sahara espagnol et empêcher la tenue d’un référendum d’autodétermination qui aurait pu conduire à l’indépendance du territoire, ndlr) et la continue dans son esprit et même ceux qui aiment le Maroc, même si des fois ils sont tenus par une certaine discrétion, n’en pensent pas moins ». Sur sa lancée, Mélenchon, qui est natif de Tanger, a rendu hommage à la diplomatie marocaine « très efficace » qui aurait permis « pendant des années que tout le monde s’y retrouve en étant d’accord avec les résolutions de l’ONU. Le Maroc n’a jamais manqué à sa parole (…) Dans les tous les cas, ce n’est pas le Maroc qui a manqué à sa parole ».
Qu’on n’en fasse pas un sujet de querelle avec les Marocains, Jean-Luc Mélenchon.
Un raisonnement assez difficile à suivre en réalité surtout quand il affirme percevoir des « paramètres nouveaux auxquels les Français devraient, sans doute, réfléchir avec plus d’attention. La prise de position des États-Unis d’Amérique, d’Israël et de l’Espagne a modifié le regard que le monde porte sur cette question. Je souhaite que mon pays le comprenne et que dans tous les cas on n’en fasse pas un sujet de querelle avec les Marocains ». Voilà donc l’insoumis Mélenchon, qui demande un alignement sur les positions de Washington et de Tel Aviv dont on connaît la propension à défendre les revendications d’autodétermination des peuples dans le monde, à commencer par les Palestiniens ou les Arméniens du Haut-Karabakh. Fort de quoi, le même Jean-Luc Mélenchon demande à la France de « manifester du réalisme » et de considérer les « propositions intéressantes » formulées par Rabat.
Un plan d’autonomie sans perspective
Alors que le Front Polisario prône un référendum sur l’indépendance de la population sahraouie, le Maroc propose un plan d’autonomie en 35 points dans lequel le Sahara resterait de toute façon sous sa tutelle. Il est ainsi noté dans le point 14 : « L’État conserve une compétence exclusive, notamment en ce qui concerne : les attributs de souveraineté, notamment le drapeau, l’hymne national et la monnaie, les attributions liées aux pouvoirs constitutionnels et religieux du Roi, Commandeur des croyants et garant de la liberté de culte et des libertés individuelles et collectives, la sécurité nationale, la défense extérieure et l’intégrité territoriale, les relations extérieures, l’ordre judiciaire du Royaume. »
Depuis des décennies, le Makhzen réprime sans relâche les revendications sahraouies. À partir de 1980, le Maroc a fait ériger un mur de sable (terminé en 1987) que ces opposants appellent « mur de la honte », qui isole encore plus les populations nomades, en les privant de la liberté de circuler sur leurs territoires traditionnels pour protéger les intérêts miniers. Le Maroc contrôle 80 % du territoire. D’ailleurs, une des raisons de l’intérêt de Rabat pour le territoire du Sahara occidental est sa richesse en ressources minérales et piscicoles. Pour arriver à ses fins, le Maroc, dont toute la politique extérieure est menée dans le but d’une reconnaissance internationale de la souveraineté marocaine sur ce territoire, ne recule devant rien. On se souvient de la crise migratoire avec l’Espagne ou des tensions avec l’Union européenne après la révélation d’un Marocgate. Le Pérou a ainsi changé sa position sur le Sahara occidental et s’est aligné sur la marocanité, après que le Maroc a refusé de lui vendre du phosphate.
Le rôle particulier de la France
Évidemment, la France a une position particulière dans ce dossier dans la mesure où elle a joué un rôle au Sahara occidental : c’est elle qui a tracé les frontières en 1938 entre l’Algérie et le Maroc, Giscard d’Estaing avait envoyé ses avions de chasse soutenir la Mauritanie contre le Front Polisario et Jacques Chirac parlait des « provinces du sud ». Au début du mois d’août, sous la houlette des sénateurs LR Roger Karoutchi, Bruno Retailleau et Christian Cambon, 94 parlementaires envoyaient une lettre à Emmanuel Macron appelant à remettre à plat la politique de la France en Afrique. Ils regrettaient notamment « les atermoiements français sur le Sahara (alors que l’Espagne et l’Allemagne ont reconnu la souveraineté marocaine) et la politique d’équilibriste du Quai d’Orsay avec l’Algérie, (qui) poussent le Palais royal à chercher ailleurs qu’à Paris des partenaires militaires ou économiques. »
Épousant visiblement la « cause nationale » marocaine, Jean-Luc Mélenchon a été on ne peut plus clair. « J’ai lu des sottises sur mes positions et sur celles des Insoumis. Il n’existe aucune relation du mouvement insoumis institutionnel avec qui que ce soit d’autre que les partis de la démocratie marocaine. » Dont acte. Entre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la colonisation marocaine, Jean-Luc Mélenchon a fait son choix.
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